J473 Parnu Estonie

La nature estonienne

Ecrit à Parnu le 2 juillet 2017 – km 14200 (20200 au total)

Après cette boucle finlandaise, je change donc de cap : à partir de Tallinn, j'entame vraiment le retour en terre natale. Et des caps, j'en ai franchi quelques uns pendant le voyage. Les deux derniers étant les plus symboliques : je fêtais ce 1er juillet le second anniversaire de mon départ, et quelques jours plus tôt, le dépassement de la barre symbolique des 20.000 kilomètres. J'en aurai vu des paysages, fait, de belles rencontres. Et tout un tas de choses qui ne peuvent pas se quantifier réellement … Ma pension retraite sera bien maigre mais ma boite à souvenirs bien remplie.

 

En découvrant l'Estonie, je m'enfonce encore un peu plus dans la nature et le sauvage, dont la Finlande m'avait déjà donné un bel aperçu. Je suis allé de surprise en surprise. Je m'attendais à trouver de nombreuses reliques du passé soviétique, je découvre à la place des villes qui ont remarquablement bien conservé leur caractère de l'époque du Moyen-Age, à l'instar de Tallinn. Ce fut seulement à partir du moment où j'ai arpenté ses rues pavées que j'ai véritablement eu l'impression d'être de retour en Europe. L'architecture ressemble beaucoup à ce que l'on peut trouver dans les villes médiévales de Bavière : des couleurs chatoyantes, des devantures de maisons historiques, des petites ruelles donnant sur des impasses, pas de doute, on est à 100.000 lieues de la froideur et de la rationalité du style scandinave.

 

J'apprécie aussi les nombreuses églises parsemées sur mon chemin. Je dois avouer que de tous les édifices religieux, sur l'aspect extérieur, ce sont elles qui me procurent le plus de fascination. De part leur histoire, leur cachet, leur variété dans l'architecture, leur présence en hauteur. La vue d'un clocher est toujours pour moi l'occasion de prendre une petite pause, à essayer de repérer ici ou là quelques particularités. Quel dommage qu'elles se retrouvent le plus souvent portes closes. C'est une tendance générale en Europe, à mon plus grand regret.

 

J'ai aussi réglé mes pendules pour enfin profiter des couchers de soleil, qui représentent la récompense de fin de parcours. Il ne fait pas encore bien chaud, alors je peux me permettre le luxe de me réveiller tard le matin sans pour autant que cela ne soit le sauna dans la tente. Leur particularité, c'est qu'ils se dégustent paisiblement, le soleil prenant tout son temps pour s'éclipser totalement. On a tout le loisir de s'imprégner des couleurs et d'apprécier les différentes transitions de lumière, c'est un régal pour les yeux. 

 

En journée, je savoure les cadeaux de la nature estonienne. C'est la période de nidation des oiseaux, alors je peux les observer élever tendrement leur progéniture. Les températures fraîches et cet air revigorant de bord de mer fait l'idéal de ces nombreux migrateurs, qui ne se trompent sûrement pas en choisissant la côte baltique comme refuge estival. J'y ai croisé cigognes, cygnes, mouettes, canards sauvages, aigles de mer et tout un tas d'autres volatiles dont je ne saurais vous conter le nom. Le plus étrange d'entre eux : une sorte de petite autruche à corps de paon. Elle se promène tranquillement dans les champs, à découvert, le plus souvent en couple, et vocifère comme un pachyderme dès qu'elle se sent en danger (on me souffle dans l'oreillette que cet animal chimérique a en fait un nom : grue). 

 

Ce qui doit aussi attirer ce joyeux groupe de becs et de plumes, ce sont ces nuées de (maudits) moustiques. A la différence de leurs confrères asiatiques, ils attaquent tout au long de la journée (avec une préférence pour le crépuscule qui dure des heures à cette latitude). Ils sont énormes et piquent à l'aise à travers une simple couche de vêtement. Cette taille XL fait aussi leur point faible. On a largement le temps de les voir venir et de leur infliger le seul traitement qui leur convient : une bonne baffe létale qui les enverra dans les abîmes de l'enfer des insectes. 

 

Ces chers amis pompeurs de sang complètent un trio infernal de nuisance du cyclo-campeur avec le vent et la pluie. Ils se relaient l'un après l'autre, consciencieusement, pour m'éviter la vie trop facile. Je me réjouis donc de l'arrivée du vent qui chasse les mini-vampires, de l'intrusion de la pluie qui stoppe net le flux du vent, et apprécie tout autant la fin du souffle divin, qui signifie cependant le retour des bourdonnements dans les oreilles. Un équilibre parfait que ne me laisse aucun répit. Merci mère Nature. 

 

Et le vent en Estonie, ce plat pays (qui n'est pas le mien), quand il souffle frontalement, cela rend la progression aussi difficile qu'en montagne. Le sifflement dans les oreilles et le fouettement des pommettes en sus. Lorsqu'il s'invite sur de monotones routes découpées à travers la forêt, cela donne des étapes carrément usantes, autant pour le physique que pour le moral. J'ai beau me plaindre, ces minimes inconvénients ne font pas le poids par rapport à tous les bienfaits et toutes les joies qu'apportent le voyage à vélo, alors j'encaisse avec plaisir et bonne humeur, et profite de chaque instant de repos pour me préparer à affronter le prochain obstacle qui se profile déjà à l'horizon. J'ai aussi mes armes secrètes de motivation personnelle : ma musique et mes podcasts me permettent de faire abstraction et de voyager intérieurement. A signaler tout de même : les températures sont en ce moment idéales pour pédaler. On ne peut pas tout avoir.

 

Concernant l'Eurovélo 10 en Estonie. C'est une surprise mais ils jouent particulièrement bien le jeu. Le sentier est entièrement balisé, même si sans une attention accrue on peut perdre assez rapidement le fil. Par contre, le tracé est bâclé, la plupart du temps passant par des routes sans intérêt particulier. J'imagine qu'il a du être conçu par un cycliste sportif et pressé qui se souciait plus du rendement énergétique de la chaussée que du panorama. Ce n'est pas bien grave, je recompose moi-même mon itinéraire en choisissant d'autres routes moins directes ou en moins bon état, sortant assez rapidement de la léthargie proposée.

 

Je rencontre aussi de nouveau beaucoup de cyclo-campeurs. Cela ne m'était pas arrivé depuis le Laos. Beaucoup de Finlandais en quête d'aventure hors de leur pays, mais aussi quelques français (petits clins d’œil à Lionel et Aurélie avec qui j'aurai partagé de sympathiques discussions, et un autre couple, Susanne et Jean-Claude, qui commencent leur retraite sur les meilleurs des chapeaux de roues). J'ai aussi rencontré d'autres nomades en camping-car : un ptit bonjour à la famille Lyytinen, avec qui j'ai aussi passé de chouettes moments, quelques parties de Uno et de Trivial Poursuit, à Kuressaare puis Parnu. 

 

Après 2 nuits à Tallinn, j'ai donc pris le cap sud-ouest et longé la côte. J'ai fait un détour sur les îles de Hiuuma et Sareema, et célébré la fête de la Saint-Jean locale à Kuressaare. Avec un grand feu comme on le faisait à l'époque en France, avant l'arrivée puis le succès de la fête de la musique Jacklanguaise. La « midsummer party », c'est l'une des dates les plus importantes et festoyées dans le nord de l’Europe, alors c'était sympa de pouvoir en profiter avec des locaux. J'ai pris ma seconde pause estonienne à Parnu, pendant un festival médiéval. En réalité, j'ai plus profité de mon lit et de la paix de l'auberge Vintsi pour me reposer et reprendre quelques forces avant d'entrer en Lettonie, ma prochaine destination … 

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