J514 Breme Allemagne

Rendez-vous en terre connue

Publié le 3 Sep 2017
Catégorie Allemagne

En réalité je suis déjà en train de finir la Hollande, mais je voulais revenir sur l'Allemagne dans un article à part entière. Article commencé à Brême, km 15900 (21900 depuis le départ de France). 

Sur la côte de la mer baltique, se dressait au loin cet obstacle administratif russe : cette petite enclave du nom de Kaliningrad nécessitait pour la traverser un visa compliqué et coûteux à obtenir. Plutôt que de m'orienter vers la Pologne et ses terres caniculaires, j'ai décidé de poursuivre sur la fraîche partie nord de l'Europe. C'est donc par la voie maritime que je suis sorti de Lituanie. 15 heures de traversée en ferry. 

 

Ces longs trajets me déboussolent toujours un peu, me donnent parfois l'impression de faire un bond dans le temps. Bien que je reste un apôtre du voyage lent et de la transition en douceur, une petite « téléportation » de temps en temps ajoute un peu de sel au voyage. Si les différences entre les pays d'Europe sont moins marquées que celles des pays d'Asie, il y a tout de même cette diversité, ces caractères propres qui font de notre continent une belle mosaïque de cultures, toujours stimulantes à appréhender. Ça y est, cette fois-ci, j'ai vraiment l'impression de faire mon retour en terre connue ! D'autant plus qu'on me prend vraiment pour un local : il n'est pas rare ici qu'un passant me demande sa route (dans la langue de Goethe dont je ne pige pas un mot).

 

Du port de Klaipeda, je rejoins celui de Kiel. Il ne manquait plus qu'un seul K pour que je me retrouve à Charlottesville aux Etats-Unis ! Je l'ai échappé belle. J'appréhendais un peu le retour en Allemagne, c'est vrai. Je partais avec un petit à priori du à mon passage en Bavière : même si j'y avais fait de belles rencontres, vu de belles choses, j'avais le souvenir d'une région un peu repliée sur elle-même, méfiante vis à vis de l'étranger. Alors que là je retrouve les vertus du bonjour spontané, du sourire gratuit et de la curiosité bien placée. 

 

Parmi les différences les plus notables avec les pays baltes : tout d'abord les routes, impeccables. Ils se payent même le luxe d'asphalter ou de bétonner leurs chemins de traverse. C'est vraiment le top, je peux me déplacer où bon me semble sans m'inquiéter de l'état de la chaussée. Il y a aussi un réseau de voies vertes assez complet, organisé par thème, chacun proposant sa signalisation propre. Il y a de la poésie à composer son itinéraire, à passer à travers champs, plaines et longer ces paisibles rivières. Je dois aussi m'adapter à l'horaire d'ouverture limité des magasins. Je suis en même temps très heureux pour les autochtones qui peuvent profiter de leur temps libre et s'organiser une vie de famille sans se voir infliger de la trime obligatoire les dimanches et les jours fériés. A noter aussi, la richesse des possibilités de bivouac. Je n'ai qu'à chercher 10-15 min pour dénicher un spot de rêve !

 

Depuis 2 ans, j'ai appris à lire dans les cumulus pour connaître le sort météorologique que me réservait le ciel. Après avoir aiguisé finement mon sens de l'orientation, j'ai l'occasion en Allemagne de peaufiner un 7ème sens découvert en Mongolie : l'art de la divination climatique. Ici, il peut y avoir les 4 saisons dans une même semaine. La canicule est un lointain souvenir que je ne m'aime pas convoquer. Je me complais dans cet été grisâtre et venteux, qui me fait apprécier d'autant plus les fréquentes sorties du soleil.

 

Rester la tête dans les nuages ne comporte pas que des avantages. Je paye comptant ce déficit d'attention avec les pertes en chaîne de nombreux petits items de voyage, tous plus utiles les uns que les autres. Adieu serviette micro-fibre, fidèle compteur (snif), câble anti-vol fétiche (resnif) et consorts … Que je remplace toutefois aisément tant ce beau pays regorge de cavernes d'Ali Baba du cycliste. Rentrer ne serait-ce que dans la plus modeste d'entre elles fait briller mes yeux de mille feux. 

 

Je développe aussi de nouvelles compétences. Je pense peut-être déjà inconsciemment à ma reconversion post-voyage. Je m'initie ainsi aux plaisirs de la couture sur mon short qui agonise lentement et m'offre à rafistoler chaque semaine des trous inédits et des déchirures d'origine mystérieuse. Il y aura bien un jour où il finira dans le cambouis, comme chiffon de nettoyage pour ma chaîne. Je lui dois bien ça après ces 2 années de fidèle compagnonnage. Et puis, je crois que c'est ce qu'il aurait voulu, au fond. 

 

J'assiste plus généralement à une détérioration globale de tout mon matériel. Comme s'il sentait approcher la fin. Mon smartphone a lutté courageusement de longues semaines contre la panne finale, pour finalement me claquer entre les doigts, à bout de souffle. J'ai du le remplacer au pied levé, puisque je voyage avec une appli GPS, sans carte papier. Je me rends ainsi compte à quel point je suis dépendant de l'électronique, pas toujours très fiable en voyage. Je dois avouer, si j'avais été un peu plus superstitieux, j'aurais pu largement me demander quel genre d'esprit malicieux a pu se glisser dans mes sacoches en Asie, me jouant quotidiennement de vilains tours de passe-passe. 

 

Après Kiel, je quitte définitivement les plages sableuses de la Mer Baltique pour rejoindre l'autre côte à une centaine de kilomètres de là, celle de la Mer du Nord. C'est un grand changement de paysage. J'y découvre des hectares de champs d'éoliennes et de longues digues issus du travail de l'homme. Ces dernières ont plusieurs fonctions : protéger l'arrière-pays du vent, des inondations et des fortes marées, puis gagner de nouvelles terres sur le monde marin, qui seront utiles pour l'exploitation agricole (le pendant des fameux polders hollandais). C'est ici le royaume du mouton. Il est en fait nécessaire à l'entretien des pelouses de ces barricades maritimes, l'élément-clef de cet écosystème artificiel. C'est mon warmshower Bianca qui s'est chargée de me faire découvrir les secrets de sa région et des fossés de drainage. Elle me présenta aussi sa fière jument, l'occasion de passer un chouette moment dans les écuries de son village. 

 

Longer le littoral puis les berges de l'Elbe m'a ensuite amené jusqu'à la ville de Hambourg, un gros coup de cœur. Elle a tout d'une capitale sans l'être : quartiers branché, populaire, bourgeois, et puis aussi tous les parcs, musées, monuments, gares … Cette métropole se divise en deux parties distinctes : sur la rive nord se trouve la ville organique et sur la rive sud la partie industrielle. Malgré cette séparation physique, Hambourg assume parfaitement son passé manufacturier en montrant la volonté d'incorporer ces industries dans le paysage urbain. Ainsi, depuis le balcon panoramique de la Philharmonie de l'Elbe, bâtiment emblématique de la ville avec son architecture moderne, on peut observer au loin cette singulière ligne d'horizon, nous révélant à travers brume cheminées et grues géantes. Patrick et Marleen y ont été de parfaits hôtes.

 

C'est dans une autre grande ville que j'ai effectué une dernière halte. Brême s'articule autour de son stade de foot et d'un centre historique de toute beauté. Jochen, local de l'étape et francophile, s'est appliqué à me montrer quelques sympathiques recoins de sa belle cité. Merci encore ! C'est vrai qu'il fait bon vivre en Allemagne. L'atmosphère est relax, apaisée. Vous l'aurez deviné, j'ai beaucoup aimé rouler dans cette partie du pays, c'est une belle surprise. Je remercie aussi du fond du cœur Sinje (Kiel) et Desiree (Rendsburg), mes deux premiers hôtes warmshower, qui ont aussi contribué à faire de cette expérience allemande une réussite.

 

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Neuburg on der Donau J36 km1784 Allemagne

La bonté en voyage

Ecrit le 05-08-15 à Neuburg on der Donau, km 1784

Emprunter un chemin coupant un champ de maïs, humer l'odeur du blé fraîchement coupé, le vent dans le dos, se faisant chatouiller le nez par les premiers rayons du soleil … Cela ressemblerait à ça, le sentiment de plénitude ? A l'inverse pour moi, lors de ces petits moments de grâce, j'ai plutôt la sensation d'avoir l'esprit que se vide, petit à petit, pour me concentrer finalement sur ces agréables stimuli de la nature.
Alors c'est peut-être ça, le secret, il faudrait accepter et expérimenter la vacuité complète avant de pouvoir se remplir à nouveau … 
 

Après le lac de Constance j'ai découvert une des plus jolies régions qui soit, située entre là où termine la forêt noire et là où le Danube prend sa source (autour de Tuttlingen).
Une jolie nature, préservée, peu visitée, car c'est aussi très vallonnée, c'est en effet la partie la plus haute la route vélo 6, qui va de Nantes à la Mer Noire (point culminant à 862m). 
 

862 m !

La traversée a été aussi pour moi l'occasion d'une belle aventure. Je cherchais un bivouac au plein milieu de la foret, dans une partie habitée qui me semblait être un restaurant ou hôtel, cherchant à obtenir l'aval du responsable des lieux pour y planter ma tente sans problème.
Finalement, je tombe sur Stephan, le chef cuisto et boss du resto, qui me déniche un super spot et m'invite à l'apéro et au petit-dej (royaux). Il me présente aussi à une famille de français cyclo-campeurs (2 parents 2 fils 1 fille) faisant la route jusqu'à Bethléem : je voyagerai avec eux les 3 jours suivants. Stephan, notre ange gardien du jour, a été de cette bonté que l'on espère rencontrer en voyage.
 

Stephan

Voyager en famille, donc. C'est de l'organisation, du rangement, des horaires, mais aussi et surtout  de la bonne humeur ! J'ai apprécié partager leur quotidien, leurs habitudes, leur manière de voyager sur ces quelques jours. On s'est mutuellement encouragé dans les montées, attendu après les grosses descentes …
C'est sûr, c'est complètement différent que le voyage en solo. Les enfants étaient adorables, de ceux qui préfèrent le bivouac à la dur plutôt que le camping surpeuplé d'enfants de leur âge. 
 

La famille Berchon
S'en est suivi une période plus sèche au niveau des rencontres, une fois rentré en Bavière. C'est en partie du à mon choix de faire du camping en milieu sauvage. Aussi du à cette barrière de la langue. Elle me ferme de nombreuses portes. Et puis aussi, je ne m'y attendais pas, à l’accueil un peu froid d'une partie des bavarois.
Cependant, il ne faut pas que j'oublie : c'est toujours à moi de faire le premier pas. Ce n'est pas parce que il m'est arrivé un tas de trucs sympas jusqu'à présent qu'il faut que j'arrête de faire des efforts. La teneur de la suite de mon voyage ne sera que le résultat de mon implication quotidienne dans les relations humaines.
J'apprécie toutefois cette période plus solitaire, c'est finalement plus conforme à l'idée initiale que je me faisais de mon périple.

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Radolfzell J28 km1379 Allemagne

Ma vie est un road-movie

Écrit le 28 juillet 2015 à Radolfzell (Allemagne) – km 1379

*** 1er bilan intermédiaire ***

Crevaison : 1
Nb de nuits en bivouac : 6 
Nb de nuits Warmshower : 14
Nb de nuits en camping : 5
Nb de nuits invité chez l'habitant : 2 
Nb de bouquins lus : le premier est en cours (même pas le temps de lire ma pauv' dame)
Nb de piqûres d'insectes : je ne compte même plus
Nb de belles rencontres : je ne compte plus non plus, mais c'est nettement préférable aux piqûres de moustiques.


J'ai toujours affectionné le style du road-movie américain, Thelma et Louise, Paris-Texas, etc ... Il y a dans ces films une expression du désir d'avancer, sans se retourner, vers une aventure certaine et ses rebondissements rocambolesques. L'anti-application totale de l'expression "On sait ce que l'on perd, mais on ne sait pas ce que l'on gagne".

Et bien, ce que je vis, en ce moment, est très proche de ce que l'on peut trouver dans ces histoires filmées de voyageurs sur roues : chaque lever de soleil est pour moi l'occasion de vivre une nouvelle aventure, avec ses incertitudes, son lot de rencontres improbables, de micro-décisions à prendre qui affecteront la suite des événements.

En cela, j'essaye de rester le plus ouvert possible, de suivre mon instinct, pour rester à la disposition de mon voyage. Je maximise mes chances de vivre l'inattendu. Et je mesure maintenant l'importance de mon choix de voyager sans contrainte de temps ni d'objectif kilométrique journalier. Je fonce ou temporise, peu importe, je vis l'instant présent.
 
La Véloroute

Depuis mon dernier article, j'ai considérablement réduit le rythme. Mon corps me le réclamait. J'ai diminué la distance journalière à parcourir, et multiplié les journées de "repos" chez mes hôtes du moment.

L'Est de la France et la frontière suisso-allemande sont nettement plus urbanisés que les bords de la Loire, et il est plus aisé de trouver des « Warmshowers » qui acceptent de m'héberger pour une ou deux nuits. Je partage leurs actualités : à Mulhouse, j'ai participé avec Dominique le cyclactiviste à une "Vélorution" (que j'ai même filmée pour le compte de son association) et connu le groupe Alternatiba, qui promotionne la transition énergétique sur leurs tandems à 4 places.

A Bâle, j'ai pu aller nager dans le Rhin avec mon "sac-poisson", grâce aux explications de Nathalie et Bertrand le jeune maraîcher. Laurent et Katia de Montbéliard m'ont enchanté de leur bonne humeur, et prouvé qu'une famille à vélo, c'est tout à fait possible (et même recommandé).

En Suisse à Eiken, j'ai aussi découvert le monde de la talentueuse artiste-peintre suisso-canadienne Chantelle, une superbe rencontre (lien vers son site web). Enfin, sur les bords du lac de Constance à Radolfzell, j'ai croisé le chemin de la généreuse Sidy, brésilienne expatriée depuis 20 ans en Allemagne. Je fais donc moins de kilomètres mais beaucoup plus de rencontres ! Cependant, j'ai des fourmis dans les jambes, et je pense bientôt reprendre un rythme bien plus soutenu.

Le Danube est proche, la Bavière m'attend. Et tout le reste, aussi.
 
Chantelle de Eiken

Au niveau des paysages, je suis passé par de l'un peu plus urbanisé, entrecoupé de passages nature très appréciables. La vallée du Rhin, sur la frontière franco-suisse, est un exemple concret de bonne planification et répartition entre l'industriel, l'urbain et la protection de la faune et flore locale.

Mais le must, ce sont les petits villages fluviaux restaurés de l'époque médiévale, que c'est bôôôôô. On traverse des ponts de bois, des entrées fortifiées, admire des balcons et statues d'époque. Un charme indéniable :)
 
Lac de Constance

Pour revenir une dernière fois sur mon passage français, cela m'a donc permis de mesurer la beauté et la diversité des paysages, mais aussi de l'importance pour l'échange verbal d'un mode d'expression commun.

Je le mesure depuis mon passage en Suisse, la barrière de la langue ne me permet pas de comprendre ce que me disent spontanément les gens dans la rue. Parfois, même, je ne comprends pas d'emblée si c'est plutôt négatif ou positif. L'allemand redéfinit les nuances de la langue, je vais devoir m'y adapter.
Et désoxyder mon poussiéreux anglais avec cette bonne vieille "french touch" nouvellement saupoudré de globish indien passe-partout.

Il y a toutefois quelques menues situations tendues, en raison de l'amour de certains suisses pour les règles implicites : c'est la première fois pendant mon voyage que mon vélo a semblé déranger quelques uns, qui ne sont pas privées de me le faire savoir, avec (ou sans) sourire. J'imagine que cela sera de plus en plus le cas, car je vais emprunter sur les bords du Danube une partie de la véloroute très fréquentée par les cyclotouristes en été. Et qui dit tourisme abondant dit local pas forcément baisant.

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