Radolfzell J28 km1379 Allemagne

Ma vie est un road-movie

Écrit le 28 juillet 2015 à Radolfzell (Allemagne) – km 1379

*** 1er bilan intermédiaire ***

Crevaison : 1
Nb de nuits en bivouac : 6 
Nb de nuits Warmshower : 14
Nb de nuits en camping : 5
Nb de nuits invité chez l'habitant : 2 
Nb de bouquins lus : le premier est en cours (même pas le temps de lire ma pauv' dame)
Nb de piqûres d'insectes : je ne compte même plus
Nb de belles rencontres : je ne compte plus non plus, mais c'est nettement préférable aux piqûres de moustiques.


J'ai toujours affectionné le style du road-movie américain, Thelma et Louise, Paris-Texas, etc ... Il y a dans ces films une expression du désir d'avancer, sans se retourner, vers une aventure certaine et ses rebondissements rocambolesques. L'anti-application totale de l'expression "On sait ce que l'on perd, mais on ne sait pas ce que l'on gagne".

Et bien, ce que je vis, en ce moment, est très proche de ce que l'on peut trouver dans ces histoires filmées de voyageurs sur roues : chaque lever de soleil est pour moi l'occasion de vivre une nouvelle aventure, avec ses incertitudes, son lot de rencontres improbables, de micro-décisions à prendre qui affecteront la suite des événements.

En cela, j'essaye de rester le plus ouvert possible, de suivre mon instinct, pour rester à la disposition de mon voyage. Je maximise mes chances de vivre l'inattendu. Et je mesure maintenant l'importance de mon choix de voyager sans contrainte de temps ni d'objectif kilométrique journalier. Je fonce ou temporise, peu importe, je vis l'instant présent.
 
La Véloroute

Depuis mon dernier article, j'ai considérablement réduit le rythme. Mon corps me le réclamait. J'ai diminué la distance journalière à parcourir, et multiplié les journées de "repos" chez mes hôtes du moment.

L'Est de la France et la frontière suisso-allemande sont nettement plus urbanisés que les bords de la Loire, et il est plus aisé de trouver des « Warmshowers » qui acceptent de m'héberger pour une ou deux nuits. Je partage leurs actualités : à Mulhouse, j'ai participé avec Dominique le cyclactiviste à une "Vélorution" (que j'ai même filmée pour le compte de son association) et connu le groupe Alternatiba, qui promotionne la transition énergétique sur leurs tandems à 4 places.

A Bâle, j'ai pu aller nager dans le Rhin avec mon "sac-poisson", grâce aux explications de Nathalie et Bertrand le jeune maraîcher. Laurent et Katia de Montbéliard m'ont enchanté de leur bonne humeur, et prouvé qu'une famille à vélo, c'est tout à fait possible (et même recommandé).

En Suisse à Eiken, j'ai aussi découvert le monde de la talentueuse artiste-peintre suisso-canadienne Chantelle, une superbe rencontre (lien vers son site web). Enfin, sur les bords du lac de Constance à Radolfzell, j'ai croisé le chemin de la généreuse Sidy, brésilienne expatriée depuis 20 ans en Allemagne. Je fais donc moins de kilomètres mais beaucoup plus de rencontres ! Cependant, j'ai des fourmis dans les jambes, et je pense bientôt reprendre un rythme bien plus soutenu.

Le Danube est proche, la Bavière m'attend. Et tout le reste, aussi.
 
Chantelle de Eiken

Au niveau des paysages, je suis passé par de l'un peu plus urbanisé, entrecoupé de passages nature très appréciables. La vallée du Rhin, sur la frontière franco-suisse, est un exemple concret de bonne planification et répartition entre l'industriel, l'urbain et la protection de la faune et flore locale.

Mais le must, ce sont les petits villages fluviaux restaurés de l'époque médiévale, que c'est bôôôôô. On traverse des ponts de bois, des entrées fortifiées, admire des balcons et statues d'époque. Un charme indéniable :)
 
Lac de Constance

Pour revenir une dernière fois sur mon passage français, cela m'a donc permis de mesurer la beauté et la diversité des paysages, mais aussi de l'importance pour l'échange verbal d'un mode d'expression commun.

Je le mesure depuis mon passage en Suisse, la barrière de la langue ne me permet pas de comprendre ce que me disent spontanément les gens dans la rue. Parfois, même, je ne comprends pas d'emblée si c'est plutôt négatif ou positif. L'allemand redéfinit les nuances de la langue, je vais devoir m'y adapter.
Et désoxyder mon poussiéreux anglais avec cette bonne vieille "french touch" nouvellement saupoudré de globish indien passe-partout.

Il y a toutefois quelques menues situations tendues, en raison de l'amour de certains suisses pour les règles implicites : c'est la première fois pendant mon voyage que mon vélo a semblé déranger quelques uns, qui ne sont pas privées de me le faire savoir, avec (ou sans) sourire. J'imagine que cela sera de plus en plus le cas, car je vais emprunter sur les bords du Danube une partie de la véloroute très fréquentée par les cyclotouristes en été. Et qui dit tourisme abondant dit local pas forcément baisant.

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L'Isle sur le Doubs J16 km967 Doubs

Le cyclocampeur

- Le 16 juillet au camping de L'Isle sur Doubs, au kilomètre 967 -

Je profite de mon premier jour de repos, aujourd'hui 16 juillet, pour éviter la première journée de cette nouvelle vague de canicule, et pour récupérer un peu de la fatigue accumulée des presque 1000 kilomètres avalés en un peu plus de deux semaines. 

J'ai vu des paysages spectaculaires (le Bec d'Allier, la Bourgogne et tout dernièrement le Doubs, aux portes de la Suisse), rencontré mon lot de personnes formidables. J'ai aussi découvert des villes charmantes, qui m'ont donné l'envie d'y retourner un jour comme Dôle ou Besançon, pour des raisons différentes.
La « véloroute » est relativement plate. L'itinéraire suit principalement les canaux des fleuves et rivières (de Nantes à la Mer Noire), sur un faux plat presque indétectable, mais donne aussi au cycliste quelques belles montées bien corsées (itinéraire bis) : c'est l'occasion de connaître l'arrière-pays, de briser la monotonie du canal, de scruter les plus belles vues et de traverser les villages.
Le plus intéressant, donc, mais aussi le plus épuisant.

La campagne bourguignonne
L'exaltation initiale se mue en rêverie.
Le cyclocampeur est un observateur éclair de la vie. Mes actualités d'hier, celles d'avant mon voyage, sont remplacées peu à peu par mes préoccupations du jour : où vais-je dormir ? Que vais-je manger ? Quel sera le lieu idoine pour s'arrêter ? Les pensées sont vagabondes, la concentration constante.
Je suis rêveur et déterminé.

Basilique de Paray le Monial
Je pense aussi ralentir mon rythme. Qui veut aller loin ménage sa monture. Et puis, au sortir de mon pays, je souhaite m'imprégner de celui que je traverse.
Pour cela, pas de secret, il faut temporiser. Ce n'est pas que j'ai spécialement envie de quitter la France, mais je crois que partir dans les starting blocks a été ma façon d'évacuer l'excitation du départ. Donc l'avenir passera par moins de kilomètres journaliers (de 70-80 à 50-60 par exemple) ou alors plus de journées de repos.

La charolaise
Je dois toutefois avouer que cette traversée de la France est une grande découverte. Tous les 100-150 bornes, l'architecture et les paysages changent. On peut aussi dégager des traits dominants du caractère des gens par région. Avec tout le biais qu'implique l'observation à vélo.
La France est un pays riche de son patrimoine, de sa culture, par sûr que je trouve autant de diversité ailleurs. C'est une parfaite mise en bouche pour la suite, et un excellent entraînement au pédalage sans perte de repères. Pour le dépaysement, j'attends avec impatience la traversée des Balkans.
Autant que je la redoute : les montagnes qui se dresseront sur mon passage, c'est un sacré challenge. Insurmontable ? Je ferai en fonction de mon état de forme du moment … Let's see !

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Beffes J7 km395 Cher

La dette grecque

Jour 7 à Beffes (18) – km 395 (en réalité je suis arrivé à Bourbon-Lancy et au jour 10 -un peu plus de 500 km - mais il y aura toujours un petit décalage entre le moment ou j'écris l'article et le publie, le temps de trouver une bonne connexion wifi)

La dette grecque : c'est le premier sujet qui vient à la bouche de mes interlocuteurs de passage lorsque j'évoque la destination finale de mon voyage. Alors, forcément, ça politise un peu le parcours, et je pense me faire une idée bien précise sur la question d'ici Athènes ...
Quelque part, cela donne un fil conducteur à mon voyage, et je peux remercier indirectement Goldman & Sachs et JP Morgan de m'avoir donné ce sujet de conversation brise-glace. 
 
Le prologue de ce road trip tient toutes ses promesses, et s'avère même bien plus passionnant et intense que je ne l'avais imaginé depuis mon antre normande.  Il ne m'arrive que de belles choses : chaque jour je fais des rencontres improbables, je déniche des endroits idylliques pour établir mes bivouacs, mes hôtes Warmshower (sorte de couchsurfing pour les cyclistes) sont des gens charmants et enrichissants.
Bref, que du bon, mis à part la chaleur infernale qui m'oblige à modérer mes ardeurs. Je suis exalté, chaque micro-évenement me donne l'occasion de m'extasier. C'est peut-être un état de grâce propre au voyageur solitaire. 
 
La Beauce
Les paysages sont variés, la Vallée de l'Eure fut une bonne mise en bouche, la traversée des interminables plaines de la Beauce sous le cagnard une épreuve. Me retrouver au bord de la Loire, c'est le début de l'aventure. Ce fleuve sauvage est bordé de petites villes médiévales (Gien, La Chapelle-Montlinard), d'îles repères à oiseaux, de villages pittoresques (Ousseau ...) et de gens qui prennent le temps, au rythme de l'eau.
 
Gien
Les moments-forts (non exhaustif) :
- Mon premier arrêt au troquet « l-dos-à-dos » de Fermaincourt, cela a donné le ton du voyage
- Mon premier bivouac au petit Chérisy, au bord de l'Eure, suivi de l'invitation de Jean-Luc artistre-peintre
- La visite de Gien en pleine fête médiévale
- Mon second bivouac au bord de la Loire, éclairé par Nicolas le Berger
- Mon dernier bivouac sur les coteaux du vignole de Sancerre (la classe)
- Avoir participer à une ouverture sur l'écluse de Pezeau (merci Rodolphe l'éclusier)
- Mes deux nuits chez mes warmshowers : Lena, grande aventurière qui m'inspirera pour le reste de mon voyage puis Muriel et Greg, cyclocampeurs en famille enthousiastes et communicatifs.
- Me faire pote avec Alfred le corbeau à la ferme des Barreaux

Je n'ai rien préparé de concret niveau itinéraire, et c'est justement ce qui me permet de vivre des moments pareils, sans arrière-pensée, sans être pressé.
Et je peux peut-être prétendre à la fin, atteindre ce que je recherchais, en entreprenant ce voyage : expérimenter la pure liberté.

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