La tente est dans le pré

Journal de bivouac #3, en France

La photo :

 

L'histoire :

 
Le 3 septembre 2017, aux alentours de Hazebourck, France

En ce bel après-midi de la fin de l’été, je traverse fébrilement la frontière entre la Belgique et la France, au milieu de nulle part. Rien ne m’indique vraiment que je suis de retour en terre promise, excepté quelques panneaux de signalisation bien familiers. Me voilà enfin revenu dans mon beau pays, après avoir baroudé deux ans sur les routes d’Europe et d’Asie. Je suis enthousiaste à l’idée de pouvoir enfin m’adresser aux passants dans ma langue natale, de pouvoir acheter des camemberts au lait cru … Et d’enfin pouvoir faire la razzia dans les “vraies” boulangeries !

Il fait beau, il fait doux, je roule en short et me perds volontairement dans le dédale des routes communales de la campagne française, bien décidé à emprunter le chemin le moins court. C’est une manière comme une autre de faire durer le plaisir du voyage. Mais déjà, la pénombre gagne et je dois trouver mon bivouac du jour. Grâce à mon expérience de voyageur aguerri, il m’est maintenant assez aisé de débusquer une jolie petite place pour y planter ma tente : j’ai comme un radar interne qui me permet d’imaginer les chemins cachés derrière les bosquets et de visualiser les bonnes situations derrière les buissons. Je suis il est vrai fort aidé par les nombreux champs de maïs à disposition. A cette époque de l’année, ils attendent encore bien sagement que leur maître vienne les moissonner. J’en choisi un, un peu au hasard, et débouche sur petit un bout carré de pelouse fraîchement tondu. J’apprécie particulièrement ce moment, où je me mets à la recherche du spot de camping providentiel : c’est le petit bonheur du soir quotidien dont je ne me lasse pas.

La nuit est bien fraîche, largement humide, mais cela ne m’empêche pas de dormir comme un loir. Au petit matin, la bonne surprise : j’ai élu domicile en mitoyenneté d’une abondante réserve de mûres ! Les buissons hexagonaux regorgent de satisfactions. Bizarrement, ni en Belgique, ni en Hollande, je n’ai pu tâter du délicieux fruit de ronce. Et pourtant, c’était déjà la saison là-bas, et le climat y est favorable. N’y aurait-il pas chez eux assez de place pour la plante à barbelés ? Je ne boude pas mon plaisir et après avoir bien garni mon estomac dans le cadre d’un copieux petit déjeuner, je remplis à ras bord mes tupperwares dans l’optique d’agrémenter mon futur déjeuner. Ce fut alors l’occasion de tenter une merveilleuse expérience culinaire : un sandwich baguette-jambon-camembert-mûres. Un véritable délice gustatif, répété tout autant que je puisse cueillir la délicate baie sauvage … Ce casse-dalle improbable deviendra finalement le symbole de mes premiers coups de pédales du retour en France.

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Savoir interpréter les signes

Journal de bivouac #2, au Japon

Publié le 16 Aug 2022
Catégorie Japon

La photo :


L'histoire :

 
Le 16 mai 2016, à Matsumoto Ikedacho Matsuo, Japon.

J'entame ma progression dans la vallée secrète d’Iya, à Shikoku, la plus petite des 4 îles principales japonaises. Me voilà à grimper une route juste assez large pour une voiture, à flanc de montagne, serpentant dans une forêt de conifères luxuriante. Il ne faut pas avoir le vertige ! Jadis, ce fut l’endroit qu’a choisi le clan Heike pour se cacher après sa débâcle face au clan Minamoto. Un lieu reculé, emprunt de mystère. Le décor m'envoûte. C’est comme si on m’observait, au loin, derrière cet arbre, ce fourré. Je soupçonne un regard curieux mais bienveillant. On essaye de pénétrer mon esprit, de démasquer mes intentions. C’est peut-être le Kodama. On m’en avait parlé. Il est notamment évoqué dans les films de Miyasaki, dont l’excellent Princesse Mononoke. Le Kodama, c’est l’esprit de la forêt. Peut-être s'intéresse-t-il maintenant à ce modeste voyageur qui s’aventure sur ses terres. J’ai l’intuition qu’il m’offre sa protection.




En un coup de vent, cette sensation de sécurité se volatilise. Changement soudain d’ambiance. L’air se charge d’humidité. L’obscurité gagne anormalement du terrain. Les nuages se font menaçants. Le Kodama essaye-t-il de me prévenir d’un danger ? Je redouble d’attention. Je me souviens alors que mon appli météo m’annonçait depuis quelques jours un terrible orage. Ces prévisions sont le plus souvent à prendre avec des pincettes. Je passe parfois entre les gouttes, comme je peux me retrouver au cœur de la tempête. Pour affiner le pronostic, mon meilleur allié, c’est le ciel. C’est lui qui m’indique le moment fatidique.



J’estime alors mon sursis à 1 heure avant l’arrivée du déluge. Le hic, c’est que je suis coincé sur cette route qui ne m’offre ni abri, ni repli. Je consulte mon GPS : en amont, il y a la possibilité d’un village, à dix kilomètres de grimpette … Pas sûr de pouvoir y arriver à temps, ou même d’y trouver un refuge. Je réfléchis. 10 km en aval, à rebrousse chemin, je me souviens avoir repéré une construction bétonnée sur le bord de la route, une sorte d’observatoire couvert. Pour le rejoindre, ça descend : je suis assuré d’y arriver avant le début des hostilités. Cet orage, je le pressens, c’est du costaud, je ne peux pas me permettre de me faire cueillir comme ça.



Quelques coups de pédales plus tard, j’y arrive enfin. Mais le temps presse. Je dois tout d’abord gravir les nombreuses marches qui me séparent de la plateforme. Je débarrasse à la hâte mon vélo de tout son matériel afin de pouvoir le porter à l’épaule. Les premières gouttelettes tombent déjà. Je prends rapidement la décision de monter ma tente. Je pousse des tables de picnic, déballe mes affaires, étale mon gourbi. Le sol en dur ne me permet pas de planter de sardines, alors je leste avec mes sacoches et quelques bouts de parpaings trouvés ici et là. Un montage pas très orthodoxe mais efficace. Cela suffira. De toutes manières, ce n’est plus le moment de tergiverser : le déferlement a déjà commencé, employant toutes ses forces dans la bataille. L’horizon est bouché, c’est comme si une cascade d’eau passait au-dessus de ma tête. A ce moment, je suis bien heureux et soulagé d’avoir trouvé ce toit. L’intensité pluviométrique ne faiblit pas, bien au contraire. L’eau n’est plus suffisamment évacuée et se rapproche inexorablement de l’emplacement de ma tente. Le contact est imminent. Je cherche alors à sécuriser la protection de mes affaires les plus hydrophobes : mes papiers et mon équipement électronique. Mais bon, quelque part, je mesure déjà la chance incroyable d’avoir cette planque, et je n’ose même pas imaginer la galère si j’avais dû affronter seul avec ma Gore-tex ce déchainement de la nature … Je pense au Kodama, mon protecteur, le remercie de m’avoir prévenu. Sans son intervention, je n’aurais peut-être pas été aussi attentif aux signes avant-coureur de ce déluge.

J’ai l’impression qu’il m’appelle … Je tends l’oreille, mais n’entends que le bruit de l’eau claquant contre le béton. En me concentrant, je distingue un murmure, éloigné. C’est comme si on diminuait le son de la pluie pour me le laisser entendre … Ah, mais ça y est, la pluie perd en intensité. Le déluge se transforme en averse, et le niveau de l’eau se stabilise. Je suis sauvé ! Ma tente restera au sec cette nuit, je peux dormir en paix.



Le lendemain matin, je savoure le calme environnant et prends le petit déjeuner tout en découvrant les beautés naturelles qui s’offrent à moi. La brume peu à peu se lève et me révèle la splendeur de la vallée, qui m’aura livré une partie de son secret. En revanche, je garderai pour moi ce que m’a chuchoté à l’oreille l’esprit de la forêt. Je dirai juste qu’il est bon de savoir qu’il y a toujours quelqu’un de bienveillant qui nous protège, où que l’on aille.



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Bivouac avec les loups

Journal de bivouac #1, en Mongolie

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L'histoire :

 
Le 21 août 2016, en Mongolie.

Cela fait déjà un bon mois que je sillonne les pistes. A ce moment-là de l’aventure, mes chaotiques et timides premiers coups de pédales mongoles me semblent déjà bien loin, tant le périple a été riche d’enseignements. Je ne me sens plus perdu dans l'immensité des steppes, et me suis imprégné peu à peu de l’esprit des nomades. La Mongolie, c’est la première contrée où je n’ai pas à expliquer pourquoi diable je dors dans une tente. Ici, personne ne me prend pour un fou. Et même bien plus que ça : je suis potentiellement un des leurs.

Je suis maintenant sur le retour et me dirige lentement vers Oulan-Bator. Plus on se rapproche de la capitale, plus on trouve des routes bitumées, plus rapides, plus pratiques, plus confortables. C’est tentant, mais beaucoup moins aventureux qu’un inattendu chemin de terre ! Quand on roule sur l’asphalte, on se convertit en spectateur émerveillé par la beauté des paysages qui défilent, comme un visiteur au musée qui admire une jolie peinture. Mais dès lors lorsqu’on s’engage sur une piste, c’est comme si on rentrait à l’intérieur du tableau. Après tout, je suis venu visiter la Mongolie, pas le Louvre ! Alors, lorsque ma curiosité est piquée par ce point “remarquable” indiqué sur ma carte, là-bas au loin, au pied de cette mystérieuse montagne, je ne me fais pas prier pour m'éloigner du chemin le plus court.




Je progresse dès lors dans le parc national du Khögnö Khan (ou Khugnu Tarna). Un lieu se caractérisant par la richesse et la diversité de ses paysages. Ce sont tout d’abord de majestueuses dunes de sable qui m'accueillent, pour ensuite laisser la place à une sorte de végétation semi-aride dense et touffue, très différente de ce que j’ai pu foulé jusqu’à présent dans les steppes. Mais dieu, je n’imaginais pas cette montagne aussi lointaine ! Ma progression est lente et difficile. En Mongolie, chaque exploration se paye en litres de sueur et de larmes.



J’arrive finalement à destination. Je découvre alors un endroit magique, atypique, un oasis verdoyant flanqué au bord de la montagne. La végétation y est luxuriante, il y a de nombreux arbres, me fournissant une ombre bien trop précieuse et rare dans cette contrée. C’est le début de l’après-midi, il fait chaud et j’ai épuisé la plus grande partie de mes réserves d’eau. Au loin, une silhouette, que j’alpague gentiment. J’espère pouvoir lui demander des indications sur un endroit où remplir mes gourdes. Il s’approche : je constate tout d’abord que mon homme n’est pas un mongole. Il se rapproche encore, je devine un occidental. Je balbutie quelques phrases en anglais contenant le mot “water”, et j’entends en retour dans un français impeccable qu’il serait heureux de pourvoir à mes besoins.



Voici René. Un personnage. Français, marié à un mongole d’Oulan Bator. Il estive chaque année ici, seul, à expérimenter la permaculture dans cet endroit reculé de la Terre. Il l’a choisi pour son microclimat favorable et la proximité d’une source d’eau pure. Son but avoué : promouvoir la culture de légumes biologiques en Mongolie pour permettre aux locaux de varier leur alimentation et diversifier leurs sources de revenu. Un combat pas vraiment gagné d’avance, mais il n’est pas du genre à baisser les bras devant l’adversité. Un vrai caractère de nomade ! Avec lui, j’apprends que ce lieu est hautement sacré, et que le point indiqué sur ma carte est en fait l’ancien monastère Ovgon Khiid, qui fut le théâtre d’une sanglante exécution de moines. Aujourd’hui encore, c’est un lieu de pèlerinage. Je passe quelques heures avec René, bien heureux de pouvoir m’entretenir avec un compatriote après ces quelques jours de solitude. Nous parlons de tout et de rien, mais toujours des sujets les plus sérieux au monde. Entre légendes locales et passions personnelles, il me livre sa vision du monde et les secrets de son lieu de vie. J’apprends au passage que cette montagne abrite une meute de loups, qu’il n’a entrevu que très rarement mais entend régulièrement : l’animal fuit généralement la présence humaine et la plupart du temps, lui nous voit bien avant que nous puissions le voir …



Le moment est venu pour moi de reprendre la route, après cette pause enchanteresse qui m’aura fait prendre conscience de la valeur hautement symbolique du site. Je quitte René chargé d’un trésor composé de quelques tomates bio bien juteuses et de nombreuses histoires à me remémorer. Il me tarde de retrouver la piste sauvage, puis de trouver mon bivouac du jour. Je contourne la montagne par sa face sud-est dans le but de me mettre à l’abri du vent fort qui vient de se lever. Je profite finalement de cette providentielle formation rocheuse (voir photo), qui fera office de paroi idéale contre les alizées du soir. Me voilà bien installé, avec vue imprenable sur la montagne sacrée. Je repense à cette étape, à cette rencontre improbable, à ces chemins de bravoure. Je laisse les légendes se distiller dans mon imaginaire et m’abandonne peu à peu à la charge allégorique de ce lieu magique. Finalement, je décide de conclure cette journée fantastique par le soleil du juste. Je suis maintenant bien blotti au fond de mon duvet et ne lutte plus contre la fatigue … Mes songes se perdent progressivement dans les mythes enfouis du mont Khugnu Tarna. Au cœur de la nuit, j’entends au loin, dans un demi-sommeil embrumé, le hurlement du loup. Je n’ai pas peur, je me sens même en sécurité. Au fond de moi, je sens que la montagne dont il est l’animal protecteur lui a donné la charge de veiller sur moi. Je peux me rendormir paisiblement … Au petit matin, je suis toujours là, plus vivant que jamais, et je me dis que peut-être, tout ceci n’était finalement qu’un doux rêve.

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Patrice, Nagoya

Série "Happy Expats", portrait n°4

Publié le 6 Apr 2022
Catégorie Reportages
Nagoya, Japon, mai 2016 : je fais la rencontre de Patrice par l'intermédiaire de Warmshowers.org, le site qui met en relation des voyageurs à vélo et des personnes désireuses de les héberger pour une nuit (ou plus). Ce fut un excellent souvenir. Le soir, elle m'invita avec un de ses amis expat dans un "isakaya", un restaurant typiquement japonais où se retrouve le plus souvent les collègues de boulot pour des afterworks. La particularité de ce lieu (je ne sais pas si c'est propre à tous les izakayas ou seulement à celui-ci), c'est que tout y est à volonté (y compris les boissons alcoolisées), mais seulement pendant un laps de temps défini (1h, 2h ...). Inutile de préciser que je me suis fait péter le bide, en bon cyclocampeur affamé en quête de calorie pour la suite de l'aventure. 

J'ai trouvé Patrice particulièrement à l'aise dans sa nouvelle ville d'adoption, et j'ai donc décidé de lui soumettre les 3 petites questions de ma série "Happy Expat" :
 
1. Patrice, comment es-tu arrivée à Nagoya ?
 
Après avoir enseigné sur le Japon pendant 16 ans aux États-Unis, j'ai décidé de vivre ici 2 ans environ. Grâce à mes contacts, j'ai été nommé à un poste d'enseignante à Nagoya. Mon visa et mes conditions de vie faisaient partie du placement. Cependant, une fois sur place, j'ai trouvé que j'adorais cet endroit.
 
2. Qu'est-ce qui t'a décidé à rester ?
 
  J'aime mon travail et j'aime les gens. Le niveau de vie y est élevé, les soins de santé sont incroyables, propres / sûrs et je profite des 4 saisons.
 
3. Qu'est-ce qui fait selon toi de Nagoya l'endroit idéal ?
 
Idéal est un mot fort, mais je pense que Nagoya me convient. C'est une grande ville mais ressemble en fait à une petite ville. Il y a peu d'étrangers, donc je reçois beaucoup de gentillesse. Nagoya est une ville très facile à vivre et à travailler. C'est chez moi.

En anglais : 

1. Patrice, how did you arrive in Nagoya ?

After teaching about Japan for 16 years in the USA, I decided to live here maybe 2 years.  Through my contacts, I was appointed to a teaching job in Nagoya.  My visa, and living arrangements were part of the placement. However, once I was adjusted, I found that I loved this place. 

2. What made you decide to stay?

 I enjoy my work and I love the people.  The standard of living is high, health care amazing, clean/ safe and I enjoy 4 seasons.  

3. What do you think Nagoya is the ideal place?

Ideal is a strong word, but I do think Nagoya suits me.  It is a big city but actually feels much like a small town.  There are few foreigners, so I receive a great deal of kindness.  Nagoya is a very easy city to live and work in.  It’s home.



Sur la photo, c'est Patrice qui est à droite. Et en arrière plan de cette photo, on peut apercevoir la devanture du restaurant izakaya ;)

Précédent volet : Jo, Hanoï

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Jo, Hanoï

Série "Happy Expats", portrait n°3

Publié le 20 Apr 2020
Catégorie Reportages

En Mars 2016, je rencontrais Yohan à Istanbul. Nous échangeons alors nos expériences de cyclocampeurs … Il me parle avec entrain de son expérience à Hanoï, au Vietnam, qui me semble être le lieu tout indiqué pour effectuer un séjour prolongé. Ses atouts : une ville cosmopolite, des loyers peu chers,une cuisine locale excellente et quelques vélocistes sérieux sur place pour s’occuper de l’entretien de mon vélo. 

 

Me voyant intéressé, il me donne le contact d'un ami resté sur place : c’est ainsi qu’au mois de septembre 2016 je rencontrais Jo (Jonathan), un garçon au grand coeur qui est très vite devenu mon ami. Il m’a tout de suite donner les clés pour commencer à apprécier une ville qui au premier abord me paraissait plutôt hostile. Son expérience et sa gouaille ont guidé mes premiers pas dans la capitale vietnamienne. C’est grâce à lui que j’ai pu m’approprier ce lieu, convertir cette jungle urbaine frénétique en une abondance de petits coins bucoliques.

 

Ce qui lie Jo à Hanoï est digne d’un roman sentimental. Une histoire d’amour qui mêle séparations difficiles et retrouvailles exaltantes. Du récit de ses aventures, je retiens surtout sa détermination à s’améliorer en tant que personne et sa débauche d’énergie pour aller de l’avant quoi qu’il arrive. C’est avec un très grand plaisir que je vous présente le 3e volet de ma mini-série “Happy Expat” :

Jo est né à Bruxelles il y a une trentaine d'années et a passé la majeure partie de son adolescence à Mons en Belgique ...

 

Seb : Comment as-tu atterri à Hanoï ?

 

Jo : C’est une longue histoire :)

 

A la base, je suis venu en Asie pour apprendre … l’anglais ! Mon souhait initial était de me rendre en Australie mais mon niveau linguistique n’était pas suffisant. Avant de partir, j’ai du batailler contre mon père qui voulait que je garde mon boulot à Belgacom (principal opérateur téléphonique en Belgique). Pour lui, cela représentait la sécurité de l’emploi. 

 

Je voulais aussi tenter l’expérience dans l’humanitaire : je trouve finalement une mission du côté de Halong Bay, dans le nord du Vietnam (septembre 2014). Une fois sur place, j’ai tout d’abord été surpris par le côté indiscipliné des locaux. Je m’imaginais alors qu’on vivait partout en Asie comme on vit au Japon !

 

Cette expérience dans l’humanitaire fut un véritable fiasco. On m’avait proposé un poste de prof de sport, mais en arrivant là-bas je me retrouve coincé à faire le prof d’anglais (avec mon niveau élémentaire en la matière t’imagines un peu la situation) … Déjà, ça commençait mal.  Par la suite, j’apprends que les enfants que j’étais censé “aider” doivent débourser un paquet d’argent pour assister à mes cours : l’organisme m’avait présenté comme un professeur expérimenté, venant des Etats-unis ... En bref, la grosse grosse arnaque. J’ai donc arrêté les frais au bout de 3 mois.  

 

Ceci dit, je ne voulais pas repartir aussitôt en Belgique. Et comme j’avais déjà de l’expérience dans la restauration, je commence à chercher un boulot à Hanoï, la capitale du pays. Sans m’en rendre compte, je commence déjà à m’attacher à cette ville, à ce pays. Je pars ensuite un peu plus  de 6 mois en Thaïlande pour une expérience mitigée (avril 2015). Après un bref retour à Hanoï début 2016, je décide de réaliser mon rêve en allant tenter ma chance au Japon (avril 2016). Une fois sur place, je me rends compte que tout n’est pas si facile. Je me retrouve notamment confronté à des problèmes de visa et de permis de travail. Alors qu’au Vietnam, on ne me compliquait pas tant la vie ! De surcroît, j’avais commencé à y tisser des liens, à créer de belles relations ... Je me décide finalement à revenir à Hanoï, une nouvelle fois (septembre 2016) ! C’est à ce moment que je t’ai rencontré :)

 

Le Vietnam m’offrait alors la possibilité d’envisager une vie plus stable avec un salaire convenable, tout en m’épanouissant dans mon travail. Malgré cette perspective réjouissante, c’est le moment que je choisis pour faire une connerie qui me met dans un sale pétrin. J’étais complètement perdu, la grosse remise en question personnelle ... Et puis là, faut pas chercher, le miracle a eu lieu : le destin joue finalement en faveur. On me propose de devenir gérant d’un petit resort à Ninh Binh, un spot hautement touristique à une centaines de kilomètre au sud d’Hanoï (décembre 2016). Je ne rate pas le coche. Pendant 2 ans, je fais mes preuves et ensuite tout s’enchaîne : je suis promu sur un grand projet d'hôtel de 200 chambres, puis dans un autre hôtel de 120 chambres, dans le sud du Vietnam, tout près de Saïgon (juin 2018). 

 

Avec le recul, c’est bien le Vietnam qui m’a le plus réussi. Je commence à mesurer l’étendu du chemin parcouru mais ne compte pas m’arrêter pour autant. Le lien avec ce pays devient de plus en plus fort … Ce serait un peu comme dans une histoire avec une fille. Une fille avec qui tu passes du temps. Et plus le temps passe, plus tu te rends compte que la fille est chouette, qu’elle te veut du bien et que si tu t’investis dans la relation cela peut devenir super productif. Et voilà, c’est comme ça que je suis tombé amoureux du Vietnam et de Hanoï en particulier.

 

Seb : Qu'est-ce qui te pousse, te motive à rester à Hanoï ?


Jo : Si je regarde bien, à mon arrivée au Vietnam, mon CV n’était pas le meilleur, loin de là. Mais on m’a donné ma chance, et j’ai pris du galon en ayant la possibilité de démontrer mes qualités et de monter en compétence. Avec le recul, je me dis que cela n’aurait pas été aussi évident dans un autre pays (et en particulier en Belgique). J’aime aussi le dynamisme du Vietnam, le fait d’avoir l’occasion de pouvoir rencontrer plein de gens. Si la communauté d’expats du sud (Saïgon) est plutôt axée business, celle du nord (Hanoï) est plus simple et relax. Elle est aussi plus francophone. Je me sens bien au nord comme au sud, mais je me sens comme chez moi à Hanoï :)

 

Seb : Qu'est-ce qui fait selon toi de Hanoï l'endroit idéal ?


Jo : Les points forts du Vietnam et de Hanoï en particulier : déjà, y’a énormément d’opportunités de carrière. Ensuite, je n’y ai pas ressenti beaucoup de racisme (je ne dis pas qu’il n’y en a pas). En fait, les vietnamiens n’arrivent pas trop à faire la différence entre un arabe, un espagnol, un belge, un français … Ils valorisent surtout les efforts d’intégration, te considèrent si tu montres ton intention de faire quelque chose de bien pour le pays. On peut les percevoir comme un peuple de guerriers, fiers, avec un peu trop d’égo ; mais au final ils ne sont pas rancuniers. Enfin, ils ne se prennent pas trop la tête et sont faciles à vivre. J’apprécie particulièrement leur franchise. Dernier détail, que je trouve merveilleux : si tu arrives à te faire un ami vietnamien, c’est pour la vie ! 



Précédent volet : Stéphane, Tokyo

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J557 (730) A la maison

L'homme qui murmurait à l'oreille des vaches

Publié le 12 Apr 2018
Catégorie France

Après un long périple initié le 1er juillet 2015, je rentre enfin à la maison le vendredi 29 septembre 2017, après avoir totalisé 23800 kilomètres et 730 jours sur les routes d’Europe et d’Asie. 

Cette fois-ci, c’est la fin.

Depuis la première fois de mon voyage, j’ai senti que cette pause n’en était pas une, que je tournais cette fois-ci la dernière page de mon roman. 

Le roman d’un rêve, d’une vie, d’expériences. Il y a 2 ans, je partais de chez moi berné de craintes et d’espoirs, sans vraiment savoir ce qu’allait donner le produit de ce choc de sensations. 

Je partais avec l’espoir de connaitre la vraie liberté et de surmonter l’insurmontable. J’imaginais mondes et montagnes, mers et chimères, mais j’étais loin d’imaginer le reste … Un apprentissage inattendu de la vie, des rencontres extraordinaires, une palette de sentiments allant de l’extase à l’anéantissement. Au fil de ce blog, j’ai bien essayé de coucher tout cela par écrit, mais l’essentiel est resté ancré en moi, comme un trésor enfoui qui enrichira ma vie intérieure. 

 

Depuis la fin de mon périple début octobre 2017, je suis en train de digérer tout ça paisiblement, tout en affrontant les nouveaux défis de la vie sédentaire : me trouver un travail, une raison de continuer sans me mouvoir, un équilibre. Finalement, je trouve que la vie était bien plus simple à bicyclette, à satisfaire mes besoins basiques, comme étancher ma soif de contact ou apaiser ma faim de pédaler. Mais je prends tout cela avec la philosophie d’une personne qui recommence tout à zéro. Avec tout à reconstruire, tout à me prouver de nouveau, en somme, réinventer ma vie. Je me retrouve dans la situation d’avant mon départ, à la fin d’une étape et au début d’une autre, qui j’espère sera tout aussi enrichissante et excitante que celle que je viens de traverser.

 

Mais avant ça, il me faudra traverser de nombreuses fois la gare St Lazare. Cette gare parisienne qui me fait revivre l’ultime partie de mon périple à chaque fois que je pose mes yeux sur ses panneaux d’affichage : Dieppe, Caen, Trouville … Autant de noms de villes qui résonnent dans ma tête comme de précieux souvenirs de voyage. Après la Belgique, je me réservais encore un bon gros mois d’aventure pédalifère à travers mon beau pays, la France. J’avais à coeur de prendre mon temps pour la der, et de vérifier si l’enthousiaste expérience des premières semaines de voyage en 2015 était uniquement due à mon état d’excitation plutôt qu’aux talents intrinsèques de nos régions.

 

Et bien, je dois dire que je n’ai pas été déçu, bien au contraire. La France, j’ai donc la confirmation, c’est le kiff, et une des meilleures destinations pour le voyage à vélo. Déjà, cela a été très émouvant de retrouver dès le passage de la frontière moultes petits signes qui me signifiaient le retour à la maison. Les petites routes communales crottées par les paysans, le son caractéristique des clochers, les boulangeries bien achalandées, les petites chapelles, les calvaires, les affiches des concours de belote, les châteaux d’eau si particuliers … Et pour couronner le tout, le “bonjour” repris en choeur par les badauds …  Toutes ces habitudes perdues depuis de longs mois qui reviennent à moi comme un enchantement doux et irréel. 

 

Je vois mon propre pays comme un étranger, et autant je découvre ses beautés avec un oeil naïf et neuf, je me prends aussi de plein fouet les petits défauts de mes concitoyens. Irascibles , râleurs, nerveux au volant, chauvins (je m’inclus dedans) … C’est bien le seul endroit au monde où l’on peut me pourrir la vie avant de me remplir une bouteille d’eau ! Tous ces petits travers sont toutefois largement compensés par des valeurs humaines hors-norme que je (re)découvre au fur et à mesure de mon entrée dans le territoire bien-aimé. Gentillesse, bienveillance, curiosité, spontanéité … je retrouve toutes ces qualités qui m’avaient gonflé de confiance lors de mon départ en juillet 2015. Le Français a bon coeur, est critique et passionné. Ici, chaque rencontre représente une découverte riche en rebondissements. Je prends tellement de plaisir à évoluer dans mon bocal !

 


Et puis, je retrouve La Bouffe. L’idéal du cyclocampeur : du bon pain et du bon fromage. De quoi me concocter des sandwichs au poil, savoureux, gourmand, copieux, et qui puent à 200 mètres à la ronde. Le côté pratique, c’est que cela cache aussi l’odeur de mes chaussettes sales. Je cultive olfactivement mon côté Kim Jong-un, et ne me trimballe jamais plus sans mes bombes nucléaires au lait cru. Je découvre aussi des mélanges inédits. Début septembre, c’était encore la pleine saison des mûres, alors j’ai tenté un casse-dalle expérimental baguette-jambon-camembert-mûres ... Qui s’est avéré être un véritable délice !
 

C’est qu’il faisait beau quand j’ai passé la frontière, et je n’avais qu’à me baisser pour ramasser quotidiennement une bonne cargaison de ces délicats fruits de ronce. Mon entrée en matière a été douce comme les blés d’un beau mois de juillet. J’empruntais alors l’arrière-pays, en traversant gaiement les terres vertes et paisibles du parc naturel régional des caps et marais d’Opale. Je profitais tendrement du calme de ces petites routes de campagne, me faufilant légèrement dans un trafic routier aussi dense que la chevelure de Zinedine Zidane.

Cette accalmie fut de courte durée : à peine le littoral retrouvé à Boulogne sur Mer que je me prends de plein fouet le déchaînement des forces de la nature : vent de face, pluies diluviennes, côtes en routes départementales - à partager avec des chauffeurs rapides et furieux … Je traverse aussi sous les éléments débridés la baie de Somme, terre de chasseurs. En bivouac, j’entends au loin les coups de fusil des braconniers qui retentissent comme un appel à la mort. J’observe aussi sur ma route d’étranges étangs artificiels peuplés de répliques de canard en plastique. Non loin de là, bien cachés dans leur bunker, les affreux viandards attendent courageusement l’arrivée des volatiles et … Baaam ! Je comprends dorénavant l’origine du mot “canarder”. Y’a pas à dire, quel noble sport. Cela a été l'enfer jusqu’à Caen, très loin de la sinécure annoncée … J’encaisse pour une dernière fois l’épreuve des rafales de vent “coup de boutoir”. Telles les falaises de craie en Pays de Caux, je subis l’érosion de mon moral qui se disperse en petits galets sur mon passage. 

 

Ce temps de chien, finalement, je pourrais dire que cela a été une expérience normande en immersion totale. Surtout, cela ne m’a pas empêché de vivre de belles aventures. Une fois passé le déchainement divin, j’étais tellement fier et rasséréné. Et puis, la côte d'Albâtre, c’est tellement joliii ! Les superlatifs me manquent pour qualifier cet éclat, cette élégance, cette grâce qui caractérisent ces découpes de calcaires monumentales saupoudrées de verdure. Ce sont finalement les impressionnistes qui avec leur art décrivent le plus habilement tout le nuancier des couleurs merveilleuses de ce littoral indomptable. Monet, Manet, Saint-Delis, Raoul Dufy ou encore Gustave Courbet ont érigé un style pictural à la hauteur de la beauté des lieux, révélant par le biais de leur palette et d’un peu de peinture à l’huile les aiguilles majestueuses d’Etretat, les reflets dorés du soleil levant sur les maisons du port d’Honfleur ou encore les fabuleux couchers de soleil sur l’horizon dégagé de la plage du Havre. 

 

Le Havre, ma ville coup de coeur de cette fin de périple. Il faut dire que mon parcours dans cette cité portuaire a été jonché de nombreuses et formidables rencontres. Tout a commencé par l’une des anecdotes les plus folles de mon voyage : quelques kilomètres avant la ville, je croisais sur ma route un groupe de japonais à vélo, mené par un français … Qui était en fait mon hôte warmshower de Gifu (Japon), Gilles ! Quelle heureuse surprise ! Nous n’aurions pas pu mieux faire si nous nous étions donné rendez-vous. 2 jours après cette rencontre inattendue, Gilles me faisait rentrer dans sa joyeuse bande d’ados nippons et me présentait à une association d’allègres cyclistes, “La Roue libre”. S’en suivirent 4 jours de pures joies et de bonne humeur. Au delà de cette euphorie, j’ai aussi découvert une ville singulière. Un mélange subtil de modernité et de monde ouvrier. Auguste Perret y laissa un chef d’oeuvre d’urbanisme bétonné classé au patrimoine mondial de l’Unesco. Sur ces grisonnantes surfaces de ciment comme sur les galets de son immense plage se reflètent le bleu profond de la mer et de l’horizon maritime, formant un ensemble homogène et harmonieux.

 

C’est aussi dans son musée d’art moderne André Malraux (le Muma) que je découvris les étonnantes études de vaches du peintre Eugène Boudin. A travers ses esquisses, il réussit à capter l’essence même de la Normandie : ce bovidé timide, placide mais curieux qui peuple immuablement les champs et bocages de la région. Elles sont devenues au fil du temps mes amies inséparables, des intimes confidentes et mon plus fidèle public. Tel un Robert Redford des cambrousses, je devenais au gré de ces rencontres bovines l’homme qui murmurait à l’oreille des vaches. 

 

C’est peu avant Ouistreham que je fais mes adieux à la mer qui ne m’avait presque plus quitter depuis la Thaïlande. Elle m’aura bercer du son de ses vagues de nombreuses et douces nuits. A Caen, j’arpente les rues d’une cité un peu tristounette, où le noir et le blanc règnent en maîtres absolus. Même un soleil radieux et un beau ciel bleu n’arrivent pas à réchauffer son austère atmosphère … Cependant, la ville regorge de trésors patrimoniaux et architecturaux, ce qui en fait une étape agréable et captivante.

 

Un peu plus au sud, j’explore la fameuse Suisse normande. Mais alors, pourquoi le terme helvète ? Bon, à priori, pas besoin de vendre un rein pour aller faire ses courses ... J’en déduis que la référence prend son origine dans ses petits vallons fort pittoresques. L’alliance inattendu du bocage et de l’alpage. 

 

A Domfront, je reprends le cap vers l’est en me fait cueillir par le début de l’automne en plein parc naturel régional du Perche. Quel plaisir pour cette fin de périple d’observer les arbres se parer progressivement de leur dorure saisonnière. Les feuilles se font précieuses et m’ouvrent la voie royale : je roule sur un tapis rouge et or. J'expérimente aussi un petit plaisir de saison : rouler sur les centaines de glands parsemant mon chemin. Cela fait des clics et des clacs comme lorsqu’on éclate du papier bulle. C’est aussi le moment de la récolte des pommes. Des fruits produits dans les fermes de ceux qui se lèvent à l’aube. Un soir, j’ai la chance d’être invité à planter ma tente à côté de l’une d’entre elles. C’est le domaine du jeune agriculteur passionné Grégoire Ferré. Le lendemain matin, j’assiste religieusement au pressage des pommes, préalable à la production du cidre. A l’aide d’une vieille machine datant des années 50 et dans le pur respect du terroir et des traditions. L’étape idéale pour clore logiquement l’ultime chapitre de mon voyage en terre normande. 

 

Je n’avais alors plus qu’à me laisser dériver tranquillement jusqu’à chez mon chez moi et à profiter sereinement des derniers kilomètres, des derniers vent dans le dos, des derniers rayons de soleils matinaux, de tous ces petits plaisirs qui ont bercé mon aventure et construit mes moelleuses habitudes de nomade. Après Chartres, je me retrouvais à suivre lentement le long des bords de l’Eure, revivant à l’inverse mes premiers coups de pédales d’il y a plus de 2 ans. 

 

Dès lors, c’est une foule de souvenirs qui me submerge. Je me souviens de la chaleur insoutenable des tous premiers jours, de mes inoubliables premières rencontres, de mes premières difficultés, mais aussi de mes premières joies, et commence à mesurer l’étendue du chemin parcouru.

Je fais l’inventaire de tous ces petits moments de bonheur fugaces et intenses, ces courts moments de grâce qui justifient à eux seul le voyage. Je me revois braver les pistes cabossées des steppes mongoles, me réveiller ébahi au milieu des cerisiers en fleurs japonais, m’endormir paisiblement dans mon bivouac 3 étoiles en me laissant bercer par le ronronnement de la Loire … J’affronte de nouveau les coriaces moustiques de la Baltique, me replonge dans la boue de mon premier col chinois. Je me rappelle enfin de cet exceptionnel coucher de soleil sur une de ces paradisiaques plages thaïlandaises, ou encore être tendrement touché par la délicate timidité des petits laotiens.

Finalement, de rêve en rêve, mes roues se retrouvent soudainement à fouler les chemins de terre de mon enfance. Je longe maintenant le petit bois où je construisais jadis ma première cabane. J’aperçois au loin mon village ... puis la maison familiale. On y est. C’était ma volonté de revenir en solo, pour vivre à fond ces dernières sensations. Aussi, je souhaitais rentrer comme je suis parti il y a plus de 2 ans, symboliquement seul, pour boucler la boucle sereinement. Je dois aussi avouer que j’ai pris un malin plaisir à élaborer secrètement la petite surprise de la date de retour à mes parents. Ils m’attendaient toutefois de pied ferme, et cela a été de très belles retrouvailles. Avec au final une sensation étrange d’être parti la semaine précédente, l’impression que rien n’a changé, que tout est resté en place …

Si la majeure partie de cette navigation s’est effectuée en solitaire, je n’aurai cependant jamais pu arriver à bon port sans votre soutien, votre apport. Tous vos messages d’encouragement et vos témoignages de sympathie m’ont donné des ailes. S’il n’y avait qu’une seule chose à retenir de tout ça, en définitive, cela serait sans aucun doute ce qui a suivi le vol de mon premier vélo, à Brastislava. Tant d’énergie positive et d'événements favorables … Ce fut à peine croyable ! Les uns après les autres, vous vous êtes tous relayés pour me remettre en selle ! C’est à partir de ce moment que j’ai réellement pris conscience que je n’étais pas seul à pousser sur mes pédales. J’ai pris énormément de plaisir à partager avec vous toutes mes histoires. Aussi, j’ai régulièrement pensé à ma chère et tendre famille. Eux aussi m’ont régulièrement accompagné en pensée dans mes pérégrinations. Pour finir, je voudrais dédier cette aventure à ma toute première et inconditionnelle fan, celle qui ne manquait jamais un de mes articles, ma Mamie. Elle a entrepris son ultime voyage et restera à jamais dans mon coeur.

 

PS : je voudrais aussi remercier chaleureusement toutes les personnes qui ont contribué à rendre ce dernier épisode inoubliable. Julie et Lucas de Dieppe - Anne et Vincent du Havre - Annie, Nathalie et Jeanne du Havre - Laurence de Honfleur - Olivier et Marie de Dives - François, Charlotte et Marie de Caen - Grégoire de Comblot -  Delphine et sa petite famille de Chartres. Merci infiniment pour votre hospitalité et votre gentillesse désintéressée !

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J529 Flessingue Hollande (+Belgique)

L'autre pays du vélo

Publié le 30 Sep 2017

Je suis déjà de retour en France ! Mais avant ça - et après l'Allemagne - j'avais traversé la Hollande et la Belgique. Flashback à Flessingue le 27 aout 2017 - km 16600 (22600 au total) 


La Hollande, l'autre pays du vélo. Il se dit que là-bas, les bicyclettes sont plus nombreuses que les humains. Que c'est ici que la petite reine a récolté ses premiers galons européens. Dans les faits, on ne peut nier que tout ici est fait pour faciliter la vie du cycliste : des légions de pistes cyclables, une signalisation routière entièrement dédiée (différente de celle des piétons et voitures), des hectares de parking (dont certains surveillés), sans compter les milliers de magasins et ateliers entièrement dévoués à la cause de nos deux roues fétiches. Je m'y sens enfin compris, encadré, entouré par cette flamboyante communauté qui semble s'être affranchie de l'automobile, devenue pour le coup secondaire, moribonde, voire même inutile. 

 

Le summum et symbole de cette politique ultra favorable au vélo, c'est ce formidable réseau de carte routière publique. A chaque carrefour stratégique se trouve une plan de la région permettant de se repérer et de s'orienter facilement en fonction d'un ingénieux système de numérotation. C'est le confort ultime, même plus besoin de checker le GPS, tout est indiqué, mâché tout cuit dans le bec.

 

Oui mais voilà, malgré ce côté pratique indéniable, on est bien loin de la poésie des pistes cyclables allemandes, qui avec leur petit nom fantaisiste, donnait une thématique, une idée, une couleur, voire même du sens à la route. Plus généralement, j'ai été déçu par cette sur-organisation du pays, me laissant un arrière goût amer de platitude et d'interdiction. 

 

Un exemple concret : cette nature magnifique mais complètement barricadée, aménagée. C'est comme si elle ne servait à rien au cyclocampeur : y dénicher un bivouac est dans les faits assez compliqué. Cependant, vu le tarif prohibitif pratiqué sans vergogne par certains campings (on m'a parfois annoncé des prix dépassant les 25 euros la nuit !), je n'ai pas eu vraiment le choix, j'ai du redoubler d'effort et de recherche pour me trouver un spot convenable pour passer la nuit. Le hollandais ayant la réputation d'avoir la délation facile, cela a rajouté un petit côté "évadé du goulag" à mon voyage, ainsi qu'une satisfaction supplémentaire de planter ma tente, habilement planquée derrière les fagots. Depuis qu'elle ne peut plus interpeller les dangereux criminels fumeurs de haschich, la police locale s'occupe comme elle peut. Faut bien qu'elle se trouve un autre souffre-douleur.

 

Je suis arrivé dans le royaume de la brique rouge. Elle est ici omniprésente, tous les bâtiments en sont garnis : maisons, églises, mairies, immeubles, et même les routes en agglomération ! J'ai l'impression que rien ne dépasse, que rien n'est laissé au hasard. Tout ici est propreté et organisation.

 

Dans ce contexte de monotonie et planification à l'extrême, je me focalise et me réjouis des petits détails dont sont friands les néerlandais. Cette exquise délicatesse se traduit entre autre dans le soin royal qu'ils apportent à la décoration de la baie vitrée de leur maisonnette. C'est comme si il y avait un concours de celui qui aura la plus belle, la plus originale (voire même la plus kitsch). 

 

Je me fais aussi plein d'amis parmi les animaux de la ferme. Vaches, moutons, chevaux, mes nouveaux potos de route ne manquent jamais de me saluer gaiement via un enthousiaste mugissement, un chaleureux bêlement ou bien un crottin bien placé.

 

Je salue aussi de loin mes autres amis ailés qui volent en formation pour gagner des contrées plus ensoleillées. L'été passe si vite, et je n'ai pas même l'impression d'être encore sorti du printemps ! J'aurai finalement eu ma semaine de beau temps, bien vite balayée par une nouvelle vague de pluie et de vent (de face, évidemment) qui a accompagné mon entrée en Belgique. Winter is coming.

 

Depuis l'Allemagne, j'ai rejoint la partie nord-est de la Hollande, par Groningen puis Leuwarden, capitale du Friedsland. C'est une région possédant une identité forte et sa propre langue, à l'instar de la Bretagne. J'ai eu la chance d'avoir été reçu par des hôtes warmshower comme Jan (de Sint Jacobiparochie) qui m'ont bien expliqué les particularités historiques de la région. Sans ça, j'aurai eu l'impression de traverser une immensité plate et venteuse, de couleur verte, grise et bleue. Rembrandt s'est notamment marié à une fille du coin. Je me demande même s'il n'est pas resté là-bas un peu trop longtemps, vu le faible nombre de peintures de paysage à son actif ... Il aurait eu en effet bien du mal à y trouver l'inspiration.

 

J'ai ensuite traversé une longue digue de plus de 30 kilomètres (l'Afsluitdijk). Elle sépare littéralement l'océan de l'artificielle mer intérieure IJsselmer, protégeant ainsi les polders reculés des aléas des marées. Elle représente à elle seule tout le savoir faire des hollandais pour la gestion et maîtrise des terres inondables, faisant de leurs ingénieurs des spécialistes prisés à l'international. Pour sûr, ils auront un rôle à jouer pour éviter le pire dans la catastrophe annoncée de l'élévation du niveau de la mer. 

 

Après ça, j'ai rejoint la côte ouest de la mer du Nord. Ce fut une belle découverte, une magnifique et singulière piste cyclable (tracé de l'Eurovelo 12) traversant les dunes de l'intérieur, m'offrant le spectacle d'une nature préservée et d'apparence sauvage. J'y ai vu vaches musqués, cerfs et plein d'oiseaux. J'aurai aussi traversé Zandvort, que j'avais déjà atteint lors de mon premier voyage à vélo en août 2014, celui-là même qui a été la base de ce grand voyage en Europe et Asie. Ce fut un beau clin d’œil de revenir ici, presque un pèlerinage.

 

Pour finir en beauté les Pays-bas, j'ai trouvé à Flessingue, tout au sud de la belle région du Zeeland, un warmshower de légende chez Froukje et Paul. J'ai passé 3 nuits dans une fantastique auberge espagnole, une maison du bonheur ouverte à tous les cyclistes de passage. J'y ai connu entre autre Cadu, cyclocampeur brésilien que j'avais raté de peu en Thailande (et qui connait Nico et Gokben, mes hôtes de Chengdu : quel petit monde est celui des cyclocampeurs !). Nous avons voyagé ensemble jusqu'à Bruges, en Belgique, au cours d'une journée extrêmement pluvieuse. C'est un plaisir renouvelé de visiter pour la troisième fois la flamboyante Venise du Nord.

 

La Belgique a été une excellente transition de 3 nuits entre la France et la Hollande. Plus je m'y enfonçais, plus je retrouvais quelques caractéristiques de mon beau pays : le retour des calvaires et des petites boulangeries, mais aussi le retour d'un certain laisser-aller, voire même d'un joyeux bordel. A Roeselae, je retrouvais Maëlys, une amie française de Barcelone qui elle aussi a commencé un périple à vélo il y a quelques mois. De chouettes retrouvailles fêtées dignement à la friterie du coin. Le lendemain je rejoignais la frontière française, en passant par Ypres : ce fut une petite surprise de trouver sur mon chemin de tels joyaux de vieille ville et de cathédrale. 

 

Je tiens aussi à remercier Marielle et Martjin de Groningue, Geart et Ydrina de Leuwarden ainsi qu'Aaron et Annemieke de La Haye qui ont été de parfaits hôtes, avec qui j'ai passé d'agréables moments de partage, tous aussi différents qu'intéressants. Je dois avouer que je commence à peaufiner sérieusement mon art de la crêpe, que je prépare assez souvent à mes hôtes s'ils m'invitent à rester plus d'une nuit. 

 

Grande nouvelle : j'en rêvais depuis le Japon et depuis que j'en avais goûté le confort auprès de mes compères suisses de hop-hop-hop. Et j'ai finalement cédé à la tentation des soldes dans l'un des innombrables temples de l'équipement outdoor qui jonchent le pays, à la Haye. L'achat de cette chaise ultra-légère me fait franchir un cap dans la hiérarchie des campeurs : de misérable baroudeur qui parfois mangeait à même le trottoir je me vois dorénavant propulser au rang d'honnête voyageur civilisé, voire même (allez, soyons fou) de baron du bivouac. S’asseoir, un plaisir simple qui change la vie et économise les lombaires. Plaisir qui rentre aussi pile poil dans l'une de mes sacoches arrières.

 

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J514 Breme Allemagne

Rendez-vous en terre connue

Publié le 3 Sep 2017
Catégorie Allemagne

En réalité je suis déjà en train de finir la Hollande, mais je voulais revenir sur l'Allemagne dans un article à part entière. Article commencé à Brême, km 15900 (21900 depuis le départ de France). 

Sur la côte de la mer baltique, se dressait au loin cet obstacle administratif russe : cette petite enclave du nom de Kaliningrad nécessitait pour la traverser un visa compliqué et coûteux à obtenir. Plutôt que de m'orienter vers la Pologne et ses terres caniculaires, j'ai décidé de poursuivre sur la fraîche partie nord de l'Europe. C'est donc par la voie maritime que je suis sorti de Lituanie. 15 heures de traversée en ferry. 

 

Ces longs trajets me déboussolent toujours un peu, me donnent parfois l'impression de faire un bond dans le temps. Bien que je reste un apôtre du voyage lent et de la transition en douceur, une petite « téléportation » de temps en temps ajoute un peu de sel au voyage. Si les différences entre les pays d'Europe sont moins marquées que celles des pays d'Asie, il y a tout de même cette diversité, ces caractères propres qui font de notre continent une belle mosaïque de cultures, toujours stimulantes à appréhender. Ça y est, cette fois-ci, j'ai vraiment l'impression de faire mon retour en terre connue ! D'autant plus qu'on me prend vraiment pour un local : il n'est pas rare ici qu'un passant me demande sa route (dans la langue de Goethe dont je ne pige pas un mot).

 

Du port de Klaipeda, je rejoins celui de Kiel. Il ne manquait plus qu'un seul K pour que je me retrouve à Charlottesville aux Etats-Unis ! Je l'ai échappé belle. J'appréhendais un peu le retour en Allemagne, c'est vrai. Je partais avec un petit à priori du à mon passage en Bavière : même si j'y avais fait de belles rencontres, vu de belles choses, j'avais le souvenir d'une région un peu repliée sur elle-même, méfiante vis à vis de l'étranger. Alors que là je retrouve les vertus du bonjour spontané, du sourire gratuit et de la curiosité bien placée. 

 

Parmi les différences les plus notables avec les pays baltes : tout d'abord les routes, impeccables. Ils se payent même le luxe d'asphalter ou de bétonner leurs chemins de traverse. C'est vraiment le top, je peux me déplacer où bon me semble sans m'inquiéter de l'état de la chaussée. Il y a aussi un réseau de voies vertes assez complet, organisé par thème, chacun proposant sa signalisation propre. Il y a de la poésie à composer son itinéraire, à passer à travers champs, plaines et longer ces paisibles rivières. Je dois aussi m'adapter à l'horaire d'ouverture limité des magasins. Je suis en même temps très heureux pour les autochtones qui peuvent profiter de leur temps libre et s'organiser une vie de famille sans se voir infliger de la trime obligatoire les dimanches et les jours fériés. A noter aussi, la richesse des possibilités de bivouac. Je n'ai qu'à chercher 10-15 min pour dénicher un spot de rêve !

 

Depuis 2 ans, j'ai appris à lire dans les cumulus pour connaître le sort météorologique que me réservait le ciel. Après avoir aiguisé finement mon sens de l'orientation, j'ai l'occasion en Allemagne de peaufiner un 7ème sens découvert en Mongolie : l'art de la divination climatique. Ici, il peut y avoir les 4 saisons dans une même semaine. La canicule est un lointain souvenir que je ne m'aime pas convoquer. Je me complais dans cet été grisâtre et venteux, qui me fait apprécier d'autant plus les fréquentes sorties du soleil.

 

Rester la tête dans les nuages ne comporte pas que des avantages. Je paye comptant ce déficit d'attention avec les pertes en chaîne de nombreux petits items de voyage, tous plus utiles les uns que les autres. Adieu serviette micro-fibre, fidèle compteur (snif), câble anti-vol fétiche (resnif) et consorts … Que je remplace toutefois aisément tant ce beau pays regorge de cavernes d'Ali Baba du cycliste. Rentrer ne serait-ce que dans la plus modeste d'entre elles fait briller mes yeux de mille feux. 

 

Je développe aussi de nouvelles compétences. Je pense peut-être déjà inconsciemment à ma reconversion post-voyage. Je m'initie ainsi aux plaisirs de la couture sur mon short qui agonise lentement et m'offre à rafistoler chaque semaine des trous inédits et des déchirures d'origine mystérieuse. Il y aura bien un jour où il finira dans le cambouis, comme chiffon de nettoyage pour ma chaîne. Je lui dois bien ça après ces 2 années de fidèle compagnonnage. Et puis, je crois que c'est ce qu'il aurait voulu, au fond. 

 

J'assiste plus généralement à une détérioration globale de tout mon matériel. Comme s'il sentait approcher la fin. Mon smartphone a lutté courageusement de longues semaines contre la panne finale, pour finalement me claquer entre les doigts, à bout de souffle. J'ai du le remplacer au pied levé, puisque je voyage avec une appli GPS, sans carte papier. Je me rends ainsi compte à quel point je suis dépendant de l'électronique, pas toujours très fiable en voyage. Je dois avouer, si j'avais été un peu plus superstitieux, j'aurais pu largement me demander quel genre d'esprit malicieux a pu se glisser dans mes sacoches en Asie, me jouant quotidiennement de vilains tours de passe-passe. 

 

Après Kiel, je quitte définitivement les plages sableuses de la Mer Baltique pour rejoindre l'autre côte à une centaine de kilomètres de là, celle de la Mer du Nord. C'est un grand changement de paysage. J'y découvre des hectares de champs d'éoliennes et de longues digues issus du travail de l'homme. Ces dernières ont plusieurs fonctions : protéger l'arrière-pays du vent, des inondations et des fortes marées, puis gagner de nouvelles terres sur le monde marin, qui seront utiles pour l'exploitation agricole (le pendant des fameux polders hollandais). C'est ici le royaume du mouton. Il est en fait nécessaire à l'entretien des pelouses de ces barricades maritimes, l'élément-clef de cet écosystème artificiel. C'est mon warmshower Bianca qui s'est chargée de me faire découvrir les secrets de sa région et des fossés de drainage. Elle me présenta aussi sa fière jument, l'occasion de passer un chouette moment dans les écuries de son village. 

 

Longer le littoral puis les berges de l'Elbe m'a ensuite amené jusqu'à la ville de Hambourg, un gros coup de cœur. Elle a tout d'une capitale sans l'être : quartiers branché, populaire, bourgeois, et puis aussi tous les parcs, musées, monuments, gares … Cette métropole se divise en deux parties distinctes : sur la rive nord se trouve la ville organique et sur la rive sud la partie industrielle. Malgré cette séparation physique, Hambourg assume parfaitement son passé manufacturier en montrant la volonté d'incorporer ces industries dans le paysage urbain. Ainsi, depuis le balcon panoramique de la Philharmonie de l'Elbe, bâtiment emblématique de la ville avec son architecture moderne, on peut observer au loin cette singulière ligne d'horizon, nous révélant à travers brume cheminées et grues géantes. Patrick et Marleen y ont été de parfaits hôtes.

 

C'est dans une autre grande ville que j'ai effectué une dernière halte. Brême s'articule autour de son stade de foot et d'un centre historique de toute beauté. Jochen, local de l'étape et francophile, s'est appliqué à me montrer quelques sympathiques recoins de sa belle cité. Merci encore ! C'est vrai qu'il fait bon vivre en Allemagne. L'atmosphère est relax, apaisée. Vous l'aurez deviné, j'ai beaucoup aimé rouler dans cette partie du pays, c'est une belle surprise. Je remercie aussi du fond du cœur Sinje (Kiel) et Desiree (Rendsburg), mes deux premiers hôtes warmshower, qui ont aussi contribué à faire de cette expérience allemande une réussite.

 

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J501 Klaipeda Lituanie (+Lettonie)

L'ours de la baltique

Ecrit à Klaipeda, le dimanche 30 juillet 2017 – Km 15400 (21400 depuis le départ de France)

Au risque de décevoir certains, je ne vais pas ménager le suspens plus longtemps. Je n'ai vu aucun ours en Lettonie. Ni même dans aucun autre pays (même si j'ai bivouaqué par inadvertance dans une réserve d'ours en Croatie). En fait, l'ours, c'est moi. S'il se prolonge, le voyage en solo peut donner à son protagoniste des habitudes de grizzli et le tempérament peu sociable de l'ours mal léché. Avec parfois l'envie de ne pas se mélanger, de rester spectateur.

 

Ce n'est pas une sensation déplaisante, bien au contraire, j'apprends à chérir ces moments, à les apprécier à leur juste valeur. Ce sentiment de détachement peut favoriser des périodes propices à la réflexion et l'observation. Ainsi, en contemplant des scènes de la vie courante, j'ai parfois l'impression de m'immiscer furtivement dans la réalité des gens. Tel le passager d'un train qui scrute le paysage à travers la baie vitrée, il y a cette distance. Ce qui restera pour moi un souvenir lointain sera peut-être un événement majeur de la vie d'un homme. 

 

Je reste toutefois ouvert aux rencontres, et occasionnellement me laisse sortir de cet état extatique pour apprécier la compagnie et la discussion. Frederik (Belgique) a été un bref mais excellent  compagnon de route, bien plus flexible et rodé au voyage en duo que moi. J'ai aussi fait de merveilleuses rencontres grâce aux réseaux d'hospitalité : Laura a été un guide zelé à Sigulda et Victorija m'a hébergé dans sa maison verdoyante en plein Riga. Cela a été aussi une super et enrichissante rencontre couchsurfing avec Ema et Augustas à Klaipeda, qui m'ont promené gaiement au célèbre et annuel festival de la mer.

 

La plus belle des soirées a été avec David et Zane, un chaleureux couple franco-letton vivant à Kuldiga. David a rencontré Zane au tout début de son voyage (5 ans en vélo dans tous les recoins de l'Europe). Zane l'a attendu tout ce temps, telle une Pénélope espérant son Ulysse - le rejoignant tout de même dès que l'opportunité se présentait. Ils se sont mariés en juillet dernier, peu après la fin de son périple. Ce fut un copieux dîner à échanger nos points de vue sur le voyage, à nous raconter quelques étonnantes histoires. David m'a notamment indiqué des pistes intéressantes pour franchir quelques paliers de liberté. Je les médite toujours. Le lendemain, Zane m'a gratifié de ses précieux conseils de kiné pour m'aider à gérer ce mal de dos.

 

Par ailleurs, à cette période de l'année, cette route longeant la côte baltique est très empruntée par les cyclo-touristes, alors je taille allègrement la bavette avec ceux qui veulent bien s'arrêter un moment. Certains autres semblent être un peu pressés … Je ne veux pas bousculer leur planning. 

 

C'est vrai qu'il y a tant à voir sur cette belle côte sauvage lettonne. Tous les oiseaux du monde semblent s'y être donnés rendez-vous, et notamment les majestueuses cigognes. Il y en a partout ici, c'est la première fois de mon voyage où je regrette de ne pas avoir emporté mon téléobjectif. Je les observe de près, perchés sur leur imposant nid, d'où elles me surveillent d'un œil inquiet mais tout aussi curieux que le mien. J'ai tout le loisir de les admirer élever leur progéniture, de constater la croissance rapide de leurs petits, qui apprennent à voler sous le regard bienveillant de leurs parents. Je pourrais même peut-être bientôt assister à leur premier envol !

 

Le printemps a duré jusqu'à la mi-juillet. J'ai beaucoup apprécié rouler avec des températures fraîches, maintenant, je profite des températures idéales. Pour mon anniversaire, cela a été une journée parfaite, à rouler sous un soleil clément, avec un beau spot de camping sauvage à la clef. J'ai déniché aussi quelques bivouacs mémorables en bord de plage, lorsque le vent le permettait. L'un d'entre eux, ce fut dans un endroit assez particulier surnommé le Ziemelu Forti, au milieu des bunkers issus de l'occupation soviétique (merci David pour le tuyau).

 

Ce qui me donne l'occasion d'ouvrir une petite parenthèse historique. Si l'indépendance officielle de la Lettonie a été déclarée en 1920, dans la pratique, ce territoire a été longtemps sous occupation allemande et soviétique. C'est réellement en 1991, 2 ans après la chute du mur de Berlin, que les lettons ont pu reprendre complètement leur souveraineté. En attestent les nombreux drapeaux bordeaux et blanc flottant fièrement dans les jardins locaux. 

 

Si ces bunkers datent probablement d'après la seconde guerre mondiale, c'est en revanche la guerre 14-18 sur mes jambes : s'y accumulent les nombreux cratères issus du pilonnement adverse, sans que je puisse vraiment y opposer quelconque résistance. Les moustiques aiment le sang chaud, et c'est vrai qu'en leur présence, je perds totalement mon sang froid. 

 

Au rayon des incommodités, dans un autre genre, il y a les fameuses « gravel roads » lettones. Ce sont des routes qui ne le sont pas encore vraiment, sorte de bâtardes entre voie asphaltée et chemin de terre, qui offrent les inconvénients cumulés des deux : progression difficile et tracé ennuyeux. Avec en bonus : les nuages de poussière que les voitures y produisent en roulant à tombeau ouvert et ces mini-vaguelettes sableuses, les petites sœurs de celles qui m'ont rendu fou en Mongolie. En résumé, j'essaie de les éviter au maximum. 

 

Par rapport à l'Estonie, il y a aussi quelques changements notables. Tout d'abord au niveau du langage, celui-ci étant plus proche du russe, alors que l'estonien était plus proche du finnois. Cela a d'ailleurs été une entrée en matière assez rocambolesque. A peine passée la frontière qu'un gamin sur son vélo - ce traître - m'a gratifié d'un énergétique mais peu assuré « fuck you motherfucker bitch » avant de s'enfuir, en pouffant. J'ai tout de suite compris qu'ici communiquer en anglais allait être assez simple, et me suis ensuite réjouis de constater que les gens du cru devaient être moins timides que finlandais et estoniens. Chou blanc, car en plus d'être plus sociables et curieux, ils sont aussi très sympas. 

 

Je suis aussi ravi des spécialités que me proposent les boulangeries. En attendant la France, je peux me consoler en me délectant de moultes delicatessen : gâteau au miel, pâte fourrée au lait concentré caramélisé, mini-pizza, génoise à la crème et aux fraises, gâteau à la rhubarbe, mon préféré restant le « Napoléon », le mille-feuille du terroir. L'offre de pain est pléthorique et de qualité. 

 

Juste après la frontière avec l'Estonie, j'ai bifurqué dans les terres pour éviter de me coltiner la grosse et engorgée nationale qui longe la côte. J'ai traversé des petites villes pittoresques à l'instar de Limbazi, avec leur cortège de maisons traditionnelles en bois. J'ai ensuite passé quelques jours autour de Sigulda et sa magnifique vallée, pour moi le plus bel endroit en Lettonie. Les paysages y sont fort différents du reste du pays, c'est très vallonné, il y a aussi de nombreuses grottes et chutes d'eau, un panorama à couper le souffle et un beau château fraichement restauré. J'ai aussi passé quelques jours à Riga, qui à mon humble avis souffre un peu de la comparaison avec Tallinn. Puis j'ai ensuite emprunté une magnifique route de vallée entre Tukums, Talsi et Valdemarpils. Ce fut ensuite beaucoup plus ennuyeux de longer la côte jusqu'à la frontière lituanienne. J'ai eu cependant l'heureuse idée de repiquer une nouvelle fois dans l'arrière pays pour découvrir la charmante Kuldiga et sa chute d'eau la plus longue d'Europe. 

 

Après m’être habitué au côté sauvage et paisible de la Lettonie, cela a été un petit choc de me retrouver dans le pays voisin, la Lituanie. Le monde entier semble s'y être donné rendez-vous pour les congés d'été. On s'y bouscule, s'y entasse, chaque station balnéaire semble être arrivée au maximum de sa capacité d’accueil. 

 

La centaine de kilomètres de la côte lituanienne se divise en deux parties à peu près égales. La face nord, c'est celle qui est bondée (Palanga, Klaipeda). En revanche, la face sud est un parc naturel, une longiligne bande de terre parsemée de dunes impressionnantes (Nida). Sur les deux faces, le bivouac y est compliqué: sur l'une à cause de l'affluence humaine, sur l'autre à cause de son affluence en fourmis (et accessoirement parce que le camping sauvage y est interdit). J'y ai tout de même trouver un refuge idéal et un bivouac dont je me souviendrai tout ma vie : dans une providentielle tour d'observation d'oiseaux, qui ne peut pas mieux porter son nom. Pendant les 2 nuits où j'y ai élu domicile, j'ai vu passer hérons, cygnes, canards plongeurs et quelques cousins lointains de la mouette. J'ai pu aussi m’émouvoir un tantinet en admirant le royal vol d'un couple d'aigles à queue blanche. Il y a avait même une loutre de mer pour me tenir compagnie, en plus de la visite amicale de quelques promeneurs du dimanche : Ina et Vidis m'ont au passage invité à savourer le traditionnel poisson fumé, accompagné de thé à la confiture de mirabelles. 

 

Je quitte les pays baltes avec le sentiment d'y avoir trouvé une séduisante nature, et la satisfaction d'avoir découvert de nouvelles cultures, de nouveaux horizons, sur ces terres aussi riches de leur différences que de leur histoire commune. J'y ai aussi beaucoup ressenti l'influence russe, alors qu'en fait, chacun des 3 pays essaye tant bien que mal de s'affranchir de la présence de leur envahissant voisin. Pour ma prochaine étape, cela sera un saut dans un univers beaucoup plus familier. Mais avec toujours la même envie, la même volonté de profiter de la route et des surprises qu'elle me réserve encore pour les semaines à venir … 

 

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J473 Parnu Estonie

La nature estonienne

Ecrit à Parnu le 2 juillet 2017 – km 14200 (20200 au total)

Après cette boucle finlandaise, je change donc de cap : à partir de Tallinn, j'entame vraiment le retour en terre natale. Et des caps, j'en ai franchi quelques uns pendant le voyage. Les deux derniers étant les plus symboliques : je fêtais ce 1er juillet le second anniversaire de mon départ, et quelques jours plus tôt, le dépassement de la barre symbolique des 20.000 kilomètres. J'en aurai vu des paysages, fait, de belles rencontres. Et tout un tas de choses qui ne peuvent pas se quantifier réellement … Ma pension retraite sera bien maigre mais ma boite à souvenirs bien remplie.

 

En découvrant l'Estonie, je m'enfonce encore un peu plus dans la nature et le sauvage, dont la Finlande m'avait déjà donné un bel aperçu. Je suis allé de surprise en surprise. Je m'attendais à trouver de nombreuses reliques du passé soviétique, je découvre à la place des villes qui ont remarquablement bien conservé leur caractère de l'époque du Moyen-Age, à l'instar de Tallinn. Ce fut seulement à partir du moment où j'ai arpenté ses rues pavées que j'ai véritablement eu l'impression d'être de retour en Europe. L'architecture ressemble beaucoup à ce que l'on peut trouver dans les villes médiévales de Bavière : des couleurs chatoyantes, des devantures de maisons historiques, des petites ruelles donnant sur des impasses, pas de doute, on est à 100.000 lieues de la froideur et de la rationalité du style scandinave.

 

J'apprécie aussi les nombreuses églises parsemées sur mon chemin. Je dois avouer que de tous les édifices religieux, sur l'aspect extérieur, ce sont elles qui me procurent le plus de fascination. De part leur histoire, leur cachet, leur variété dans l'architecture, leur présence en hauteur. La vue d'un clocher est toujours pour moi l'occasion de prendre une petite pause, à essayer de repérer ici ou là quelques particularités. Quel dommage qu'elles se retrouvent le plus souvent portes closes. C'est une tendance générale en Europe, à mon plus grand regret.

 

J'ai aussi réglé mes pendules pour enfin profiter des couchers de soleil, qui représentent la récompense de fin de parcours. Il ne fait pas encore bien chaud, alors je peux me permettre le luxe de me réveiller tard le matin sans pour autant que cela ne soit le sauna dans la tente. Leur particularité, c'est qu'ils se dégustent paisiblement, le soleil prenant tout son temps pour s'éclipser totalement. On a tout le loisir de s'imprégner des couleurs et d'apprécier les différentes transitions de lumière, c'est un régal pour les yeux. 

 

En journée, je savoure les cadeaux de la nature estonienne. C'est la période de nidation des oiseaux, alors je peux les observer élever tendrement leur progéniture. Les températures fraîches et cet air revigorant de bord de mer fait l'idéal de ces nombreux migrateurs, qui ne se trompent sûrement pas en choisissant la côte baltique comme refuge estival. J'y ai croisé cigognes, cygnes, mouettes, canards sauvages, aigles de mer et tout un tas d'autres volatiles dont je ne saurais vous conter le nom. Le plus étrange d'entre eux : une sorte de petite autruche à corps de paon. Elle se promène tranquillement dans les champs, à découvert, le plus souvent en couple, et vocifère comme un pachyderme dès qu'elle se sent en danger (on me souffle dans l'oreillette que cet animal chimérique a en fait un nom : grue). 

 

Ce qui doit aussi attirer ce joyeux groupe de becs et de plumes, ce sont ces nuées de (maudits) moustiques. A la différence de leurs confrères asiatiques, ils attaquent tout au long de la journée (avec une préférence pour le crépuscule qui dure des heures à cette latitude). Ils sont énormes et piquent à l'aise à travers une simple couche de vêtement. Cette taille XL fait aussi leur point faible. On a largement le temps de les voir venir et de leur infliger le seul traitement qui leur convient : une bonne baffe létale qui les enverra dans les abîmes de l'enfer des insectes. 

 

Ces chers amis pompeurs de sang complètent un trio infernal de nuisance du cyclo-campeur avec le vent et la pluie. Ils se relaient l'un après l'autre, consciencieusement, pour m'éviter la vie trop facile. Je me réjouis donc de l'arrivée du vent qui chasse les mini-vampires, de l'intrusion de la pluie qui stoppe net le flux du vent, et apprécie tout autant la fin du souffle divin, qui signifie cependant le retour des bourdonnements dans les oreilles. Un équilibre parfait que ne me laisse aucun répit. Merci mère Nature. 

 

Et le vent en Estonie, ce plat pays (qui n'est pas le mien), quand il souffle frontalement, cela rend la progression aussi difficile qu'en montagne. Le sifflement dans les oreilles et le fouettement des pommettes en sus. Lorsqu'il s'invite sur de monotones routes découpées à travers la forêt, cela donne des étapes carrément usantes, autant pour le physique que pour le moral. J'ai beau me plaindre, ces minimes inconvénients ne font pas le poids par rapport à tous les bienfaits et toutes les joies qu'apportent le voyage à vélo, alors j'encaisse avec plaisir et bonne humeur, et profite de chaque instant de repos pour me préparer à affronter le prochain obstacle qui se profile déjà à l'horizon. J'ai aussi mes armes secrètes de motivation personnelle : ma musique et mes podcasts me permettent de faire abstraction et de voyager intérieurement. A signaler tout de même : les températures sont en ce moment idéales pour pédaler. On ne peut pas tout avoir.

 

Concernant l'Eurovélo 10 en Estonie. C'est une surprise mais ils jouent particulièrement bien le jeu. Le sentier est entièrement balisé, même si sans une attention accrue on peut perdre assez rapidement le fil. Par contre, le tracé est bâclé, la plupart du temps passant par des routes sans intérêt particulier. J'imagine qu'il a du être conçu par un cycliste sportif et pressé qui se souciait plus du rendement énergétique de la chaussée que du panorama. Ce n'est pas bien grave, je recompose moi-même mon itinéraire en choisissant d'autres routes moins directes ou en moins bon état, sortant assez rapidement de la léthargie proposée.

 

Je rencontre aussi de nouveau beaucoup de cyclo-campeurs. Cela ne m'était pas arrivé depuis le Laos. Beaucoup de Finlandais en quête d'aventure hors de leur pays, mais aussi quelques français (petits clins d’œil à Lionel et Aurélie avec qui j'aurai partagé de sympathiques discussions, et un autre couple, Susanne et Jean-Claude, qui commencent leur retraite sur les meilleurs des chapeaux de roues). J'ai aussi rencontré d'autres nomades en camping-car : un ptit bonjour à la famille Lyytinen, avec qui j'ai aussi passé de chouettes moments, quelques parties de Uno et de Trivial Poursuit, à Kuressaare puis Parnu. 

 

Après 2 nuits à Tallinn, j'ai donc pris le cap sud-ouest et longé la côte. J'ai fait un détour sur les îles de Hiuuma et Sareema, et célébré la fête de la Saint-Jean locale à Kuressaare. Avec un grand feu comme on le faisait à l'époque en France, avant l'arrivée puis le succès de la fête de la musique Jacklanguaise. La « midsummer party », c'est l'une des dates les plus importantes et festoyées dans le nord de l’Europe, alors c'était sympa de pouvoir en profiter avec des locaux. J'ai pris ma seconde pause estonienne à Parnu, pendant un festival médiéval. En réalité, j'ai plus profité de mon lit et de la paix de l'auberge Vintsi pour me reposer et reprendre quelques forces avant d'entrer en Lettonie, ma prochaine destination … 

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J456 Helsinki Finlande

La thérapie des chocs

Ecrit à Helsinki le 15 juin 2017 - km 13500 (19500 depuis le départ de France)

Inutile de ménager le suspens plus longtemps, j'ai choisi le retour en Europe ! Mais pourquoi donc ? Déjà , je n'en pouvais plus du climat post-apocalyptique de l'Asie du sud-est. Cette chaleur combinée à cette haute humidité, cela va un temps, mais on se lasse assez vite de transpirer continuellement à grosses gouttes. Ensuite, j'aurais pu tenter une nouvelle aventure en Amérique du Sud, et d'ailleurs j'en avais grand envie. C'est un peu mon rêve de retourner là-bas, de visiter les pays que je n'ai pas pu faire en 2010.

 

Mais voilà, depuis le départ, mais surtout depuis l'Asie, je souffre de mal de dos chronique. Cela pourrit le voyage parfois. Je pensais qu'avec la pratique cette douleur allait s'effacer un jour, mais bien au contraire, cela empire. J'ai mis du temps à m'en rendre compte, mais je soupçonne mon vélo d'être trop petit. Je partais sans aucune expérience de cycliste, et maintenant, j'ai quelques idées en tête pour arranger ça. Cependant, cela aurait été difficile d'effectuer ces réglages à la volée. Un retour en France s'imposait. D'autant plus que cela faisait un bail que je n'avais pas vu ma famille.

 

Mais pourquoi avoir atterrit à Helsinki alors me direz-vous. Et bien, peut-être parce que je suis un peu maboul. Mais pas que. L'idée de profiter encore d'un bel été à parcourir les routes d'Europe me plaisait tellement que je ne pouvais pas me résoudre à revenir directement en France. Après tout, j'ai déjà roulé presque 20.000 bornes avec ce vélo, je pouvais bien en rajouter quelques milliers de plus ! La Finlande, c'est un pays que je ne connaissais pas, avec en prime la perspective de rouler dans les pays baltes, par lesquels je voulais commencer mon tour du monde avorté en 2014, l'occasion était trop belle !

 

Helsinki, c'était aussi l'assurance de voler direct depuis Bangkok avec une compagnie d'avion sérieuse et transparente sur le transport de bicyclette : Finnair. Pour m'éviter une grosse et inutile montée d'adrénaline. Finalement, ce qui a achevé de me persuader du bien fondé de ma décision, ce furent les prévisions météo : du froid ! Enfiiin, du froid ! Après un détour au Decathlon de Bangkok pour m’approvisionner en diverses petites laines, j'étais fin prêt et ultra-motivé pour le grand départ vers la Scandinavie.

 

Et effectivement, ce fut un choc. Enfin, plusieurs chocs. Le premier, mais celui qui m'a fait le plus plaisir, le choc de température. Sur la fin en Thaïlande, je tournais à du 35-40°C en journée avec des taux d'humidité dépassant allègrement les 90%, sans même de répit la nuit où le mercure ne descendait que très rarement en dessous des 30°C. Et bien ici, dans ma belle Finlande, quand je suis chanceux, c'est un beau soleil sous 15°C. Mais parfois je me tape des journées pluvieuses et bien venteuses à 8-10°C, et des nuits frisquettes autour de 2-3°C minimum. J'ai sorti la couverture de survie (du Décathlon de Bangkok) mais je suis heureux comme un esquimau sur sa banquise. L'hiver en été, c'est un peu Noël avant l'heure.

 

Le changement d'heure ensuite. Je suis parti de Bangkok au petit matin le 26 mai, et 24 heures plus tard le même jour, quand enfin je me pieutais, le soleil ne s'était pas encore couché, lui. J'avoue que mes pendules ont été largement déréglées la première semaine. Ici le crépuscule, ce n'est pas avant 23h, et l'aube pointe le bout de son nez peu après 4h. Autant dire que je n'ai pas vu beaucoup de lever/coucher de soleil, à mon plus grand regret. Mais cela donne de belles lumières et un autre gros avantage : pas de stress pour trouver un bivouac avant la tombée de la nuit !

 

Troisième choc : le changement d'alimentation. J'ai toujours voulu manger local dans chacun des pays asiatique que j'ai traversé, cela faisait donc un bail que je n'avais pas encore goûté aux délices d'un bon fromage et d'un bon pain (à part à Hanoi où j'avais trouvé du camembert Président). Si si, en Finlande ! Je ne pensais pas l'écrire un jour mais ici, on trouve ça. En attendant d'avoir mieux ... Mon estomac a aussi un peu de mal à s'adapter à la profusion de charcuterie, produits laitiers et céréaliers. Et j'avoue aussi, soit dit en passant, que la street food asiatique me manque déjà. C'est nettement moins funky de faire ses emplettes au supermarché que de s’asseoir tranquillement à la table d'une échoppe, à attendre son riz sauté en sirotant une bière et regardant les passants.

 

Dernier choc et non pas des moindres : le choc culturel. Comment dire, après l'Asie, les relations humaines se sont raréfiées. Les finlandais se définissent eux-même comme « timides ». Et effectivement, difficile d'aborder les gens, le premier contact n'est pas facile. Alors qu'avant, croiser un cyclocampeur était synonyme d'arrêt immédiat et de discussion animée, ici je n'ai le droit qu'à un vulgaire mais très cordial « Hey ». Les maisons sont éloignées de la route, difficile dans ces conditions de croiser quelqu'un. Tout au plus, lorsque je dois aller recharger mes gourdes en eau, j'ai le droit à un petit mais sympathique échange verbal. Ou parfois quelques questions sur ma monture qui provoque toujours autant la curiosité des badauds. Je crois tout simplement que les uns ne sont plus habitués à rencontrer les autres. C'est pour cela que je me suis remis au Warmshower, ce réseau d'hospitalité réservé aux cyclistes. Cela me permet d'aller voir les locaux directement chez eux. Et de pouvoir constater que l'hospitalité et la gentillesse sont des constantes mondiales :) Timides mais super sympas les Finlandais ! (merci infiniment à Anna et Greg de Helsinki, Ville et Paivi de Salo et Panu de Turku)

 

Comme si tout cela ne semblait pas encore assez, j'ai carrément l'impression de sortir du réel quand je traverse un de ces petits bosquets perchés sur une improbable colline rocailleuse. Ils m'amènent tantôt dans des villages perdus composés de petites maisons en bois, avec église ou château finement restauré. Bucolique. La nature est ultra présente en Finlande, c'est vert et vallonné comme en Slovénie. Les Finlandais aime l'Environnement, qui le leur rend bien. Il y a d'ailleurs autant de beaux coins que de propriétés privées. Les bords d'eau et beaucoup de pans de forets sont le plus souvent colonisés par un de ses cottages, maisonnettes en bois typique de la région. Aussi, je suis absolument fasciné par ces nombreux bras de mer, rythmant le paysage et ressemblant à autant de petits lacs parsemés le long du chemin. Le bestiaire est plus classique : moineaux, lièvres et cerfs prennent la place des singes, geckos et autres perruches.

 

Helsinki est une petite capitale maritime très tranquille. A peine 600.000 habitants (et un peu plus d'un million pour sa grande banlieue). Il faut dire qu'après Bangkok la différence est énorme. La plus grande ville finlandaise a beaucoup de charme. Elle mélange sobrement l'architecture moderne, le style art nouveau et la bonne vieille brique rouge. Elle offre également beaucoup d'espaces publics, entre les nombreux parcs, la petite plage et les promenades le long de la riviera, les locaux sont clairement incités à profiter du bon air frais. Il a aussi pléthore de pistes cyclables ! C'est très agréable, malgré les quelques reliefs, de s'y déplacer à vélo.

 

Pour sortir de cette modeste métropole, j'ai fait de nouveau confiance au plus ambitieux des réseaux vélo-routiers, l'Eurovélo. Celle que j'emprunte actuellement est la numéro 10, mais bizarrement il n'y a aucun panneau indicateur ou infrastructure permettant de retrouver son chemin physiquement. Alors que ce projet devrait arriver à son terme en 2020, je mesure là l'ampleur de la tâche à accomplir. Tout porte à croire que le cyclotourisme n'est pas encore très développé en Finlande. Les causes : isolement géographique, rude climat d'hiver ?

 

Je suis donc le tracé GPS de son itinéraire théorique. Et comme d'habitude avec l'Eurovelo, on passe par des petits sentiers, des coins pittoresques qui évitent de subir les grands axes. J'ai adoré sortir d'Helsinki par son littoral, j'y ai déniché de secrètes plages et de somptueuses marinas. Pour rejoindre Turku, je suis passé par Ekenas et Salo, sur parfois des routes non bitumées ! Je ne m'attendais pas à en trouver ici, mais cela donne un petit côté aventureux fort plaisant.

 

Avant de partir visiter les pays baltes, je voulais parcourir un peu la Finlande, j'avais donc demandé quelques conseils d'endroits à visiter dans un rayon d'une à deux semaines d'Helsinki. Unanimement on m'a préconisé de pousser jusqu'à la route de l'archipel de Turku, tout au Sud Ouest du pays. Je ne suis pour ainsi dire pas déçu du détour, j'y ai même trouvé deux petites perles perdues au milieu de la mer baltique, les îles d'Utö et de Jurmo. L'un étant très différentes de l'autre. J'ai particulièrement apprécié Jurmo, pour son côté mystérieux et sa faune et flore originalement fournies. Pas le choix, une fois arrivé sur place, il faut y rester passer la nuit, la liaison ferry étant quotidienne. Ce furent deux grandes et belles nuits de bivouac, à observer les oiseaux et le soleil couchant (enfin), isolé du monde. Ce printemps est l'un des plus froid de mémoire de finlandais, alors le touriste ne se presse pas encore et j'ai encore l'impression de tout avoir pour moi tout seul. J'en profite !

 

Pour compléter la boucle jusqu'à Helsinki, j'ai passé quelques nuits de bivouac dans le parc naturel de Nuuksio, expérimentant le camping en forêt dense et atmosphère humide. Les installations du parc sont impeccables, et bon nombre d'habitants d'Helsinki y viennent passer la journée pour se promener puis se griller une petite saucisse au feu de bois.

 

Bref, j'ai adoré la Finlande, pour sa nature, sa tranquillité, sa fraîcheur, et pour ce qu'elle représente : le début d'une nouvelle étape de mon voyage, celle qui me mènera jusqu'à mon chez-moi.

 

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Bangkok J435 Thaïlande

La péninsule thaïlandaise

Ecrit le 25 mai 2017 à Bangkok – km 12900 (18900 depuis le départ)

Difficile de réellement savoir d'où me vient cette passion pour le voyage, mais il y a quelques influences qui doivent probablement ressurgir de mon enfance. Je me souviens avoir été époustouflé par les vieux James Bond, qui commençaient le plus souvent par un plan travelling d'un endroit extraordinaire, comme la baie de Rio. Ces premières émotions de baroudeur m'ont peut-être encouragé inconsciemment à aller vérifier moi-même la beauté du monde. Je me devais donc d'aller traîner mes roues dans le sud de la Thaïlande et sa précieuse mer d'Andaman, lieu de tournage du légendaire volet « L'homme au pistolet d'or ». 

 

Bien que je ne me suis pas exactement rendu sur l'île maléfique du film, je n'ai pour dire pas été déçu du détour, et peux vous assurer maintenant que c'est encore plus beau en vrai que sur le grand écran. Des plages de rêve, des bouts de rocher suspendus entre ciel et mer, du sable aussi blanc et fin que du coton, les ennemis du célèbre agent 007 ne plantaient pas leur forteresse diabolique sur n'importe quel lopin de terre. Les îles paradisiaques ne sont pas en reste. Ce qui m'amène à passer du cinéma à la petite lucarne et l'émission cultissime des aventuriers en herbe: Koh Lanta. Marcher sur les traces de feu Roger Moore et de Moundir, ce n'est tout de même pas rien (pour moi en tous cas). 

 

Je quitte la rude sécheresse du nord pour retrouver la verdure, de plus en plus fournie au fur et à mesure que je m'avance vers le sud. Bonjour exploitations d'hévéas, plantations de palmiers, champs de cocotiers, forêts primaires (ou plutôt ce qu'il en reste), dunes et mangroves. Ce vert n'est pas isolé car le bleu des éléments eau et air l'accompagne. Quel panache de couleurs ! Les couchers de soleil étoffent la palette de toutes les nuances du spectre, offrant le soir à mes yeux ébahis un tableau chaque jour inédit. Dans une explosion de formes et de tonalités. La nuit tombée, les orages et éclairs qui passent au loin se savourent comme des feux d'artifice. L'horizon offre un spectacle permanent. Et parfois, on peut même savourer dans l'obscurité de la forêt un gracieux ballet de lucioles, celles-ci s'improvisant alors égayeuses de bivouac. Des moments magiques. 

 

Un spectacle que je partage avec ma nouvelle compagnonne de route. Eh, mon hôte de Chiang Mai, s'est décidée à tenter l'expérience du cyclotourisme. Nous avons passé plus d'un mois ensemble à traverser la péninsule thaïlandaise du nord vers le sud, affrontant en duo l'épreuve physique que représentait l'extrême chaleur du mois d'avril. Les conditions météorologiques sont extrêmes, à la chaleur étouffante s'est rajoutée une moiteur persistante et accablante, et il n'est pas rare de se taper un fort vent de face plusieurs jours de suite (qui paradoxalement devient béni pour faire sécher nos fringues trempées de sueur en fin de journée). 

 

Fort heureusement, son beau pays regorge de ressources pour combattre la canicule. Notre plus grand ami, celui qui nous a souvent sauvé la vie et rafraîchi le cerveau, j'ai dénommé le dieu Smoothie. A la noix de coco, à la mangue, au thé vert ou encore à la fraise, ce cocktail de fruit et de glace passés au mixeur nous permet de faire baisser la température corporelle de quelques degrés dans les moments les plus brûlants de la journée. Cet arrêt au stand divin nous permet le plus souvent de recharger nos gourdes en glaçons, afin d'affronter le bouillant tarmac avec un peu plus de sérénité.

 

L'autre difficulté de rouler dans de telles conditions, c'est la fatigue mentale. Voyager à deux permet justement le soutien mutuel et le partage des souffrances. C'est sûr, il faut faire plus de concessions, essayer de minimiser l'impact de sa mauvaise humeur, mais dans la plupart des situations, rouler groupé, c'est un sacré atout dans le combat quotidien. 

 

Eh m'a aussi entrouvert les portes de la culture thaïlandaise, un univers empreint de spiritualité et de croyances, peuplé des esprits bienfaisants d'illustres ancêtres. C'est sûr que je n'aurais pas eu le même regard sur ce petit monde si j'avais traversé seul cette partie du pays. Nous avons aussi consciencieusement tenté de découvrir chacune des spécialités culinaires régionales (et seul le Dieu Smoothie sait réellement combien il y en a). Un sacrifice de l'estomac toutefois assez agréable à (di)gérer. Avec pour mon plus grand plaisir (ou pour ma plus grande perte), l'omniprésence dans l'assiette de la noix de coco, ma saveur préférée !

 

Bien que maintenant accompagné, les autochtones se montrent toujours aussi curieux à mon égard. Et bien souvent revient cette question : « where are you go ? ». Je l'interprétais au début comme un« Where are you from », mais j'étais dans l'erreur. Ce qui intéresse les thaïs, ce n'est pas d'où je viens, mais où je vais ! … Where are you going ?! … C'est assez atypique comme phrase d'accroche, et dénote le côté indubitablement positif des thaïlandais. Se tourner vers l'avenir plutôt que de s'intéresser au passé.

 

Au début du mois d'avril, j'ai pris le train depuis Chiang Mai jusqu'à Bangkok, où je suis resté 4 jours à découvrir les quartiers les plus touristiques : Kao San Road, le Palais Royal, China Town ou encore le marché de Chatuchak … Bangkok vibre en permanence dans une moiteur omniprésente. C'était un moment un peu spécial de me retrouver là-bas, la capitale thaï ayant été longtemps l'objectif final de mon périple. J'y ai fait une rencontre sympa : Benoît et Alice, que je connaissais indirectement par le biais d'autres cyclocampeurs.

 

Eh m'a ensuite rejoint sur place, puis nous avons pris de nouveau le train pour nous épargner la sortie de Bangkok et commencer le trip en terre non hostile. La station balnéaire de Hua Hin a été notre point de départ sur la côte Est de la péninsule, que nous avons suivie jusqu'à Surathani. Cette portion de périple a été paisible et agréable, avec de magnifiques bivouacs sur la plage et une petite route qui longe le littoral la plupart du temps. Le tout saupoudré de quelques parcs nationaux, ce fut une belle découverte. 

 

Ce fut aussi à ce moment que se célébrait le nouvel an thaï (le Song Khram) : la tradition, c'est de s'asperger allégrement d'eau par tous les moyens possibles : seaux, robinets, jets, pistolets, depuis la route ou depuis les pick-up, tout ce joli monde se retrouve rapidement trempé de la tête aux pieds pendant les jours les plus chauds de l'année. Je pensais que nous allions être des victimes de choix, mais en fait, j'ai été surpris par la politesse et bienveillance des enfants, qui ne nous arrosaient qu'après avoir obtenu notre accord. Nous avons juste eu le malheur de traverser la ville de Bankrut en pleine effervescence, et nous nous sommes pris logiquement une belle misère dans une atmosphère éthylique un peu stressante à expérimenter à vélo.

 

Après Surathani, nous avons quitté le bord de mer avec l'objectif de rejoindre la côte Ouest de la péninsule. Ces 3 jours furent très durs physiquement, nous avons du entre autre emprunter de longs tronçons de grosse route. La transpiration persistante commençait à attaquer notre peau et notre moral. Nous avons toutefois traversé des paysages féeriques avant de rejoindre la baie de Krabi. Entre montagnes karstiques et jungle luxuriante.

 

Notre premier contact avec la côte Ouest a été des plus mitigé. Bien sûr, difficile de rester de marbre devant ce panorama de rêve, mais tout aussi compliqué de l'apprécier dans cet environnement entièrement dédié au tourisme de masse. Ban Ao Nan, c'était Disneyland sans le Space Mountain. Nous fumes ravis de déguerpir vers la ville de Krabi (où j'ai effectué mon extension de visa en 5 minutes chrono) puis encore plus au large, vers Koh Lanta, où l'on commença de nouveau à humer le parfum de l'aventure. 

 

Koh Lanta, comme je le mentionnais plus haut dans l'article, c'est une terre de légende pour pas mal de français. En réalité, on n'a pas vraiment l'impression de se retrouver sur une île. L'accès à la plage est notamment assez compliqué, si on ne veut pas casser sa tirelire pour se loger. A mon humble avis, l'endroit a du devenir trop commercial. Cela reste tout de même une place privilégiée pour zieuter de superbes couchers de soleil et un bon point de départ pour les tours vers les îles avoisinantes. Nous avons craqué pour l'un d'entre eux et passé la journée à faire du snorkeling et bavouiller sur des plages à l'eau cristalline (que peut-être même Moundir a foulé … Quelle émotion !).

 

Notre île, celle qui nous a donné l'impression de fuir la civilisation, ce fut Koh Muk. Nous avons débarqué sur cette île pour nous laisser happer quelques jours par la douceur de vivre et l’absence de choix d'activité. Et effectivement, pas vraiment grand chose d'autre à faire que de profiter de la mer et de parler aux pêcheurs du coin. Nous avons ensuite beaucoup apprécié Trang et ses alentours. Entre bivouacs balnéaires et révélations culinaires, nous avons adoré l'authenticité de la région. 

 

Pour finir en beauté avant de revenir sur Bangkok (en train), retour sur la côte Est et la capitale culturelle du sud : Songkhla et sa ville jumelle Hat Yai. Le moment fort aura été sans conteste ces quelques jours autour du petit bourg de Patthalung et son lac colonisé par des milliers (millions?) de fleurs de lotus rose, des oiseaux migrateurs et des buffles d'eau.  

 

Tout au long de cette aventure, lorsque le bivouac n'était pas possible et que la prochaine guesthouse était trop éloignée, nous avons régulièrement été amenés à demander l'hospitalité dans les temples bouddhistes. Nous avons toujours été accueillis les bras ouverts, et je voudrais remercier du fond du cœur chacun des moines qui n'ont pas hésité à ouvrir leur porte à ces 2 cyclocampeurs dégoulinant de sueur et marqués de fatigue. Nous avons même eu parfois l'impression que nous étions déjà attendus !

 

Mais voilà, il était pour moi venu le temps de changer d'air. Avec cette humidité constante, toutes mes affaires commençaient à pourrir, moi inclus. Et cela n'allait pas s'arranger avec la mousson. J'avais plusieurs possibilités de poursuite d'itinéraire dans les cordes, parmi lesquelles continuer à rouler encore plus au sud en Asie, un possible retour en Europe et une nouvelle aventure en Amérique Sud. La décision n'a pas été facile à prendre bien que j'y pense depuis la Chine. Cependant, il a bien fallu que je tranche. C'est donc … la suite au prochain article !

 

PS : vous remarquerez peut-être lors du visionnage des images, les habituelles photos de canidés ont été remplacées volontairement par des clichés de gentils chats mignons qui ne chassent pas les cyclistes. J'ai décidé de boycotter les chiens jusqu'à nouvel ordre. Ils devront cravacher dur pour se racheter de leur intolérable comportement sur les 2-3 derniers mois. La goutte d'eau, c'est d'avoir retrouvé un beau matin ma belle chemise bleue Columbia par terre, roulée dans la poussière et en partie dévorée par un de ses maudits clebs. Peut-être même que si un jour je retourne au Vietnam, j'irai faire un détour au resto ...

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Chiang Mai J384 Thailande

Le paradis du cyclocampeur ?

Ecrit à Chiang Mai, le 4 avril 2017 – km 11340 (au total 17340 km depuis la France)

C'est avec curiosité et envie que je m'engageais sur les routes du pays qui à la base devait être l'étape finale de ce voyage. Jusqu'à présent, chaque contrée sur ce continent m'a proposé des plaisirs différents et des challenges renouvelés, et je dois avouer que je ne m'imaginais pas en mettant les roues au Japon il y a un an de ça découvrir autant de richesses et de différences entre chacun des pays asiatiques. La Thaïlande va même un cran plus loin dans les sensations de liberté et de bien-être. 

 

Le réseau routier y est pour beaucoup. Du bel asphalte pour de nombreuses petites routes de campagne, à l'instar des voies communales françaises. Il me donne la capacité d'improviser, de flâner au jour le jour sans pour autant me retrouver dans des bourbiers sans nom. Avec souvent au détour d'une de ces chaussées bucoliques, l'apparition soudaine et lointaine, voire mystique d'un pharamineux bouddha en or ou d'un stupa non moins colossal. Cela pose le décor.

 

A cela, j'ajoute la sympathie sans fin des locaux. Mais quand ce dégoulinement de bienveillance et d'amabilité va-t-il s'arrêter ? Même si je retrouve ici un relatif anonymat, ils ne sont jamais avares d'un sourire bien placé ou d'une petite conversation au coin d'une rue. Ils s'assurent aussi régulièrement que je pédale dans la bonne direction ou que je ne manque de rien. D'ailleurs, le voyage pourrait aussi bien se résumer à ça : la récolte aux sourires. Au plaisir simple de saluer et se faire saluer en retour. C'est hautement addictif et toujours amusant de constater dans les yeux des badauds l'incrédulité ou l'enthousiasme. Les Thaïlandais, les gens les plus sympas du monde !

 

Il y a aussi le retour à une cuisine variée et délicieuse. Brochettes, pad thai, kaosai, riz sauté, fruits exotiques au goût extraordinaire ... les nombreuses spécialités locales me comblent papilles et estomac. En fait, je passe mon temps à bouffer. Réchaud et popote se retrouvent progressivement bien cachées tout au fond de mes sacoches, l'accès à cette manne nourricière étant facile et peu chère via les multiples et achalandés marchés de jour et de nuit. Il est tout aussi aisé de se ravitailler en liquide : avec ces petites bornes distributrices d'eau potable, je remplis mes gourdes pour seulement quelques baths !

 

Cela fait de moi de nouveau un cyclo-campeur totalement disposé à recevoir ces petits moments de bonheur intense qui arrivent furtivement, sans prévenir, et qui décuplent l'énergie de continuer. J'irai même jusqu'à affirmer : le voyage pourrait aussi bien se justifier uniquement par la recherche de ces moments fugaces, où les astres semblent converger vers la procuration de cette félicité tant convoitée. J'apprécie aussi beaucoup ce temps en solitaire. Cette solitude que je recherche et qui me permet la méditation en mouvement et une reprise en main de mon destin nomade. 

 

Serais-je arrivé au paradis des cyclo-campeurs ? Peut-être, oui, par intermittence. Car je redescends bien vite sur terre, lorsque je me retrouve à pousser mon vélo sur une pente à 15-20 % dans un petit fumet de champ brûlé le tout sous un cagnard dépassant allégrement les 40°C. Ces instants-là me donnent plutôt un avant-goût de ce que pourrait être l'enfer.

 

J'arrive en Thaïlande pile poil pour le début de l'été et ses températures caniculaires. Le nord du pays qui aurait du être si vert et luxuriant me propose maintenant des paysages arides et un sol dur comme de la pierre. L'horizon est en permanence feutré par les émanations de fumée issues de la culture sur brûlis et les incendies volontaires de forêts (sans pour autant gêner la respiration et l'expérience cycliste). Je retrouve toutefois ce vert chatoyant subsistant sur les rizières encore irriguées, et la nuit le mercure tombe juste assez pour me permettre de respirer et de me régénérer pour le jour suivant. Le répit dure jusqu'à environ 10h du mat, après ça cogne sévère. 

 

J'imagine aussi qu'il doit y avoir un problème dans la formation des ingénieurs de la DDE locale. Ou qu'ils ont suivi leur cursus en Corée du Sud. Depuis ce pays justement je n'ai jamais vu de gradients de côte aussi démesurés ! Il n'y a aucune notion de progression dans les montées, quand on pense avoir fait le plus dur, et bien souvent ils en rajoutent une nouvelle couche. Il vaut mieux regarder ses cartes à deux fois avant de s'engager sur une petite route de montagne. Pour le salut de l'âme et des mollets. 

 

Pour une raison inconnue cette fois-ci, c'est le retour des chiens agressifs. Sans toutefois atteindre le niveau de paranoïa provoqué par les attaques canines grecques, je dois de nouveau faire gaffe à ces poursuites inopportunes de clébards énervés. Une combinaison de chiens stupides et de portails ouverts. Bizarrement, ils se la ramenaient moins dans les pays où ils passaient à la casserole. 

 

Après la frontière avec le Laos, j'ai tout d'abord rejoint Chiang Rai et son magnifique temple blanc. Pour ensuite continuer sur les petites routes pour relier le lac de Phayaho. J'ai ensuite essuyé mes premiers reliefs en me rendant à Nan puis Nanoi, où je fus accueilli les bras ouvert par Nan, sa famille et ses amis. J'ai ensuite découvert Phrae et l'architecture de ses maisons traditionnelles en bois de teck. Pour enfin prendre la direction de Chiang Mai en passant par la paisible et pittoresque Lampang. J'ai choisi cette route pour son éloignement de l'itinéraire touristique habituel et privilégier les rencontres. Un choix que j'estime plus que payant et qui m'aura apporté beaucoup de plaisir et de tranquillité. Il y a eu notamment de beaux et nombreux bivouacs. J'ai même eu le privilège de me faire héberger dans un petit temple où j'ai dormi sous l’œil bienveillant du bouddha.

 

Je suis actuellement à Chiang Mai, seconde ville du pays et capitale du nord, qui regorge de petits trésors de marchés et de temples tout aussi charmants les uns que les autres. Une escapade culinaire et reposante guidée par Eh, locale de l'étape, qui a eu la gentillesse de m'héberger quelques jours et la bonté de me faire découvrir ses restaurants préférés. Prochaine destination : Bangkok !

 

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Houaxay J353 Laos

Laos, sur la montagne

Ecrit à Houaxay le 4 mars 2017 - Km 10500 (total 16500 depuis la France)

Ce silence … 

L'enfer des klaxons s'est donc arrêté à la frontière ! Alléluia !

 

Vraiment, je ne me suis rendu compte réellement de l'intensité de la Chine et du Vietnam une fois passée la frontière. Ce qui m'a frappé en premier, c'est ce calme, cette absence d'avertisseur sonore, cette impression qu'en fermant les yeux je pouvais enfin entendre les bruits de la nature (et ceci inclus les coqs à mon plus grand regret). J'en rajoute un peu, car ce n'est pas comme ça dans tout le pays, mais après avoir été harcelé en continu par 5 mois de stimuli auditifs divers et variés, j'ai savouré la paix de mes premiers coups de pédales en terre non hostile.

 


Même la musique semble se mettre au diapason : l'abrutissante techno sino-viet (l'équivalent de notre infâme eurodance) est miraculeusement remplacée par des rythmes presque caribéens, à tendance reggae, cumbia ou zouk. Cela pose une ambiance. Les locaux savent aussi prendre le temps. Ils sont plus réservés, respectueux, avec le sourire moins facile mais tout aussi radieux. Et puis soudain, surgi de nulle part ...

… « Sabaidiiiiiii !! »

 

Encore plus mignon qu'une vidéo de chatons sur Facebook, les enfants prennent un malin plaisir à me saluer et agiter leur main au passage de mon vélo, alors qu'ados et adultes me gratifient le plus souvent d'un petit sourire complice, comme s'ils laissaient aux plus jeunes la primeur de se livrer à ce jeu de salutations fort sympathique. Si au Vietnam j'ai parfois eu l'impression d'être aussi populaire que Mickael Jackson, je me vois propulsé ici dans le rôle de la reine d'Angleterre. Je salue généreusement les badauds qui me rendent chaudement la pareille. 

 

Autre démarcation, c'est le nombre croissant d'autochtones pratiquant l'anglais. Cela simplifie les échanges et atténue cette sensation de « lost in translation ». Je pensais aussi avoir tout vu tant au niveau du gradient des côtes au Vietnam : les pentes laotiennes m'imposent des raidillons qui explosent les cuisses (et ce qui m'attend en Thaïlande devrait être bien plus corsé) !

 

Le point ultime qui change la vie du cyclocampeur, c'est la facilité déconcertante avec laquelle on déniche un beau bivouac. La faible densité de population du pays est telle que la nature offre de nouveau de nombreux et magnifiques spots de camping sauvage. Et lorsque ce n'est pas le cas, les terrains publics (par exemple une cour d'école) procurent un espace confortable et idéal pour passer la nuit. Avec souvent en prime la bénédiction bienveillante des locaux. 

 

Tout cela offre une expérience cycliste paisible et agréable. Je voyage de nouveau l'esprit tranquille, faisant vagabonder mes pensées sereinement, digérant lentement mais sûrement les événements hauts en couleurs de ces derniers mois. C'est aussi le premier réel dépaysement depuis mon débarquement en Chine. Pour un environnement pittoresque et un univers tout droit sorti d'une carte postale.

 

Février au Laos, c'est la haute saison touristique. J'ai d'ailleurs croisé le chemin de nombreux pédaleurs. C'est comme si tous les vélocistes du monde entier s'étaient donné rendez-vous sur ces routes, à un carrefour stratégique du sud-est asiatique. Avec certains, j'ai passé des moments formidables, avec d'autres j'ai partagé ma route, ou seulement tailler une bavette en guise de pause. C'est amusant de voir qu'il y a autant de personnalités que de façon de voyager à vélo. Du vacancier léger parti pour quelques semaines à l'aventurier chevronné qui a lâché notre monde cruel, je découvre un étonnant panel de baroudeurs à pédales. Mention spéciale à Lorenzo, basque espagnol, 91 pays à son actif pour 200.000 km et 19 ans de vadrouille en continu. Cela force le respect et l'admiration, forcément. Presque 20 ans de nomadisme et toujours avide de découvertes. Et aussi et surtout un grand bonjour à tous les autres, par ordre de rencontre : Nico et Alex (France), Jaimi (Angleterre), Henry et Wally (Belgique), Christa (Suisse), Homère (France), Antoine (France), Connie (Allemagne), Daniel (France), mes frogs adorés (Nico et Gokben), Bastien et Alexine (France, blog Tand'un rêve), Verena (Allemagne), Justin et Philippe (France), Meytte et JB (France), Marco (Italie) ... Liste non exhaustive, je n'ai malheureusement pas retenu tous les prénoms ! 

 

Depuis la frontière j'ai rejoint Ponshavan par la sereine route 7. Un plateau pour une transition parfaite entre le temps pourri du nord vietnam et les températures estivales de l'intérieur du Laos. Quelques montagnes plus tard, j'ai découvert Phoukoum puis Luang Prabang où j'ai fait une pause d'une semaine. Le temps de m'organiser pour faire un allez-retour en bus à Vientiane, j'avais mon visa thaïlandais à grapiller. Gratuit pour 2 mois, cadeau du nouveau roi thai. J'ai repris la route 13 puis la 1C pour atteindre ensuite Nong Khiaw. A partir de là, j'ai pratiqué un peu de piste jusqu'à Mung Ngio, petite bourgade touristique ma foi fort agréable. J'ai ensuite pris le bateau jusqu'à Mung Khua, tout près de la frontière vietnamienne (et de Dien Bien Phu où j'étais passé quelques mois auparavant). J'ai ressenti l'influence du pays limitrophe en flânant et trouvant dans les marchés des petits pains baguettes et autres delicatessen made in Vietnam. Je me suis enfin rapproché de la frontière chinoise en passant par Oudanxay (route 2E) puis Luang Nantha (route 13N puis 3) pour enfin me diriger vers la frontière thailandaise et Houaxay. Là encore, j'ai de nouveau perçu l'influence chinoise dans la région. J'ai retrouvé mes chauffeurs klaxonneurs, mes routiers lourds du pied et mes joyeux compères sans gêne. Cela me manquait tellement ! Présence aussi signalée par les nombreux travaux entrepris dans le coin pour exploiter les ressources naturelles, comme en témoignent ces nombreux barrages en construction. La Chine, pays de bâtisseurs, au pouvoir de destruction tranquille. Là où ils passent, la nature trépasse.

 

Je savoure donc ces splendides paysages laotiens en pensant que si j'y reviens un jour je ne suis pas sûr de les revoir. Car si la montagne réclame le sacrifice des mollets et le don de sueur abondante, la récompense est pour les yeux : de somptueuses lignes d'horizons, de féeriques levers et couchers de soleil, à savourer dans le calme, la tranquillité et la simplicité de ce pays qui j'espère conservera ses charmes aussi longtemps que ses bambins garderont leur innocence et spontanéité. 

 

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Nam Can J313 Vietnam

Franchir des caps

Ecrit à Nam Can (Vietnam) le lundi 23 janvier 2017 – km 9370 (au total 15370 depuis le départ de France). Édité et mis à jour à Luan Prabang (Laos) le 07 février 2017.

Me voilà arrivé à Luan Prabang. Quelle aventure mes amis ! Avant de tout vous raconter sur mes premiers coups de pédales au Laos, je voudrais revenir sur la dernière partie de mon périple vietnamien ...


Il y a des fois où rien ne se passe comme prévu. Ce qui est somme toute assez prévisible en voyage. Tout comme mon départ d'Hanoi, qui n'a pas été celui que j'espérais. La motivation est retombée comme un soufflé après quelques décourageantes péripéties et un retour impromptu dans cette ville qui décidément me colle à la peau. 

 

Tout d'abord pour régler un problème mécanique (comme si je n'avais pas eu assez de temps pour m'en occuper auparavant). À ce problème technique s'est ajouté un problème météorologique, avec un temps exécrable sur tout le nord du Vietnam, ainsi qu'un problème grippal qui m'a cloué au lit pendant 2 jours. Les cerises sur le gâteau, ce furent ces deux petites chutes sans conséquence physique mais qui ont quelque peu égratiné mon moral ... Ce qui n'était pas prévu non plus, mais qui a été en revanche très positif, ce fut d'effectuer les premières journées de ce faux-départ en compagnie de Nico et Gokben.

 

Cela fait maintenant un bail que je suis parti de France. Il y a bien eu des moments pendant ma longue baroude où je me suis posé des questions sur les motivations et le sens de mon voyage. Généralement à des périodes charnières : au bout de 3 mois, 6 mois, 1 an … Je passe maintenant le cap des 1 an et demi, et celui-ci a été de loin le plus délicat à franchir. D’abord, reprendre l'aventure après avoir goûté (trop peu) aux joies oubliées de la vie sédentaire n'est jamais chose aisée. J'avais aussi emmené sur la route tous les doutes réveillés pendant mon séjour à Hanoï. En cela, ce faux-départ a été la métaphore parfaite de cette mini-crise passagère, comme si je devais remettre de nouveau tout à plat, pour repenser ma manière de voyager devenue peut-être trop rigoureuse et accepter de nouveau le « lâcher-prise ». 

 

Cette suite d'événements malvenus a donc finalement été une bénédiction. Tout mon itinéraire, toutes mes certitudes, tout cela s'est envolé au fur et à mesure de toutes ces petites mésaventures, et j'ai du tout recomposer dans une excitante improvisation. C'est celle-ci, en amie bien intentionnée, qui m'a donné ces nouvelles joies de cyclo-campeur et des sensations de baroudeur heureux retrouvées. Je suis de nouveau sur ma lancée, bien décidé à croquer le Laos et la Thaïlande dans la joie et la bonne humeur. 

 

C'est la route qui s'est chargée de me remettre la patate. Avec son lot de beaux paysages, de rencontres fortuites et de moments humains. Après mon second retour d'Hanoi, depuis Ninh Binh, j'ai repris le Ho Chi Minh trail, pour ensuite bifurquer vers la frontière vietnamienne en empruntant une voie loin du trafic tumultueux habituellement rencontré au Vietnam (la QL48c). J'y ai traversé des petits villages pittoresques, me faisant saluer plusieurs centaines de fois par jour et me faisant inviter généreusement par les locaux … Et même par des policiers (par deux fois) ! Ceux-ci se donnant pour mission du jour de me charger consciencieusement la bourriche à coup de schnaps vietnamien. Le nouvel an chinois (ou« têt ») n'est pas encore célébré officiellement que les préparations battent déjà leur plein ... Cela promet pour les festivités. Fort heureusement pour mon foie, je serai déjà loin quand tout ceci aura commencé.

 

Le Vietnam, c'est aussi « the Big Sound ». La musique à fond claque dans les espaces publics et les décibels retentissent dans les innombrables karaokés (parfois même au petit matin). Les radios de rue crachées sur haut-parleur et la folie klaxonnière viennent compléter ce beau capharnaüm dans la joie et la saturation des oreilles. La nuit venue, quand le chaos sonore touche enfin à sa fin, c'est le moment qu'a choisi le coq pour entrer en scène ...

 

Je croyais bien naïvement que son chant accompagnait le lever du soleil … En pratique, il commence bien plus tôt son sournois petit jeu musical, vers les 3 heures pétantes. Pour souvent ne plus s'arrêter de la matinée. A vrai dire, je ne comprends vraiment pas comment mon beau pays la France a pu prendre ce gallinacé idiot comme emblème. A moins que la perfide volaille ne soit d'humeur vengeresse : sachant pertinemment qu'il va finir tôt ou tard à la casserole, l'infernal poulet se serait décidé à irriter ses bourreaux en guise d'épilogue. Au final, peut-être pas si inadéquat que ça, ce choix de blason national ;)

 

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Hanoi J294 Vietnam

Hanoi l'Européenne

Ecrit le 4 janvier 2017 à Hanoi 

 

Pour soigner ce moral en berne, j'avais donc décidé de poser mes sacoches à Hanoi pour une durée d'un peu plus d'un mois. J'avais besoin de me sentir appartenir à un lieu, de prendre des repères, me trouver une routine, fréquenter des gens plus d'un jour ou deux … C'est Yohann, cyclo-campeur rencontré à Istanbul qui m'a vanté les mérites de la ville et m'a donné l'idée d'y faire une pause. J'avais aussi un contact sur place, Jonathan, qui m'a mis bien à l'aise et s'est appliqué à me révéler quelques secrets bien gardés de la capitale vietnamienne. 

 

Concrètement, ma première impression d'Hanoi a été celle d'une ville congestionnée et polluée. Il m'a fallu quelques jours pour commencer à l'apprécier et m'y sentir comme chez moi. Ce qui m'a frappé en premier, c'est ce lourd trafic urbain, intense et étouffant. On pourrait le comparer au flux d'une rivière, toujours en mouvement, rien ne pouvant entraver le flot des scooters et des voitures. Pendant les heures de pointe, il n'est pas rare de voir déborder les deux roues sur le trottoir. Et tant pis pour les piétons ! En fait, la seule règle valable dans tout ce marasme, c'est qu'il n'y en a pas. Tout est permis, et le seul facteur qui permet d'éviter de nombreux accidents c'est la vitesse moyenne générale assez basse. Tout le monde reste sur ses gardes et sait que le danger peut arriver de tous les côtés. A Hanoi, chaque chauffeur est un chauffard potentiel … Après, pendant les heures creuses, la cité devient presque agréable à parcourir. Et après minuit, il n'y a presque plus personne pour chauffer le tarmac. 

 

Car Hanoi est une ville de contraste. Si l'on s'attarde un peu à déambuler dans toutes ces ruelles labyrinthes, on y découvre de nombreux coins tranquilles voire même romantiques. C'est ce qui fait tout le charme de la ville. Plus on la connaît, plus on repère de ces petits endroits privilégiés et plus on s'identifie à la cité. Hanoi dévoile ses mystères au compte-goutte, juste assez pour avoir envie d'y rester chaque jour encore un peu plus. J'ai même parfois eu l'impression de retrouver l'ambiance de ma bien-aimée Barcelone ! Avec toutes ses petites places secrètes, son architecture désordonnée et ses nombreux cafés-terrasses. 

 

Ce qui tranche par contre avec la capitale catalane, c'est le manque flagrant de liberté. On ressent fortement la présence policière, et si le couvre-feu n'est plus de mise, les réflexes sont restés et la grande majorité des habitants sont loin d'être des noctambules. La plupart des terrasses du centre sont évacuées à minuit pile par des escouades de contrôle officielles, à coup de haut-parleur. C'est alors l'heure du repli stratégique. Il existe quelques endroits pour les couche-tard, fréquentés pêle-mêle par les backpackers, expats et une partie de la jeunesse locale. Lieux tolérés par les inquisiteurs locaux moyennant graissage de patte régulier. Au sein de la capitale viet, la petite corruption bat son plein. 

 

Ce qui fait aussi la particularité d'Hanoi, se sont ses nombreux lacs et étendues d'eau. Ils aèrent la ville et sont propices à la relaxation. Ce sont les poumons de la cité, des indispensables régulateurs de stress urbain et des fournisseurs prolifiques de ces petits coins romantiques précédemment évoqués. J'ai moi-même choisi d'habiter près de l'un de ses réservoirs, celui de Gian Vô. Le plus grand d'entre eux, Tay ho (ou West Lake), est un monde à part, riche, paisible, où j'ai aimé me ressourcer quotidiennement pour m'extirper du chaos ambiant. C'était aussi l'endroit idéal pour continuer à pratiquer la bicyclette. 16 km pour un tour complet.

 

Au final, j'ai vraiment aimé Hanoi, j'ai adoré m'y perdre, m'y retrouver, et cela a été surtout l'occasion de me donner de nouveau l'envie de voyager, de repartir. De faire une pause salvatrice. J'ai aussi découvert un endroit où je pourrais parfaitement couler quelques mois si jamais un jour une opportunité professionnelle s'y présente. 

 

Ce serait pour moi l'occasion de revenir y manger mon « Bun Cha » quotidien. C'est mon repas préféré au Vietnam. Je ne rate jamais l'occasion de m'en enfiler un. Concrètement, c'est une sorte de marinade à la sauce poisson contenant du porc braisé et des légumes (carottes, papaye …). On y rajoute ensuite à sa guise vermicelles et herbes fraîches (coriandre, menthe, salade, etc …). Le tout est frais et délicieux. Chic et pas cher. Et surtout très addictif. Sans compter que chaque établissement a sa propre façon de l'accommoder, c'est un plaisir renouvelable et sans fin.

 

Cette fin de mois de décembre a été aussi celle de retrouvailles cyclocampestes, avec le retour annoncé d'Alessio et Binh qui eux ont décidé de s'installer et de se rapprocher de leur famille après une grosse boucle dans le Laos. Ce fut aussi une étape supplémentaire dans le voyage de Nico et Gokben, mes hôtes warmshower de Chengdu. Tous les 5, nous avons fini l'année en apothéose, avec un séjour court mais mémorable sur l'île de Catba, tout près de la baie d'Halong. Nous y avons fêté comme il se doit le passage à l'année 2017. 

 

Alors voilà, pour cette nouvelle année, je vous souhaite de beaux voyages, de nombreuses découvertes, quelques (bonnes) surprises, mais aussi de l'amour et une santé de fer ! Que 2017 soit l'année des rêves qui se réalisent !

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Hanoi J274 Vietnam

La constante asiatique

Ecrit à Hanoi, le jeudi 15 septembre 2016 – km 8500 (soit environ 14500 km depuis le départ de France!)


Je suis arrivé à Hanoi il y a 3 semaines environ, et j’ai décidé de m’établir ici pour un bon gros mois et de profiter des attraits d’une vie « normale ». C’est à dire : avec une douche chaude quotidienne, une machine à laver à disposition, un vrai lit pour moi tout seul et une routine à établir.

 

Avant cela, j’avais passé 3 semaines à voyager dans le nord ouest du pays, période sur laquelle je voudrais revenir dans cet article et ainsi combler ainsi le petit retard que j’ai accumulé dans le contage de mes aventurettes. Retour au début du mois de novembre, Lao Cai, ville-frontière au bord de la Chine, long travelling cinéma sur le fleuve rouge et un horizon alpin plein de promesses …

 

Nous sommes toujours en équipe, moi, Alessio, Binh et Tim. J’ai décidé de changer mes plans et de les accompagner jusqu’à la frontière laotienne. Pour atteindre Dien Bien Phu, nous devons traverser des massifs montagneux aux pentes bien raides et dans une météo exécrable. Non seulement nous ne pouvons pas profiter des paysages grandioses qui devaient s’offrir à nous (Sapa), mais nous essuyons de larges averses et taillons notre route dans un brouillard épais. Le moral est atteint, mais nous tenons le cap. Avec toujours l’espérance de voir cette purée de pois s’envoler et nos yeux enfin s’écarquiller. Ce temps pourri nous offre tout de même de belles aventures humaines au sein des minorités montagnardes (autour de Lai Chau).

 

Les efforts et la patience finiront par payer, car enfin, au détour d’un col, nous faisons de nouveau connaissance avec le soleil, qui par la même occasion se décide à nous rendre notre sourire et bonne humeur. A partir de Sin Hau, c’est de nouveau la lune de miel, la communion avec des paysages de rêve et du pédalage easy-going. Nous déroulons jusqu’à Dien Bien Phu, y passons quelques jours, épuisons les réserves nourriture de quelques restaurateurs du coin, et c’est déjà le moment de se dire au revoir. Je n’ai plus qu’à reprendre la route seul jusqu’à Son La, regouter au plaisir du bivouac en solitaire, et enfin prendre un bus qui me mènera jusqu’à Hanoi (mon premier bus depuis la France!).

 

Voyager en groupe, après l’épisode européen avec mes amis équipés en vélos Brompton (Mona, Max et Calvin), cela a été encore une expérience exceptionnelle et intense, et m’a donné une nouvelle fois l’occasion de me faire des amis pour la vie. Nous avons passé moments grandioses et plans galères dans une solidarité à toute épreuve, dans une volonté permanente de partage. Voyager ensemble, c’est aussi profiter des compétences élargies d’un groupe : Binh, locale de l’étape, nous a initiés quotidiennement aux délices culinaires de son pays et nous a gratifiés de quelques belles explications culturelles. Alessio, chef de cuisine de métier et de talent, a toujours été à la recherche de nouveaux produits à goûter et nous faire découvrir … J’espère avoir pu porter ma petite pierre à cet édifice de cyclocampeurs, d’une manière ou d’une autre !

 

Oui, car la cuisine vietnamienne, c’est un régal permanent. Beaucoup de points communs avec la cuisine chinoise, il y a des nouilles, du riz, des soupes, du tofu … Mais les saveurs sont très différentes. C’est beaucoup moins épicé, déjà. La coriandre et la menthe sont omniprésentes, pour mon plus grand plaisir. La viande, de meilleur qualité, est aussi servie plus généreusement. Et cerise sur le gâteau, l’apparition de petits pains baguettes comparables à ce que l’on peut trouver en France ! Bref, la cuisine viet, c’est frais, c’est bon, c’est chic et pas cher.

 

Les points communs entre la Chine et le Vietnam ne sont pas uniquement culinaires. Depuis le début de mon voyage en Asie, c’est là où j’ai ressenti le moins de différence entre niveaux de vie de deux pays limitrophes. Au petit jeu des comparaisons, ce serait un peu comme passer de la France vers l’Italie ou l’Espagne. L’autre point commun, partagé avec tout le reste des pays du continent asiatique dans lesquels j’ai eu la chance de voyager, c’est ce sourire. Ici encore, omniprésent. J’ai parfois eu à répondre à presque une centaine de salutations spontanées, sur une journée. Moi qui me demandais à quoi ressemblait une vie de célébrité, j’ai eu ici un début de réponse … Et c’est un truc qui va vraiment me manquer lors mon retour en Europe. Pas la vie de rock star, hein, vous m’aurez compris, mais ce joli sourire indélébile et désintéressé. Car c’est bien lui, la véritable constante asiatique.

 

La nouveauté au Vietnam, c’est ce taux d’inflation « gringo ». C’est un système d’indexation très complexe et extrêmement réactif. Dès lors qu’un occidental s’approche d’un produit de consommation courante, celui-ci voit son prix s’envoler du simple au double (voire triple). Bigrement efficace, mais un peu déconvenant. Surtout quand il se trouve que je suis l’occidental en question. Apparemment, ce taux d’inflation varie en fonction de l’ardeur à la négociation. Pas sûr que je sois encore prêt pour ça …

 

Surtout qu’après toutes ces péripéties chinoises du mois précédent, cette mauvaise météo, j’ai constaté une tendance propre à la ronchonnerie, à me laisser facilement affecter négativement par les petits obstacles de la vie quotidienne. Il fallait que je me reprenne en main, rapidement …

 

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Stéphane, Tokyo

Série "Happy Expats", portrait n°2

Voici le second volet de cette série que j'ai ambitionné d'effectuer depuis le début de mon voyage. J'ai rencontré Stéphane et Makiko à Tokyo, ce furent d'excellents hôtes warmshower et je garde un chouette souvenir de mon passage chez eux. Cet heureux couple mixte franco-japonais m'a permis de me familiariser avec de nombreuses particularités de la culture japonaise, aussi étrange et particulière qu'elle puisse paraitre au premier abord pour un Gaijin (étranger au Japon). Alors, forcément, je n'ai pas pu résister à l'idée de poser à Stéphane les 3 petites questions de mon interview spéciale "Happy Expat" ...

Stéphane, comment es-tu arrivé à Tokyo ?

En 2005 j'ai postulé dans de nombreuses écoles françaises à l'étranger et seule celle de Tokyo m'a répondu positivement.
J'ai donc demandé une mise en disponibilité de l'éducation nationale pour pouvoir partir et ai été recruté en contrat local par le lycée français de Tokyo.

Qu'est-ce qui t'a décidé à rester ?

Je suis resté parce que les conditions de vie de travail et le salaire sont extrêmement privilégiés par rapport à la France ... De plus, je suis tombé amoureux et me suis marié trois ans seulement après mon arrivée.

Qu'est-ce qui fait selon toi de Tokyo l'endroit idéal ?

Endroit idéal le mot est fort mais c'est une ville sûre. On y trouve tout du point de vue culinaire, ainsi que de nombreux produits de consommation courante et de santé. La qualité de service est exceptionnelle, tout est ouvert tout le temps, le réseau de transport public est fabuleux, on peut très facilement se déplacer à vélo car le trafic au niveau de la ville est assez faible grâce aux autoroutes aériennes. Il y a des bains publics très agréables. Les gens sont discrets et polis même si on peut regretter parfois un excès de réserve et un manque de chaleur.

Merci Stéphane d'avoir pris le temps de répondre, et à bientôt j'espère !



Précédent volet : Vivien, NewDelhi

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Hekou J236 Chine

Happy end à la chinoise

Ecrit à Sapa au Vietnam, un jour de pluie battante, au chaud dans mon lit, le 9 novembre 2016 – Km 7800

La Chine en quelques chiffres :

1800 kilomètres effectués à vélo
3 trains : Oulan-Bator/ Pékin (28 heures), Pékin/Chengdu (à peu près pareil) et Dali/Kunming (6 heures)

Mes nuits : 57 au total

10 bivouacs dans 10 endroits différents.
7 nuits passées en warmshower chez 2 hôtes différents
26 nuits en hostel
6 nuits en hotel
8 invitations chez l'habitant ou chez des travailleurs

C'est aussi ...

4 ou 5 cols à plus de 3000 mètres d'altitude.
Un estomac comblé de petits bonheurs quotidiens
De nombreuses tâches sur mes vêtements issues de ces mêmes petits bonheurs :)
Un disque dur de grillé, un ipod boiteux ...
2 décibels de moins à l'oreille gauche (celle qui réceptionne les coups de klaxon)
Un grand moment de stress
Des amis sur qui compter
Des paysages à couper le souffle
Et des dizaines de sourires quotidiens

--

Si je devais résumer la Chine en une phrase, une idée, un geste, ce serait un grand "Hello" lancé de nulle part suivi d'un malicieux éclat de rire. Je n'ai jamais cessé d'être étonné et surpris par l'enthousiasme et la jovialité générale des gens que je croisais sur mon passage. 

 

L'histoire se termine donc beaucoup mieux qu'elle n'avait commencé. Comme si petit à petit je m'étais enfin acclimaté à ce pays, que j'avais réussi à en dompter les contrastes. Les voyants sont passés progressivement au vert. 

 

Tout d'abord, ma banque m'a remboursé très rapidement la grosse somme qui avait été frauduleusement ponctionnée sur mon compte (très pro, un ptit coup de pub pour Boursorama pour le coup). Ensuite, la météo a été (presque) clémente. Enfin, j'ai trouvé un chouette groupe de cyclistes pour compléter cette dernière portion de Chine. A plusieurs, les joies sont partagées, les difficultés diluées. 

 

C'est ainsi que j'ai embarqué en train avec Tim (Nouvelle-Zélande) depuis Dali vers Kunming, nous y avons effectué nos visas vietnamiens puis nous avons rejoint de nouveau à vélo le couple des "patates roulantes", mes chers Alessio (Italie) et Binh (Vietnam), juste avant d'entreprendre l'exploration de la zone des rizières en terrasse de la région de Yuanyang. Sans conteste l'un des moments forts de ce voyage en Chine. Ce site est classé patrimoine mondial à l'Unesco, avec toute la folie touristique qui tourne autour. Nous avons tout de même trouvé le moyen de tracer notre chemin en gardant cet esprit d'aventure qui caractérise notre mode de déplacement, en faisant le choix d'emprunter une petite route de montagne partiellement en construction, nous faisant passer par de petits villages cotoyants d'abruptes falaises. Un peu de frustation tout de même, un épais brouillard nous ayant empêché d'admirer durant la totalité du parcours les magnifiques paysages qui aurait du s'offrir à nous, tout en nous donnant en échange une atmosphère surréaliste et indescriptible ... Digne d'un film de zombie !

 

Ce qui m'a particulièrement plu en Chine, ce fut l'impression de naviguer la plupart du temps en dehors des sentiers battus, et ce même dans les endroits les plus prisés par les visiteurs. Les rabatteurs n'y sévissent que très peu, et on peut effectuer ses achats tranquillement même dans les plus gros hotspots touristiques comme Dali ou Lijiang. J'ai eu aussi l'agréable sensation que les relations entre étrangers et locaux n'étaient pas forcément motivées par des considérations économiques, laissant la porte ouverte à un contact sain et sans arrière pensée. 

 

J'ai aussi été ravi de pouvoir bivouaquer sans aucun problème. J'ai mis du temps à me sentir à l'aise pour planter ma tente sur ces terres un peu plus fréquentés qu'à l'accoutumée, mais finalement les locaux se montrent clairement plus amusés et curieux que méfiants. Il est vrai qu'en groupe, on se sent plus fort et plus relax au moment d'établir le camp ! 

 

Au final, je sors ravi mais fatigué de cette expérience au sein de l'empire du milieu. J'aurai eu des débuts difficiles, de nombreuses petites galères, de nombreuses situations d'incompréhension ... Cela a été rude par moment, tous ces dénivelés, ces routes compliquées, ce bruit incessant, ces différences culturelles fortes, cette impression de voir mon destin parfois m'échapper. Mais ce sont paradoxalement ces moments délicats qui rendent les saveurs du voyage si particulières. Je pars de ce pays sans savoir pour le moment s'il va me manquer réellement un jour, mais ce qui est sûr, c'est que cela va me donner de nombreux souvenirs et quelques histoires rocambolesques à raconter.

 

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Kunming J216 Chine

Les tribulations d'un galérien en Chine

Ecrit à Kunming, le dimanche 23 octobre 2016. Km 7250

J’avais vraiment commencé à apprécier de plus en plus l’aventure chinoise. L’état des routes s’était amélioré et la beauté des paysages se faisait plus notable. Depuis le lac Lugu, j’étais rentré dans la province du Yunnan et je commençais à découvrir une Chine de plus en plus rurale et authentique. Certains empruntent la route de la soie, la route du rhum ou encore la route des épices, moi j’emprunte les routes en construction. Cela me donne au moins l’avantage de me faire héberger par les travailleurs de le DDE locale, et c’est toujours l’occasion d’un bon gueuleton et de belles rencontres en perspective.

 

Après l’épopée du Mont Gadoue (Meigu), j’ai tenté ma chance sur une chaussée en chantier depuis 9 ans, entre Ninglang et Lijiang. Avec quelques appréhensions … Cette-fois-ci, le pari aura été gagnant, car j’ai profité d’un asphalte tout neuf et bien confortable, le tout sans le tumulte des assourdissants pachydermes de la route, l’accès leur étant coupé à mi-chemin : il faut emprunter une barque pour pouvoir prétendre rejoindre les deux villes. A la fois pittoresque et régulateur de trafic routier.  A la place des dangereux camions et horribles bus, je croise des deux roues pétaradants, des chèvres, des vaches et quelques chiens enragés. Je gagne quand même au change !

 


Les chinois sont toujours aussi sympas et hospitaliers, jamais avares d’une salutation enthousiaste ou d’un sourire rendu. C’est la grande satisfaction de ce voyage. Même si la communication ne passe pas forcément toujours bien, je peux toujours m’attendre à obtenir de l’aide, même non demandée. J’ai même parfois l'impression d’être traité comme une rock star avec mon statut d’aventurier à vélo. Ou encore d’être de temps en temps observé comme une bête curieuse. Ce n’est pas vraiment dérangeant et je préfère largement ça à l’indifférence. 

 


Je voudrais par contre revenir sur un point de mon article précédent. La bicyclette, une fois sortie des zones urbanisées et de leurs espaces dédiés aux deux roues, n’a plus du tout sa place sur le macadam. Sur les petites et escarpées routes de montagne, le vélo est un problème qui se règle à coup de klaxon. Je pourrais même écrire un roman sur les déviances routières des chinois … Dont voici les 3 spéciales, celles que j’affectionne particulièrement :

1. me faire klaxonner à 2 mètres de distance par un camion ou un bus, à coup de 150 décibels
2. voir arriver en face deux véhicules … occupant l’espace des deux voies
3. et ma préférée : doubler une voiture à l’arrêt (bien souvent bouchant la voie cyclable), et voir celle-ci redémarrer juste au moment où j’arrive à son niveau. Ba oui quoi, je pourrais klaxonner quand même !

Pas de quoi me décourager complètement pour le moment.

 


Je me demande aussi si les klaxons peuvent affecter le matériel électronique, car après la déchéance du disque dur de mon ordinateur, c’est un peu l’hécatombe de ce côté là. La majorité de mes câbles USB ont déjà rendu l’âme, mon précieux ipod nano ne s’allume plus que si je le branche au secteur, le câble de mes écouteurs s’est vu légèrement sectionné, ma batterie tampon ne se charge plus correctement, et j’ai aussi repéré un début de faiblesse de mon matos photo, boiter et objectif. Sans compter les frayeurs que m’ont provoqué les freeze de mon fidèle mais vieillissant smartphone. J’ai une autre théorie sur le sujet. Tous ces items made in China se sentent de retour sur leur terre, et pensent peut-être que c’est le bon moment pour reposer en paix près des leurs … 

 

Toutes ces petites galères ont été annonciatrices d’une plus grande, de celles qu’on pense qu’elles n’arrivent qu’aux autres (un peu comme le vol d’un vélo par exemple). Ma carte bancaire a été piratée (je suppose) et des paiements frauduleux ont été effectués sur internet à hauteur de 2700 euros (pour le moment, j’espère que la note ne va pas être plus salée dans les jours qui viennent). J’ai bien sûr fait opposition immédiatement une fois le pot aux roses découvert et contacté ma banque pour que ce problème majeur se résolve au plus vite, et que je puisse de nouveau voyager l’esprit en paix. Pour le moment, je ne peux que constater l’ampleur de la catastrophe et attendre la réponse des enquêteurs quant à la suite de cette affaire  (30 jours max).

 


J’ai donc passé ma semaine à Dali à effectuer appels et papiers, à m’inquiéter, et je suis de nouveau malgré moi rentré dans le cercle infernal de l’administration chinoise. Celle du dicton « possible n’est pas chinois ». Moi qui ne voulait pas étendre mon visa ici pour ne pas encore avoir à faire à l’inertie de la bureaucratie locale, j’ai eu en fait bien plus de rab que je ne pouvais imaginer. En fait, il « suffit » de s’adresser à la bonne personne au bon moment pour que la situation se débloque rapidement (avec un sourire et même parfois un thé). Mais le problème, c’est de trouver cette personne ! Cela peut s’avérer à la limite de l’impossible, et toujours à la frontière du découragement. 

 


J’ai pu heureusement compter sur le soutien inconditionnel de mes proches, et aussi sur mes bien-aimés rollingpotatoes (Alessio et Binh) qui ont accéléré leurs coups de pédales pour me rejoindre à Dali et venir m’aider à relativiser cette fâcheuse situation. Il y a aussi eu la bienveillance précieuse de mon hôte warmshower, Heimat, manager de l’auberge Dali Mufu, qui m’a accompagné à la police locale (malgré son emploi du temps très serré) et qui m’a permis d’évoluer sans soucis supplémentaire dans l’environnement cosy et serein de son établissement. Je suis dorénavant de nouveau en mouvement, en train vers Kunming, bien décidé à terminer mon aventure chinoise sur une bonne note, et avec l’espérance que la poisse qui me suit depuis ces quelques semaines me lâche enfin à la frontière sino-vietnamienne.

 


Depuis mon départ de Chendgu, j’ai eu 4 ou 5 cols à 3000 mètres à franchir. L’avantage d’avoir effectué le premier col dans de la grosse gadoue, c’est que les suivants m’ont semblé bien plus simple à gravir. Je suis passé par Xichang, j’ai ensuite trouvé une petite auberge sympa sur la lac Lugu, l’un des plus beaux endroits que j’ai pu voir en Chine. La route a été tout aussi magnifique entre Ninglang et Lijiang, où je suis resté aussi quelques jours pour profiter de la vieille ville. Avec toujours autant de belles rencontres ! C’est sur la route entre Lijiang et Dali que je me suis rendu compte de l’utilisation frauduleuse de ma carte, et c’est donc logiquement que je suis resté presque une semaine dans cette bourgade touristique, dont finalement je n’aurai pas vu grand-chose ...

 

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Meigu J191 Chine

La Chine en proverbes (chinois)

Écrit à Meigu le 1 octobre 2016. Km 6320

Pour cette première partie de voyage en Chine, j'ai passé plus de temps à port qu'en croisière. Il me tardait donc de reprendre ma barque à deux roues pour ne plus la quitter et me laisser dériver « gentiment » vers Bangkok. On dit de la Chine qu'elle est le pays du proverbe (chinois). Déclinons donc cet article en quelques dictons. 
 

« La Chine, ce sont les routes du paradis avec des chauffeurs venus de l'enfer »

Quelles belles routes, quelles belles voies cyclables ! Vraiment, en Chine, on roule sur un billard (enfin pas tout le temps, j'y reviendrai). Le hic, c'est que c'est un peu l'anarchie sur le macadam. Les voies cyclables sont utilisées à contre-sens ou comme place de parking. Au quotidien, ce sont des refus de priorité, du non-respect de la signalisation, de belles queues de poisson, des dépassements sans aucune visibilté, des inopinés coups de klaxons …  Faut s'accrocher !

 

« Le pays du vélo alerte »

Mais la bonne surprise vient de la situation de la petite reine dans la circulation. C'est un moyen de transport très utilisé, et donc le cycliste a tout à fait sa place même dans un trafic dense. La conduite est tout de même bien sportive. La particularité, ce sont les innombrables véhicules électriques : bicyclettes, trottinettes, scooter, tuk-tuk, tout le bestiaire du deux roues y est ici représenté. Pour un confort auditif accru et une pollution bien moindre (bien des villes européennes devraient s'en inspirer).

 


« La Chine, le pays du matin bruyant »

Il y a ici un sport national dans lequel les chinois peuvent rivaliser à l'aise avec les indiens, c'est le développé de klaxon. Pour la beauté du jeu, pour la beauté du geste, la main est lourde, artistique et systématique sur le buzzer avertisseur. Les cinglants coups de trompe des camions me glacent particulièrement le sang. A chacun d'entre eux c'est une petite plume de mon moral qui s'envole tristement vers l'horizon.

 

« Le pays du soleil qui ne se lève pas »

Arrivé en Chine, je me suis bien cru revenu en Normandie pour un aspect. L'absence de soleil. Et même de ciel. Entre la pollution et le temps pourri, j'ai passé parfois une dizaine de jours sans voir l'ombre d'un rayon de lumière. Par contre, quand il est de sortie, il fait pas semblant : c'est l'effet grille-pain assuré.

 

«  Possible n'est pas chinois »

S'il n'est pas possible de voir le soleil, il n'est pas non plus possible de récupérer mon vélo le jour d'arrivée, pas possible de mettre le compteur dans un taxi, pas possible de trouver un bivouac tranquille, pas possible d'aller sur facebook et google, pas possible d'emprunter une portion de route (interdite aux étrangers, ce qui me vaudra de rajouter 2 cols à 3000 mètres à franchir...), pas possible de faire toute une petite foule de choses qui bout à bout donne envie de baisser les bras. Bon, je dramatise un peu, et suis pleinement conscient que la plupart de ces impasses naissent de la barrière de la langue (ah ba oui car c'est pas possible de parler anglais non plus). La solution est bien souvent à porter de main et un peu de patience et quelques sourires suffisent parfois à se sortir de bien des quiprocos. Lost in translation, version chinoise. 

 

« Le pays des libertés qui commencent là où finissent celles des autres »

Dans un pays réputé pour ses privations de libertés, chacun semble vouloir s'octroyer la sienne sans vraiment se soucier de celles des autres. Les endroits non fumeurs sont donc enfumés, les espaces d'eau interdit à la nage avec de nombreux baigneurs, sans m'étaler sur l'effet que cette mentalité individualiste peut avoir sur le partage d'une chambre en auberge ou le trafic routier. Une petite différence éducationnelle à laquelle il faut savoir s'adapter :)

 


«  Le pays des papilles en émoi »

D'ailleurs, je leur pardonne tout, ce sont tellement d'excellents cuisiniers ! Chacun de leurs mets me procure le réconfort nécessaire pour me remettre de l'un de ces petits chocs culturels. C'est parfois un peu épicé, mais vraiment savoureux (l'un des premiers mots que j'ai d'ailleurs appris à dire c'est « pula », que l'on peut traduire "sans piment"). J'ai également l'impression qu'une vie entière ne suffirait pas à découvrir toute la diversité de la cuisine chinoise. 

 

 

« Le pays du sourire, de la générosité et de l'hospitalité »

Comme je le mentionnais, il est ici très difficile de trouver un bivouac. Même à la campagne, chaque parcelle de terrain est utilisée ou occupée. Je n'ai donc pas d'autre choix que de demander la permission à l'habitant pour planter ma tente. Le plus souvent, je n'aurai même pas à la déplier, je dormirai dans un lit bien chaud avec le ventre bien rempli (un des autres mots que j'ai appris assez rapidement, c'est « shebba », pour dire - je t' ... - ça va j'ai assez mangé ). C'est en plus une formidable occasion de partager le mode de vie local, et représente un réel et appréciable point positif de ce périple en Chine jusqu'à présent. J'aime aussi leur bonne humeur et leur propension à rigoler de tout, cela permet de tout relativiser. 



J'ai tout d'abord passé une semaine à Pékin, où j'ai découvert une capitale vivante et culturelle. J'aurai eu un peu le temps de faire mon touriste « lonely planet » entre les démêlés administratifs pour récupérer mon vélo du train de Oulan-Bator et l'infructueuse pêche à l'information pour remettre mon vélo dans le train pour Chengdu. J'ai tout de même pu aller voir les must-see comme la cité interdite, la place Tien'Anmen, la muraille de Chine, le site olympique et le Lama Temple. Mais ce que j'ai préféré, c'est de déambuler dans les petites ruelles des hutongs dans le vieux Pékin. 

 

A Chendgu, j'ai rejoint les cyclocampeurs « rolling potatoes » (que j'avais rencontré à Séoul) et été hébergé par des supers warmshowers, les « frogs on wheels ». J'y aurai vu les fameux pandas. Ce qui devait être une courte pause de quelques jours s'est transformée en séjour d'une semaine, car le disque dur de mon ordinateur a rendu l'âme et j'ai passé 4 jours (et nuits) à tout remettre en ordre. Finalement, Chengdu, c'était le meilleur endroit pour régler ce genre de tuile matérielle. J'ai pu y retrouver un modèle de disque dur difficile à dénicher et Nico l'un de mes hôtes m'a patiemment aidé à régler mes multiples et irritants problèmes d'installation. Mais c'était aussi surtout l'occasion de passer de chouettes moments en excellente compagnie.

 

Je suis depuis 1 semaine de retour sur la route, en solo, je prends la direction des montagnes du Sichuan et du Yunnan. J'ai visité le site d'un bouddha géant à Leshan, et franchi un 2925 mètres (le mont Meigu) dans la boue et la douleur. C'était la dizaine de kilomètres la plus délicate de mon voyage, une ascension dans un enfer d'humidité. La descente n'a pas été avare en bourbiers non plus. Des cols à 3000, j'en aurai encore beaucoup d'autres sur ma route, mais j'espère que les prochains ne se feront pas dans la gadoue. J'ai du tomber sur une des rares chaussées en cours de construction en Chine, et d'ailleurs, à l'heure actuelle, je suis en train de faire une petite journée de pause (*), recueilli justement et gentiment par les constructeurs de cette maudite route - qui devrait être terminée dans une petite année (!). L'absence d'asphalte m'a fait plonger dans la profonde ruralité chinoise, celle des minorités. C'est d'un contraste saisissant avec la modernité et l’opulence que l'on peut trouver dans les villes … Tout cela me procure cependant de merveilleuses aventures, bien loin de la zone de confort à laquelle je m'étais de nouveau habitué ce dernier mois.

 

(*) Je suis en fait à Xichang, mais il y a toujours un laps de temps entre le moment où j'écris l'article et réussis à trouver du wifi pour mettre à jour le blog.

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Oulan Bator J173 Mongolie

Le Bilan Mongol

Écrit dans le train de Oulan-Bator à Pékin le vendredi 9 septembre 2016 – km 5850
 
La Mongolie, c'était …
 
Presque 2 mois de voyage. Un peu plus d'un mois de pédalage et 26 nuits à Oulan-Bator (13+13).
1500 km effectués sur le mois en vadrouille, dont un peu moins de la moitié sur piste
0 crevaison (spécial dédicace à mes nouveaux pneus Schwalbe Marathon Plus Tour)
Quelques problèmes de transit intestinal, quelques coups de soleil et de nombreuses piqûres de moustiques.
Un lumbago, et une petite semaine « d'arrêt maladie »
Du vent de face, de la pluie, de la grêle, tout ce que le ciel sait faire de mieux
De belles amitiés tissées à la Gana's guesthouse d'Oulan-Bator et sur la route
Des paysages à couper le souffle, un horizon toujours inspirant
Des kilos de mouton ingurgité
De merveilleux bivouacs quotidiens
Et même sans cheval, un voyage épique (!)

"La Mongolie, ce sont les paysages de Normandie avec un ciel sahélien" Sylvain Tesson, l'Axe du Loup
 
De Kharkorin à Oulan-Bator, cette dernière portion de périple mongol m'a apporté son lot de réjouissances, malgré une baisse nette des invitations et du nombre de rencontres. J'avais la possibilité d'emprunter une belle route asphaltée jusqu'à la capitale mongole, j'ai cependant privilégié la piste autant que faire se peut, pour rester dans l'esprit d'aventure et de découverte. J'ai ainsi traversé les splendides parc nationaux de Khogno Khan et de Hustai, planté ma tente dans les dunes de Mongol Els, observé les chevaux sauvages de Prevalski … Et suis arrivé complètement lessivé du dos à Oulan-Bator ! J'aurai aussi appris une notion essentielle : en Mongolie, les raccourcis n'existent pas. J'ai à plusieurs reprises entrepris de couper court pour finalement me retrouver bloquer devant une rivière, une falaise ou même une base militaire.
 

J'ai rejoint de nouveau ma bien aimée Gana's guesthouse comme si je revenais à la maison, et j'ai pu ainsi mesurer la différence entre l'état d'esprit timoré du début de mon séjour et l'esprit conquérant et confiant qui a caractérisé mon retour, regonflé à bloc de motivation et d'espoir pour la suite de mes baroudes. La Mongolie m'a incontestablement permis de devenir un voyageur plus aguerri et m'a fait engrangé une estimable expérience qui me permettra d'affronter les futures obstacles de la route d'une manière plus sereine. 
 

Je quitte un pays dur, singulier, vide parfois, mais qui m'aura donné bien des choses. Tous ces sourires, toutes ces larmes - de joie comme de fatigue - , ces nombreuses amitiés - durables ou fugaces - sont autant de magnifiques sensations que j'ai bien du mal à décrire en quelques mots. Au final, la Mongolie aura été une expérience intérieure sublimée par ses déboires extérieurs.
 

Je voulais traverser le désert du Gobi en vélo. J'ai finalement opté pour la voie ferrée. J'ai surtout profité de mon temps à Oulan-Bator pour récupérer de ce périple harassant. Il faut parfois savoir ménager sa monture. La capitale contraste nettement avec le reste du pays. Ici, c'est douche chaude, toilettes à l'occidentale, bars, restaurants, consommation facile et un style de vie nettement plus commode. C'est une ville qui compte 1 million d'habitants (le tiers de la population mongole) et un petit centre « moderne » qui procure parfois l'occasion de recroiser des visages connus. Je contemple donc paisiblement les courbes arides du sud du pays depuis la baie vitrée de ma cabine, ce qui n'est pas non plus la pire des situations. J'aime le train, et emprunter le dernier tronçon du mythique transmongolien représente aussi une belle expérience de voyage. Avec la Chine en ligne de mire ...

 



et un petit bonus ;)

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Kharkorin J150 Mongolie

Où sont les arbres ?

(avec leurs branches et plein de charme)

Ecrit le 17 aout 2016 à Kharkorin – km 5400

J'exagère un peu, il y en a parfois, des arbres, en Mongolie. Mais la plupart du temps, le panorama  tend plus à ressembler à un désert vert, avec ses oasis, ses reliefs accidentés, ses rivières, ses magnifiques lacs. Je ne suis pas en manque de jolis paysages. La Mongolie, c'est aussi le royaume des mouches. Elles y prolifèrent et s'y sentent bien. Dès qu'il y a un peu de soleil et pas trop de vent, elles s'enchantent de ma présence et ne manquent pas de me rendre une petite visite. 

 

Une fois affranchi des chocs culturel et intestinal, je peux enfin profiter de la route. Ou plutôt de la piste. C'est en l'empruntant que j'ai réellement lancé mon aventure. A vrai dire, voyager en Mongolie en restant sur la route asphaltée, ce serait un peu comme essayer de découvrir la France en empruntant l'autoroute. De spectateur, je redeviens acteur de mon voyage.

 

Aux contraintes déjà évoquées dans l'article précédent, on peut rajouter celles liées à la piste en elle-même. Au menu du jour, gadoue, sable, gravier, cailloux, ondulations (*), bosses, passages à guets, le tout servi séparément ou bien simultanément. Il y en a pour tous les goûts, et en général c'est le dos qui déguste en premier. 

 

(*) Ondulations : cela doit être provoqué par le passage à répétition des voitures sur la piste. Il s'y forme parfois des petits agglomérats de sable ou terre meuble qui s'apparenteraient à de multiples dos d'âne disposés les uns après les autres. C'est vraiment compliqué d'avancer sur ce genre de difficultés, à la limite de l'infernal.

 

Dans de telles conditions, les plaisirs les plus simples sont les plus savoureux : observer un aigle voler en rase-motte, surprendre une marmotte se cacher dans son terrier, se réveiller au beau matin au milieu des chevaux, scruter la formation d'un orage à l'horizon, profiter du spectacle qu'offrent les cavaliers rassemblant leur troupeau, saluer les passants, se faire inviter à boire le thé par les nomades … 

 

… Car l'aventure est aussi humaine. Sur cette partie du chemin que l'on pourrait qualifier de « hors des sentiers battus », je n'ai pas manqué d'invitation, la curiosité et l'hospitalité des mongols n'étant pas en reste. J'ai pu ainsi goûter à quelques spécialités locales : thé au beurre de yak, lait de jument fermenté, riz au lait de vache, boyaux de moutons fraîchement préparés, petit gâteaux durs au goût de fromage et autres delicatessen made in yourte. Mon estomac commence à devenir blindé.

 

Je savoure aussi tous les merveilleux bivouacs que cette nature sauvage peut m'offrir. Je n'ai que l'embarras du choix, et quasiment chaque soir, je plante ma tente dans un décor idyllique. Avec pour préoccupation première de me protéger du vent et d'éviter d'éventuelles zones inondables. Je ne suis pas près d'oublier cette portion de mon périple. Je me suis parfois approché de mes limites physiques et mentales. Mais toujours avec une récompense au bout, une petite douceur qui me fait tout relativiser en un instant. Dure et fascinante Mongolie.

 

Depuis Khatgal, je suis redescendu sur Moron où je me suis reposé quelques jours à la guesthouse de la sympathique Baigal. J'y ai recroisé Tom et Olivia, cyclocampeurs eux aussi (www.abeecyclette.com), et de Petri, finlandais voyageant à moto rencontré à Oulan Bator. Puis j'ai débuté la piste à partir de l'oasis d'Ikh-Uul, et traversé la steppe en passant par les villages de Rashaant, Hairhan et Olzit. J'ai ensuite fait une petite halte sur le lac d'Olgi, paradis des oiseaux migrateurs, pour enfin atteindre Kharkorin, ancienne capitale mongole, où je me repose actuellement. J'y ai retrouvé Max et Youna, deux des amis rencontrés à la Gana's guesthouse de Oulan Bator. Eux voyagent à cheval. Et fait la connaissance de 3 autres cyclocampeurs, les « Voyageurs Vagabonds ». La moto et le cheval restent les deux meilleurs moyens de déplacement pour découvrir la Mongolie. Cependant je ne suis pas mécontent d'avoir décidé d'effectuer ce périple à vélo. C'est une expérience unique.

 

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Khatgal J135 Mongolie

La reprise du cyclocampeur

Ecrit le 2 aout 2016 à Khatgal (Mongolie) km 4800

Après un long mois sans pédaler, la reprise s'annonçait poussive … Après ces 15 jours à Séoul/Chuncheon puis ces 15 jours à Oulan Bator, où j'ai passé le plus clair de mon temps à organiser, réparer, prévoir, me renseigner, échafauder des plans, j'étais un peu sorti de mon voyage.

A Oulan Bator, j'avais aussi créé un cercle amical, dans l'intimiste Gana's GuestHouse, une auberge ayant pour particularité de proposer des yourtes en dortoirs plantées directement sur le toit d'un bâtiment. Un lieu de passage et de préparation pour de nombreux voyageurs en quête d'aventure. Je m'y suis laissé bercé par la facilité de la vie et la chaleur des relations. Le défi de reprendre la route était donc aussi de m'extirper de ce petit cocon rassurant, pour me frotter de nouveau au piquant de l'aventure.

 

Après 1 semaine de nouveau sur le chemin, je suis toujours à la recherche de ma condition physique et de mon rythme de croisière. Il faut dire, les conditions de pédalage sont assez difficiles et parsemées de quelques embûches. Tout d'abord, j'ai contracté l'inévitable tourista et ses sympathiques convulsions intestinales. Aussi, la météo est capricieuse et imprévisible : pluie soudaine, vent, grêle, orages, soleil de plomb. Je dois lutter en permanence contre les éléments. Les longues distances sont aussi un facteur épuisant pour le moral : c'est souvent 50-70 km minimum entre deux petits hameaux, avec une étrange sensation de vide entre les deux. La terre y est le plus souvent pelée de ses arbres, et pour trouver de l'ombre, c'est parfois compliqué. Enfin, la présence inopportune d'insectes divers et variés, dont mes amis les moustiques, et celle tout aussi indésirable d'humains sur-alcoolisés et irrespectueux. Bref, en Mongolie, il y a toujours un élément contre lequel je dois combattre, les répits sont rares.

 

Mais ce pays apporte aussi bien sûr son lot de joyeuseté. Le sourire des locaux en est la première. C'est toujours mon carburant pour avancer et éviter les pannes de moral. Je me fais régulièrement encourager par nomades et touristes locaux, et lorsque je m'arrête, j'ai souvent le loisir de papoter - dans la limite de mes capacités linguistiques et de celles de mes interlocuteurs. Les Mongols sont assez curieux, pour mon plus grand plaisir. Par ailleurs, la notion d'espace privé devient un concept quelque peu abstrait.

 

L'autre motivation, c'est la beauté des paysages. Et notamment de ce ciel hors du commun. J'ai tout le temps de l'observer se mouvoir lentement, de le décrypter pour prévoir la météo, de l'admirer dans sa tenue étoilée la nuit venue, d'admirer ses nombreuses nuances de couleurs, ses infinies formes de nuages. Il devient le moteur de mes humeurs, le mojo de mes photos. Il est à la fois mon meilleur allié et mon pire ennemi … Il s'impose de lui-même et c'est tout naturellement qu'il s'approprie une conséquente partie de l'espace de mes pensées et de mes clichés. 

 

Finalement, je réapprends tout doucement à me laisser porter par les événements. Comme cette fois où j'ai accepté de me faire transporter en camionnette pour finalement le soir venu planter ma tente à côté de la yourte de mes convoyeurs. J'ai pu ainsi rentrer dans l'intimité d'une famille de ses éleveurs nomades et comprendre un peu mieux leur (dur) mode de vie. 

 

Depuis Oulan Bator, j'ai pris le 26 juillet un train couchette jusqu'à Erdenet. Et puis j'ai roulé sur une belle route asphaltée (incluant un lift en camion sur plus d'une cent-cinquantaine de kilomètres) en passant par Bulgan, Hutag  Ondor, Moron et enfin Khatgal, où je prends actuellement une pause au bord du lac, un endroit paisible où j'espère enfin récupérer de mes problèmes intestinaux. Cette reprise a été rude, mais stimulante. Je me prépare à aller plus au sud, en passant par la piste. Je n'exclue pas de me faire de nouveau trimballer en camion si l'occasion se présente : les distances sont tellement énormes, je n'aurai de toutes façons pas la possibilité d'effectuer la totalité du trajet prévu par la seule traction de mes cuisses. 

 

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Seoul J120 Corée du Sud

La (non)dynamique du cyclocampeur

Publié le 21 Jul 2016
Catégorie Corée du Sud
Ecrit à Oulan-Bator le 19 juillet 2016

Me voilà à Oulan Bator depuis le 14 juillet, où je suis arrivé en pleine semaine de congés annuels. Ce qui m'a valu la surprise de constater la fermeture des consulats et service d'immigration jusqu'au 18 juillet. C'est donc avec ce petit contre-temps que je peux commencer mon marathon administratif, pour obtenir tout d'abord une prolongation de mon visa mongol jusqu'à la mi-septembre (c'est aujourd'hui fait), et l'obtention du St Graal : le visa chinois. Si tout se passe bien, je pourrais reprendre la route d'ici mardi prochain, le 25 juillet. J'essaye donc de profiter des joies de la capitale mongole, assez sympathique au demeurant quoiqu'un peu chaotique, et de l'ambiance « yourte urbaine » de mon auberge. Je m'y attarderai dans mon prochain article. Pour le moment, je voulais surtout revenir sur la seconde partie de mon expérience coréenne. 
 
C'est que j'y ai pris une vraie leçon d'hospitalité. Je n'avais jamais rien vu de tel auparavant. Que cela soit de la part de mon amie de 12 ans Joy, chez qui j'ai créché une bonne dizaine de jours à Chuncheon, ou mon merveilleux hôte warmshower Jin, qui m'a guidé et choyé pendant une bonne semaine à Seoul, ou bien encore Jeongmi et les autres rencontres de la route, chacun a voulu me montrer le meilleur de sa culture, de sa ville, le tout avec une dévotion et un enthousiasme sans borne. Cela s'est principalement traduit par de nombreux et copieux gueuletons, pour achever de me convaincre de l'excellence de la cuisine locale. Je me suis bien remplumé au passage.
 
Après 3 heureux mois de pédalage au Japon et en Corée, j'avais ressenti l'envie de me poser quelques temps. Comme un besoin d'immobilisme mais aussi et surtout une impérieuse nécessité d'établir un quartier général pour organiser la suite de mon voyage. Après avoir pris la décision de voler en Mongolie, il m'a fallu penser et repenser une bonne partie de ma logistique : changer certaines pièces de vélo (pour usure ou pour m'adapter aux chemins plus cabossés), parer à toutes les éventualités et imprévus que peut représenter le transport d'un vélo par avion, la préparation en amont de papelards pour les visas, ou encore « upgrader » mon équipement dans le but de gagner en autonomie … Cela a été un stress constant, dans un pays dans lequel je ne parle pas la langue et ne connaît pas les codes, les endroits où me ravitailler … Joy et Jin m'ont été d'une aide précieuse, sans eux je serai parti en Mongolie complètement à l'arrache. Alors à mes anges-gardiens du mois : merci infiniment ! Et j'espère sincèrement ne plus à avoir à trimballer mon vélo en avion de nouveau avant mon retour.
 

Cela a donc été une période un peu tendue, un peu bizarre, où je n'ai pas été complètement serein. Cependant, j'ai aussi passé de supers moments. Seoul est une ville bouillonnante, dans laquelle je me suis senti très à l'aise. Même si rien n'y est prévu pour le vélo, il y règne une atmosphère de symbiose entre le moderne et le traditionnel. On y trouve des monuments emblématiques, des restos extra, des endroits branchés pour sortir le soir (Hongdae), des petits quartiers tranquilles loin de la cohue du centre Seoul, des parcs verdoyants et surplombant la ville, des marchés animés et des musées bien fournis. J'ai aussi beaucoup apprécié Chuncheon, ville de taille moyenne lotie entre de verdoyantes montagnes. A seulement 1h30 de transport ferroviaire de Seoul, on y trouve la paix et la nature (ce qui lui vaut d'être assez prisée des touristes locaux). 

 

En fait, je crois que le fait de ne plus avancer chaque jour à vélo m'a retiré une bonne partie de la dynamique de mon voyage. J'écoutais l'autre jour le podcast d'une émission radiophonique française (Le temps d'un bivouac sur France Inter) sur le thème du transsibérien, ce mythique train russe qui relie Moscou à Vladivostok en une semaine. Géraldine Dunbar, l'invité baroudeuse y expliquait qu'après avoir pris le lancinant rythme du train dans la peau, lorsque celui-ci s'arrête, une forme d'angoisse se manifeste … Bref, on a qu'une seule envie, c'est qu'il reparte le plus tôt possible. Cette analyse est tout à fait transposable pour le voyage à vélo ! Il me tarde donc de remonter dans le wagon de la vadrouille et de sentir à nouveau le vent et le soleil me chatouiller les oreilles. De voir les paysages défiler lentement devant mes yeux, de m'exposer aux rencontres, de me sentir sortir de ma zone de confort. Chers usagers-lecteurs, prenez garde à la fermeture automatiques des portes !

 

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