J529 Flessingue Hollande (+Belgique)
L'autre pays du vélo
Je suis déjà de retour en France ! Mais avant ça - et après l'Allemagne - j'avais traversé la Hollande et la Belgique. Flashback à Flessingue le 27 aout 2017 - km 16600 (22600 au total)
La Hollande, l'autre pays du vélo. Il se dit que là-bas, les bicyclettes sont plus nombreuses que les humains. Que c'est ici que la petite reine a récolté ses premiers galons européens. Dans les faits, on ne peut nier que tout ici est fait pour faciliter la vie du cycliste : des légions de pistes cyclables, une signalisation routière entièrement dédiée (différente de celle des piétons et voitures), des hectares de parking (dont certains surveillés), sans compter les milliers de magasins et ateliers entièrement dévoués à la cause de nos deux roues fétiches. Je m'y sens enfin compris, encadré, entouré par cette flamboyante communauté qui semble s'être affranchie de l'automobile, devenue pour le coup secondaire, moribonde, voire même inutile.
Le summum et symbole de cette politique ultra favorable au vélo, c'est ce formidable réseau de carte routière publique. A chaque carrefour stratégique se trouve une plan de la région permettant de se repérer et de s'orienter facilement en fonction d'un ingénieux système de numérotation. C'est le confort ultime, même plus besoin de checker le GPS, tout est indiqué, mâché tout cuit dans le bec.
Oui mais voilà, malgré ce côté pratique indéniable, on est bien loin de la poésie des pistes cyclables allemandes, qui avec leur petit nom fantaisiste, donnait une thématique, une idée, une couleur, voire même du sens à la route. Plus généralement, j'ai été déçu par cette sur-organisation du pays, me laissant un arrière goût amer de platitude et d'interdiction.
Un exemple concret : cette nature magnifique mais complètement barricadée, aménagée. C'est comme si elle ne servait à rien au cyclocampeur : y dénicher un bivouac est dans les faits assez compliqué. Cependant, vu le tarif prohibitif pratiqué sans vergogne par certains campings (on m'a parfois annoncé des prix dépassant les 25 euros la nuit !), je n'ai pas eu vraiment le choix, j'ai du redoubler d'effort et de recherche pour me trouver un spot convenable pour passer la nuit. Le hollandais ayant la réputation d'avoir la délation facile, cela a rajouté un petit côté "évadé du goulag" à mon voyage, ainsi qu'une satisfaction supplémentaire de planter ma tente, habilement planquée derrière les fagots. Depuis qu'elle ne peut plus interpeller les dangereux criminels fumeurs de haschich, la police locale s'occupe comme elle peut. Faut bien qu'elle se trouve un autre souffre-douleur.
Je suis arrivé dans le royaume de la brique rouge. Elle est ici omniprésente, tous les bâtiments en sont garnis : maisons, églises, mairies, immeubles, et même les routes en agglomération ! J'ai l'impression que rien ne dépasse, que rien n'est laissé au hasard. Tout ici est propreté et organisation.
Dans ce contexte de monotonie et planification à l'extrême, je me focalise et me réjouis des petits détails dont sont friands les néerlandais. Cette exquise délicatesse se traduit entre autre dans le soin royal qu'ils apportent à la décoration de la baie vitrée de leur maisonnette. C'est comme si il y avait un concours de celui qui aura la plus belle, la plus originale (voire même la plus kitsch).
Je me fais aussi plein d'amis parmi les animaux de la ferme. Vaches, moutons, chevaux, mes nouveaux potos de route ne manquent jamais de me saluer gaiement via un enthousiaste mugissement, un chaleureux bêlement ou bien un crottin bien placé.
Je salue aussi de loin mes autres amis ailés qui volent en formation pour gagner des contrées plus ensoleillées. L'été passe si vite, et je n'ai pas même l'impression d'être encore sorti du printemps ! J'aurai finalement eu ma semaine de beau temps, bien vite balayée par une nouvelle vague de pluie et de vent (de face, évidemment) qui a accompagné mon entrée en Belgique. Winter is coming.
Depuis l'Allemagne, j'ai rejoint la partie nord-est de la Hollande, par Groningen puis Leuwarden, capitale du Friedsland. C'est une région possédant une identité forte et sa propre langue, à l'instar de la Bretagne. J'ai eu la chance d'avoir été reçu par des hôtes warmshower comme Jan (de Sint Jacobiparochie) qui m'ont bien expliqué les particularités historiques de la région. Sans ça, j'aurai eu l'impression de traverser une immensité plate et venteuse, de couleur verte, grise et bleue. Rembrandt s'est notamment marié à une fille du coin. Je me demande même s'il n'est pas resté là-bas un peu trop longtemps, vu le faible nombre de peintures de paysage à son actif ... Il aurait eu en effet bien du mal à y trouver l'inspiration.
J'ai ensuite traversé une longue digue de plus de 30 kilomètres (l'Afsluitdijk). Elle sépare littéralement l'océan de l'artificielle mer intérieure IJsselmer, protégeant ainsi les polders reculés des aléas des marées. Elle représente à elle seule tout le savoir faire des hollandais pour la gestion et maîtrise des terres inondables, faisant de leurs ingénieurs des spécialistes prisés à l'international. Pour sûr, ils auront un rôle à jouer pour éviter le pire dans la catastrophe annoncée de l'élévation du niveau de la mer.
Après ça, j'ai rejoint la côte ouest de la mer du Nord. Ce fut une belle découverte, une magnifique et singulière piste cyclable (tracé de l'Eurovelo 12) traversant les dunes de l'intérieur, m'offrant le spectacle d'une nature préservée et d'apparence sauvage. J'y ai vu vaches musqués, cerfs et plein d'oiseaux. J'aurai aussi traversé Zandvort, que j'avais déjà atteint lors de mon premier voyage à vélo en août 2014, celui-là même qui a été la base de ce grand voyage en Europe et Asie. Ce fut un beau clin d’œil de revenir ici, presque un pèlerinage.
Pour finir en beauté les Pays-bas, j'ai trouvé à Flessingue, tout au sud de la belle région du Zeeland, un warmshower de légende chez Froukje et Paul. J'ai passé 3 nuits dans une fantastique auberge espagnole, une maison du bonheur ouverte à tous les cyclistes de passage. J'y ai connu entre autre Cadu, cyclocampeur brésilien que j'avais raté de peu en Thailande (et qui connait Nico et Gokben, mes hôtes de Chengdu : quel petit monde est celui des cyclocampeurs !). Nous avons voyagé ensemble jusqu'à Bruges, en Belgique, au cours d'une journée extrêmement pluvieuse. C'est un plaisir renouvelé de visiter pour la troisième fois la flamboyante Venise du Nord.
La Belgique a été une excellente transition de 3 nuits entre la France et la Hollande. Plus je m'y enfonçais, plus je retrouvais quelques caractéristiques de mon beau pays : le retour des calvaires et des petites boulangeries, mais aussi le retour d'un certain laisser-aller, voire même d'un joyeux bordel. A Roeselae, je retrouvais Maëlys, une amie française de Barcelone qui elle aussi a commencé un périple à vélo il y a quelques mois. De chouettes retrouvailles fêtées dignement à la friterie du coin. Le lendemain je rejoignais la frontière française, en passant par Ypres : ce fut une petite surprise de trouver sur mon chemin de tels joyaux de vieille ville et de cathédrale.
Je tiens aussi à remercier Marielle et Martjin de Groningue, Geart et Ydrina de Leuwarden ainsi qu'Aaron et Annemieke de La Haye qui ont été de parfaits hôtes, avec qui j'ai passé d'agréables moments de partage, tous aussi différents qu'intéressants. Je dois avouer que je commence à peaufiner sérieusement mon art de la crêpe, que je prépare assez souvent à mes hôtes s'ils m'invitent à rester plus d'une nuit.
Grande nouvelle : j'en rêvais depuis le Japon et depuis que j'en avais goûté le confort auprès de mes compères suisses de hop-hop-hop. Et j'ai finalement cédé à la tentation des soldes dans l'un des innombrables temples de l'équipement outdoor qui jonchent le pays, à la Haye. L'achat de cette chaise ultra-légère me fait franchir un cap dans la hiérarchie des campeurs : de misérable baroudeur qui parfois mangeait à même le trottoir je me vois dorénavant propulser au rang d'honnête voyageur civilisé, voire même (allez, soyons fou) de baron du bivouac. S’asseoir, un plaisir simple qui change la vie et économise les lombaires. Plaisir qui rentre aussi pile poil dans l'une de mes sacoches arrières.
Léna Tisseau
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