Skradin J116 Croatie

Les décisions du cyclocampeur

Ecrit le 24-10-15 à Skradin (Croatie) – km 1420 (+2700 ancien compteur)

Le cheminement du cyclo-campeur se construit suite à une série de décisions qui le mèneront ici ou ailleurs. Le choix de la route étant vaste, il est parfois des choix qui deviennent cornéliens. L'idéal serait de passer par toutes les routes ... Mais voilà, voyager à vélo, ce n'est pas comme se balader en voiture, chaque option de parcours implique une fine évaluation du coût temporel et en efforts physiques. Un gros détour pour visiter un endroit fort recommandable est tout à fait possible donc, mais il faudra étudier au préalable les pours et les contres en un laps de temps relativement court. Finalement, l'épopée cycliste devient une métaphore de la vie : il faudra faire le « deuil » de certaines routes et savoir accepter avec plaisir et ouverture ce que nous offre la voie que l'on emprunte. Pour sauvegarder ce pouvoir d'émerveillement, non entaché d'amertume et de regret. Le vélo enseigne l'humilité. 
 
Et puis il y a les rencontres. Warmshower reste toujours le moyen privilégié de les provoquer. Malheureusement, il semble encore être peu développé dans les pays des Balkans. J'ai toute de même fait la sympathique rencontre de Bertie, joueur de poker anglais qui vient passer quelques semaines par an dans sa résidence secondaire sur les bords de la côte sud d'Istrie. Une vue magique, un lieu splendide, et une chouette soirée à parler de tout et de rien. Non loin de là, à Moscenice, une paisible petite bourgade perdue dans les collines, j'ai été superbement accueilli par la Famille Kumicic. Olivier est originaire du coin, mais a grandi en France. Et Loetitia est originaire de Bueil, village se situant à quelques kilomètres de chez moi en Normandie ! Nous avons été mis en relation par l'intermédiaire de nos parents respectifs. Une très belle rencontre, qui m'a donné une porte d'entrée sur la culture du pays …
 
… Qui cependant n'a pas encore porté ses fruits. J'ai beaucoup de mal à établir le contact avec les locaux. Si je devais utiliser un seul mot pour les caractériser (en toute subjectivité), j'emploierais l'adjectif « placide ». Là où auparavant ma monture provoquait la curiosité et me servait de brise-glace, les croates y restent au contraire assez indifférents. Ne pas être au centre de toutes les attentions peut comporter certains avantages, mais sûrement pas celui de tisser du lien. Parfois je me dis, un extra-terrestre pourrait traverser la Croatie sur une brouette, cela ne les émouvrait pas plus que ça. A moi de redoubler les efforts, donc. Je n'ai pas dit mon dernier mot. Et puis la route me tient fort bien compagnie, elle devient à défaut de mieux une rencontre en soi-même.
 
De toutes façons, je ne suis jamais seul. Après la pluie, c'est le vent qui est venu m'accompagner quelques jours dans mes pérégrinations. La Bora (prononcez « BBourra ») se manifeste par rafales allant du continent vers la mer, pouvant allégrement atteindre les 50 km/h (correction du 29 octobre : on m'annonce des vents jusqu'à 200 voire 270 km/h, heureusement je n'ai pas eu à tester cet extrême !). J'en suis resté tellement soufflé qu'une fois je me suis retrouvé à terre avant même d'avoir pu poser le pied sur la pédale. Après l'Istrie, j'ai fait le choix de la montagne et d'aller découvrir la vallée de la rivière Lika, une région qui a été au centre du conflit balkanique des années 90. La région porte encore de nombreux stigmates visuels de cette période, en témoigne les nombreuses maisons abandonnées criblées d'impacts de balle et les vastes parcelles de terrains pas encore déminées. Avec les bourrasques, il y régnait comme une ambiance de fin de monde …
 
En se rapprochant de la côte, je peux enfin profiter de températures plus estivales. J'ai été aujourd'hui pendant mon jour de repos aller visiter les chutes d'eau du parc naturel Krka (prononcez comme vous voulez) : cela a été ma merveille de la semaine. Et puis j’écris ses lignes depuis une reposante plage d'eau douce. Le repos du guerrier. Je n'ai pas encore rejoint la côte, je fais un peu durer un peu le plaisir en prolongeant ma visite dans l'arrière-pays.
 

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Rovinj J106 Croatie

La météo du cyclocampeur

Écrit à Rovinj (Croatie) le 14/10/15 - km 940 sur nouveau compteur (+2700 ancien compteur)

Traverser les petits villages d'Istrie se révèle être un épisode fort agréable. En empruntant la Panrenzana, ancienne voie ferrée reconvertie récemment en route cyclable, on commence à Trieste en Italie pour finir à Porec sur la côte adriatique croate, en passant par la Slovénie (Piran) et puis les bucoliques villages des collines d'Istrie (Buje, Grozjnan …). Si en Slovénie on a de la bonne piste asphaltée, en Croatie, c'est un chemin terreux et caillouteux que l'on doit sillonner. Un moment de plaisir tant que le soleil est de la partie, mais qui se transforme en cauchemar lorsque la pluie s'en mêle. Depuis Ljubljana j'ai réussi à rouler entre les gouttes, j'ai même eu des journées de bonheur presque estivales … Mais voilà, depuis deux jours, j'essuie averses sur averses et j'ai du quitté à regret la champêtre Panrenzana pour épargner la gadoue à mes mécaniques, et puis reléguer toutes mes priorités derrière celle de me trouver un toit au sec pour la nuit. Quitter ce chemin cabossé m'a de facto porté sur les plus grands axes, partagés avec certains chauffeurs qui ne semblent pas se soucier des limitations de vitesse. 

 

Car sur la côte istrienne, les petites routes de campagne n'existe pas vraiment. Si l'on veut s'écarter de l'axe principal, on doit forcément goûter de la terre. Comme j'ai hâte que cette pluie en finisse pour à nouveau pouvoir les emprunter ! Ce que m'a montré la Croatie pendant ces trois premiers jours, ce sont des bourgades d'une beauté exquise, malheureusement parasitées par le tourisme de masse. Les bannières publicitaires king size font partie intégrantes du paysage, pour inciter le chaland à dépenser son argent. Je suis heureux de pouvoir parcourir cette région en octobre, c'est à dire en hors-saison. Je ressens toutefois tout ce potentiel « business » par le nombre colossal d'offres de logements saisonniers et de paillotes fermées sur le bord de la route. En fait, c'est surtout dans les terres que j'ai trouvé de la tranquillité et de l'authenticité. 

 

Abandonner le projet de la Bosnie a été une petite déception. D'autant plus que j'ai du aussi laisser de côté la montagne slovène et le parc naturel du Triglav, le froid ayant fait une apparition soudaine. A une semaine près, j'aurai pu découvrir quelques joyaux naturels comme le lac de Bled et la rivière Soca. J'ai parfois l'impression de faire la course avec la météo. Toutefois, la Slovénie a été un coup de cœur de voyage, pour le sourire de ses habitants, pour la poésie de ces paysages. J'aimerai y revenir un jour, pour visiter ce que j'ai manqué, mais cette fois-ci au bon moment de l'année, et voire même  un peu plus léger. Ma déception a tout de même été apaisée par la découverte de ce monument troglodyte exceptionnel, le château de Prejdama, et puis la révélation Piran, merveille de la côte adriatique. Et comment rester de marbre devant Rovinj, le mont St-Michel d'Istrie.

 

Autre ville majeure à mettre à mon actif, Trieste. Et un nouveau pays, accessoirement : l'Italie. J'ai toujours adoré traverser les frontières, même si dans l'espace Shengen cela ne représente plus grand chose. On dénote toujours quelques menus changements qui attisent l'attention et la curiosité. Bizarrement, les abords de frontières sont visuellement souvent assez moches, mais les stimuli de la nouveauté me donnent toujours un sentiment d'exploration et d'initiation. En passant de la Slovénie à l'Italie, puis de l'Italie à la Slovénie, et enfin de la Slovénie à la Croatie, le tout en 3 jours, mes sens ont été en éveil constant.

 

Ce qui m'a le plus marqué lors de mon arrivée en Italie, c'est l'odeur du bon café qui flottait dans l'air. Un peu cliché peut-être. Parfois ce que l'on remarque, c'est ce que l'on s'attend à retrouver … Trieste, cité multiculturelle croato-sloveno-italienne, n'a pas été exactement le genre de ville bike-friendly à laquelle je pouvais m'attendre, après mon arrivée-épopée dans le centre depuis une piste cyclable de toute beauté . C'est une agglomération totalement hostile au vélo, qui n'a ici aucune piste dédiée, aucune place de parking, aucun lieu de subsistance. Je parierai même qu'il y a une réelle volonté de la part de la municipalité de le défavoriser. Du coup je me suis senti un peu seul sur ma monture lorsque j'ai décidé d'arpenter les rues. Une ville atypique, intéressante, mais un peu surannée. Tout le contraire de Ljubljana, ville dynamique qui a su donner la part belle aux deux roues à pédales. Bon, il y a peut-être une explication topographique à tout cela, les collines de l'italienne n'invitant pas forcément au plaisir de rouler à la force du mollet ...

 

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Soteska (juste avant Ljublajana)

Au revoir Autriche, bonjour Slovénie !

Écrit le 05 octobre 2015 à  Soteska (Slovénie) – km 578 nouveau compteur (+2700 ancien compteur)

J'ai mis environ 5 jours à me remettre dans le voyage.
Le déclic, cela a été mon premier hôte warmshower en Slovénie, Anton. Dans sa ferme à 10 km de Maribor, le bestiaire est varié, on y trouve en vrac des lamas, alpagas, baudets, chevaux, chèvres, cochons vietnamiens et chats de campagne. Tous semblent y vivre paisiblement, sous le protecteur amour de leur propriétaire. Moi aussi, j'ai choyé les animaux, tout comme je l'ai été. Partager le quotidien de ce passionné de vélo, moto et de son pays (entre autres), ce fut une bouffée d'air frais, nécessaire et salvatrice.

Anton et ses bêtes
Avant cela, j'ai passé 5 nuits en bivouac, depuis Vienne jusqu'à la frontière slovène. 5 campings sauvages de toute beauté, dans des endroits idylliques, en montagne, en forêt, en bord de rivière. J'ai été coupé du monde pendant tout ce temps, n'adressant la parole que lorsque c'était strictement nécessaire. 


Et puis en Slovénie, tout a changé. Les badauds sont curieux, entament volontiers la discussion et échangent volontiers leur sourire contre le mien.
Alors voilà, me voici enfin de retour sur la route !
Je retrouve peu à peu ma condition physique, même si c'est laborieux. D'autant plus que c'est fini le plat pépère de la route Eurovelo 6. Maintenant, place à la montagne, et à de nombreuses collines.
Il y a un avantage dans tout ça : les paysages sont magnifiques, beaucoup plus variés que ceux de la vallée. Il y a donc une motivation derrière chaque relief. A mon actif un petit pic à plus de 950 m pour se chauffer tranquillement, en Autriche. 


Ce qui change aussi, c'est la météo. Je suis entré à Vienne avec un grand soleil, tout juste en sortie de canicule, et 40 jours plus tard, c'est presque l'hiver qui sonne à la porte. Aussi, il n'y a plus de route vélo balisée. Ni de trace GPS pour mon logiciel de navigation. Je dois composer moi-même mon itinéraire au jour le jour, ce qui me donne une plus grande liberté, mais aussi me donne plus de travail, et la sensation de passer à côté du meilleur chemin parfois.
Petit avantage, cela me donne l'occasion de composer la route avec les locaux, et ainsi glaner de précieux renseignements. Autre changement important, l'heure de coucher du soleil. Je dois me mettre à la recherche d'un bivouac à 17h alors que fin aout je pouvais me permettre d'y penser à partir de 19h.
Autant d'heures en moins de pédalage, cela raccourci les journées.

J'ai aussi pris deux décisions majeures pour la suite de mon voyage. J'ai décidé de zapper Sarajevo. En tous cas, je ne m'y rendrai pas en vélo. La variante météo est trop imprévisible, je peux me taper de la neige, le grand froid, et je ne suis pas équipé pour. Je vais donc prendre la direction de la côte adriatique.C'est pas mal tout de même, non ?
J'avais hésité longuement lors de ma première ébauche d’itinéraire. L'une des raisons pour laquelle je ne l'avais pas choisi, c'était par crainte de m'y retrouver en pleine saison touristique. Maintenant, ce risque n'existe plus, et je pourrais profiter encore quelque temps de la douceur du climat méditerranéen en bonus.

Par contre, je n'ai pas renoncé à faire de la montagne. Mais ce sera celle de Slovénie. Anton m'a refilé quelques bons tuyaux et surtout l'envie de mieux connaître son pays. Il existe une rivière, dont l'eau est bleue comme la mer des caraïbes. Elle s'appelle la rivière Socca et prend sa source dans les Alpes slovènes. Cela me donnera aussi l'occasion de traverser le splendide parc naturel Triglav. Il y a un col à 1600 m, du gros dénivelé positif. C'est un challenge de taille. Je m'y frotterai sous réserve de bonne météo (je viens de regarder,les prévisions ne sont pas si bonnes, j'hésite à y aller).

Toutefois le ciel est avec moi pour le moment. Mis à part le catastrophique jour du départ où je me suis pris une averse bien bien velue, je n'ai pas été mouillé. Et même mieux : j'ai eu parfois du soleil, de la douceur et même souvent le vent dans le dos (rectification : il pleut des cordes depuis mon arrivée hier à Ljubljana) … Dans ces conditions, difficile de ne pas profiter de la route, pourvu que cela dure ! 

J'ai bien sûr souvent une pensée pour tous ceux qui m'ont bien aidé à acquérir ce nouveau vélo. Il est splendide, j'ai les mêmes sensations qu'avec le premier. Il y a eu quelques trucs mineur à ajuster comme l'alignement des roues, qui ont du prendre quelques coups pendant le transport, mais maintenant il est à point.
Me reste plus qu'à pédaler !

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