Ksamil J150 Albanie
L'attente du cyclocampeur
Ces derniers jours, j'ai pris deux décisions importantes pour la suite de mon voyage. Tout d'abord, de rentrer en France pour les fêtes de fin d'année. Ensuite, de reprendre la route à l'éclosion des premiers bourgeons. Il me reste donc un hiver à remplir, ce qui me donnera le temps de réfléchir aux prochaines cibles accessibles pour ma fléchette à deux roues. Une seule certitude, le point de nouveau départ sera l'arrivée finale du périple actuel: Athènes. J'ai en effet la possibilité d'y faire hiberner mon vélo chez une amie (Merci Véronique !). Quelque part, ce sera comme si je ne stoppais pas le voyage en cours, comme si je n'effectuais qu'une simple pause. Cette idée me plaît car je n'ai pas envie de m'arrêter en si bon chemin. J'évite ainsi le rude hiver qui se prépare et recharge sereinement mes batteries auprès des miens.
Car c'est vrai, l'hiver européen n'est pas vraiment la meilleure des saisons pour le cyclotouriste. Voguer toujours un peu plus vers le sud permet de retarder l'échéance de la rudesse des conditions météorologiques sans pour autant l'éviter éternellement. Nous sommes actuellement coincés dans le sud de l'Albanie depuis plusieurs jours (Himare, Sarande, Ksamil), attendant la fin des giboulées et autres orages pour pédaler de nouveau au sec. Le ciel est changeant, imprévisible, et seul s'armer de patience nous permettra d'économiser ces précieuses réserves de force mentale. Rouler mouiller, c'est une des principales craintes du cyclocampeur.
C'est par contre un temps propice à la réflexion et pour prendre soin de son corps, reposer son esprit. Au menu des occupations quotidiennes nous comptons sur les jeux de cartes, l'épluchage des films de mon disque dur (lorsqu'il n'y a pas de coupure d'électricité), la mise à jour des lectures en cours et quelques conversations métaphysiques. C'est aussi dans ce genre de situation que la notion de groupe prend tout son sens.
Les derniers 800 kilomètres qui me séparent d'ici à Athènes risquent donc d'être parcouru à un rythme un peu plus soutenu que prévu. Je ne me mets pourtant aucune pression. Ce qui compte avant tout : profiter de ce que la route m'offre comme j'ai tenté de le faire jusqu'à présent. Il y a quelques temps le fait de penser à une éventuelle fin de parcours m'aurait rendu triste et anxieux, mais la douce projection de retrouver famille et amis suffit à mon bonheur et me permet d'aborder ce dernier tronçon de route en toute quiétude, avec le sentiment d'avoir déjà vécu une aventure extraordinaire.
Depuis Tirana, nous avons traversé la morne plaine de la côte adriatique. Les paysages ne furent pas franchement hospitaliers. Il s'y prépare manifestement pour la prochaine décade une gigantesque invasion de touristes : les bâtiments en cours de construction pullulent, sans vraiment savoir si on aura un jour le privilège de pendre leur crémaillère. Pour renouer enfin avec la splendeur de la nature, nous avons du franchir un rude col à plus de 1000 mètres d'altitude (le mont Cka), avec son lot de pentes raides et de transpiration inhérente. Aussi, j'ai eu la possibilité de découvrir le site archéologique de Butrint, inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco. Il témoigne de l'activité débordante de la région depuis l'Antiquité jusqu'au Moyen-Age, et rassemble en son seing de nombreux vestiges d'époques variées, cette petite presque-île ayant été dominée successivement par les grands empires grecs et romains (avec même un bref épisode de colonisation normande). L'Albanie est définitivement un pays différent, riche de par la chaleur de ses habitants et de par son histoire, et qui propose un réel dépaysement à celui qui saura apercevoir la beauté sous ce vernis de misère. J'aimerai y retourner un jour.
De la Grèce, je garde un souvenir impérissable des colonies de vacances où j'avais fêté mes 14 ans. Un séjour itinérant à découvrir les féeriques Cyclades : Amorgos, Santorin, la Crête … Plus j'y repense et plus j'ai l'intime conviction que c'est lors de cette première expérience encadrée de Liberté que j'ai été piqué la première fois par la mouche du voyage. En revenant ainsi sur mes traces d'apprenti backpacker, je boucle peut-être mon premier grand cycle de vie de baroude, ouvrant la voie à un nouveau que je souhaite encore plus riche et palpitant !
Je me souviens aussi des villages aux maisons blanches et volets bleus, du sourire des habitants et de l'excellente et saine cuisine des îles. J'imagine qu'après toutes ces années je vais mettre les pieds dans un tout autre pays. La crise étant depuis passée par là, je ne sais pas du tout à quoi m'attendre. Finalement, c'est peut-être mieux comme ça, de me laisser surprendre et d'écrire ce nouveau chapitre de mes aventures à partir d'une page totalement vierge.
Léna Tisseau
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"Que deviens-tu ? Pas beaucoup de voyages je suppose comme nous tous. Apart une courte esca..."
Nicole Leroux
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"Cela fait plaisir de te relire, tu as su partager cette belle expérience, même si tout n..."
Sylvain
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"Merci pour cet escapade dans l'univers de Jo. Cela donne envie d'aller au Vietman, un jour..."