Kunming J216 Chine

Les tribulations d'un galérien en Chine

Ecrit à Kunming, le dimanche 23 octobre 2016. Km 7250

J’avais vraiment commencé à apprécier de plus en plus l’aventure chinoise. L’état des routes s’était amélioré et la beauté des paysages se faisait plus notable. Depuis le lac Lugu, j’étais rentré dans la province du Yunnan et je commençais à découvrir une Chine de plus en plus rurale et authentique. Certains empruntent la route de la soie, la route du rhum ou encore la route des épices, moi j’emprunte les routes en construction. Cela me donne au moins l’avantage de me faire héberger par les travailleurs de le DDE locale, et c’est toujours l’occasion d’un bon gueuleton et de belles rencontres en perspective.

 

Après l’épopée du Mont Gadoue (Meigu), j’ai tenté ma chance sur une chaussée en chantier depuis 9 ans, entre Ninglang et Lijiang. Avec quelques appréhensions … Cette-fois-ci, le pari aura été gagnant, car j’ai profité d’un asphalte tout neuf et bien confortable, le tout sans le tumulte des assourdissants pachydermes de la route, l’accès leur étant coupé à mi-chemin : il faut emprunter une barque pour pouvoir prétendre rejoindre les deux villes. A la fois pittoresque et régulateur de trafic routier.  A la place des dangereux camions et horribles bus, je croise des deux roues pétaradants, des chèvres, des vaches et quelques chiens enragés. Je gagne quand même au change !

 


Les chinois sont toujours aussi sympas et hospitaliers, jamais avares d’une salutation enthousiaste ou d’un sourire rendu. C’est la grande satisfaction de ce voyage. Même si la communication ne passe pas forcément toujours bien, je peux toujours m’attendre à obtenir de l’aide, même non demandée. J’ai même parfois l'impression d’être traité comme une rock star avec mon statut d’aventurier à vélo. Ou encore d’être de temps en temps observé comme une bête curieuse. Ce n’est pas vraiment dérangeant et je préfère largement ça à l’indifférence. 

 


Je voudrais par contre revenir sur un point de mon article précédent. La bicyclette, une fois sortie des zones urbanisées et de leurs espaces dédiés aux deux roues, n’a plus du tout sa place sur le macadam. Sur les petites et escarpées routes de montagne, le vélo est un problème qui se règle à coup de klaxon. Je pourrais même écrire un roman sur les déviances routières des chinois … Dont voici les 3 spéciales, celles que j’affectionne particulièrement :

1. me faire klaxonner à 2 mètres de distance par un camion ou un bus, à coup de 150 décibels
2. voir arriver en face deux véhicules … occupant l’espace des deux voies
3. et ma préférée : doubler une voiture à l’arrêt (bien souvent bouchant la voie cyclable), et voir celle-ci redémarrer juste au moment où j’arrive à son niveau. Ba oui quoi, je pourrais klaxonner quand même !

Pas de quoi me décourager complètement pour le moment.

 


Je me demande aussi si les klaxons peuvent affecter le matériel électronique, car après la déchéance du disque dur de mon ordinateur, c’est un peu l’hécatombe de ce côté là. La majorité de mes câbles USB ont déjà rendu l’âme, mon précieux ipod nano ne s’allume plus que si je le branche au secteur, le câble de mes écouteurs s’est vu légèrement sectionné, ma batterie tampon ne se charge plus correctement, et j’ai aussi repéré un début de faiblesse de mon matos photo, boiter et objectif. Sans compter les frayeurs que m’ont provoqué les freeze de mon fidèle mais vieillissant smartphone. J’ai une autre théorie sur le sujet. Tous ces items made in China se sentent de retour sur leur terre, et pensent peut-être que c’est le bon moment pour reposer en paix près des leurs … 

 

Toutes ces petites galères ont été annonciatrices d’une plus grande, de celles qu’on pense qu’elles n’arrivent qu’aux autres (un peu comme le vol d’un vélo par exemple). Ma carte bancaire a été piratée (je suppose) et des paiements frauduleux ont été effectués sur internet à hauteur de 2700 euros (pour le moment, j’espère que la note ne va pas être plus salée dans les jours qui viennent). J’ai bien sûr fait opposition immédiatement une fois le pot aux roses découvert et contacté ma banque pour que ce problème majeur se résolve au plus vite, et que je puisse de nouveau voyager l’esprit en paix. Pour le moment, je ne peux que constater l’ampleur de la catastrophe et attendre la réponse des enquêteurs quant à la suite de cette affaire  (30 jours max).

 


J’ai donc passé ma semaine à Dali à effectuer appels et papiers, à m’inquiéter, et je suis de nouveau malgré moi rentré dans le cercle infernal de l’administration chinoise. Celle du dicton « possible n’est pas chinois ». Moi qui ne voulait pas étendre mon visa ici pour ne pas encore avoir à faire à l’inertie de la bureaucratie locale, j’ai eu en fait bien plus de rab que je ne pouvais imaginer. En fait, il « suffit » de s’adresser à la bonne personne au bon moment pour que la situation se débloque rapidement (avec un sourire et même parfois un thé). Mais le problème, c’est de trouver cette personne ! Cela peut s’avérer à la limite de l’impossible, et toujours à la frontière du découragement. 

 


J’ai pu heureusement compter sur le soutien inconditionnel de mes proches, et aussi sur mes bien-aimés rollingpotatoes (Alessio et Binh) qui ont accéléré leurs coups de pédales pour me rejoindre à Dali et venir m’aider à relativiser cette fâcheuse situation. Il y a aussi eu la bienveillance précieuse de mon hôte warmshower, Heimat, manager de l’auberge Dali Mufu, qui m’a accompagné à la police locale (malgré son emploi du temps très serré) et qui m’a permis d’évoluer sans soucis supplémentaire dans l’environnement cosy et serein de son établissement. Je suis dorénavant de nouveau en mouvement, en train vers Kunming, bien décidé à terminer mon aventure chinoise sur une bonne note, et avec l’espérance que la poisse qui me suit depuis ces quelques semaines me lâche enfin à la frontière sino-vietnamienne.

 


Depuis mon départ de Chendgu, j’ai eu 4 ou 5 cols à 3000 mètres à franchir. L’avantage d’avoir effectué le premier col dans de la grosse gadoue, c’est que les suivants m’ont semblé bien plus simple à gravir. Je suis passé par Xichang, j’ai ensuite trouvé une petite auberge sympa sur la lac Lugu, l’un des plus beaux endroits que j’ai pu voir en Chine. La route a été tout aussi magnifique entre Ninglang et Lijiang, où je suis resté aussi quelques jours pour profiter de la vieille ville. Avec toujours autant de belles rencontres ! C’est sur la route entre Lijiang et Dali que je me suis rendu compte de l’utilisation frauduleuse de ma carte, et c’est donc logiquement que je suis resté presque une semaine dans cette bourgade touristique, dont finalement je n’aurai pas vu grand-chose ...

 

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Meigu J191 Chine

La Chine en proverbes (chinois)

Écrit à Meigu le 1 octobre 2016. Km 6320

Pour cette première partie de voyage en Chine, j'ai passé plus de temps à port qu'en croisière. Il me tardait donc de reprendre ma barque à deux roues pour ne plus la quitter et me laisser dériver « gentiment » vers Bangkok. On dit de la Chine qu'elle est le pays du proverbe (chinois). Déclinons donc cet article en quelques dictons. 
 

« La Chine, ce sont les routes du paradis avec des chauffeurs venus de l'enfer »

Quelles belles routes, quelles belles voies cyclables ! Vraiment, en Chine, on roule sur un billard (enfin pas tout le temps, j'y reviendrai). Le hic, c'est que c'est un peu l'anarchie sur le macadam. Les voies cyclables sont utilisées à contre-sens ou comme place de parking. Au quotidien, ce sont des refus de priorité, du non-respect de la signalisation, de belles queues de poisson, des dépassements sans aucune visibilté, des inopinés coups de klaxons …  Faut s'accrocher !

 

« Le pays du vélo alerte »

Mais la bonne surprise vient de la situation de la petite reine dans la circulation. C'est un moyen de transport très utilisé, et donc le cycliste a tout à fait sa place même dans un trafic dense. La conduite est tout de même bien sportive. La particularité, ce sont les innombrables véhicules électriques : bicyclettes, trottinettes, scooter, tuk-tuk, tout le bestiaire du deux roues y est ici représenté. Pour un confort auditif accru et une pollution bien moindre (bien des villes européennes devraient s'en inspirer).

 


« La Chine, le pays du matin bruyant »

Il y a ici un sport national dans lequel les chinois peuvent rivaliser à l'aise avec les indiens, c'est le développé de klaxon. Pour la beauté du jeu, pour la beauté du geste, la main est lourde, artistique et systématique sur le buzzer avertisseur. Les cinglants coups de trompe des camions me glacent particulièrement le sang. A chacun d'entre eux c'est une petite plume de mon moral qui s'envole tristement vers l'horizon.

 

« Le pays du soleil qui ne se lève pas »

Arrivé en Chine, je me suis bien cru revenu en Normandie pour un aspect. L'absence de soleil. Et même de ciel. Entre la pollution et le temps pourri, j'ai passé parfois une dizaine de jours sans voir l'ombre d'un rayon de lumière. Par contre, quand il est de sortie, il fait pas semblant : c'est l'effet grille-pain assuré.

 

«  Possible n'est pas chinois »

S'il n'est pas possible de voir le soleil, il n'est pas non plus possible de récupérer mon vélo le jour d'arrivée, pas possible de mettre le compteur dans un taxi, pas possible de trouver un bivouac tranquille, pas possible d'aller sur facebook et google, pas possible d'emprunter une portion de route (interdite aux étrangers, ce qui me vaudra de rajouter 2 cols à 3000 mètres à franchir...), pas possible de faire toute une petite foule de choses qui bout à bout donne envie de baisser les bras. Bon, je dramatise un peu, et suis pleinement conscient que la plupart de ces impasses naissent de la barrière de la langue (ah ba oui car c'est pas possible de parler anglais non plus). La solution est bien souvent à porter de main et un peu de patience et quelques sourires suffisent parfois à se sortir de bien des quiprocos. Lost in translation, version chinoise. 

 

« Le pays des libertés qui commencent là où finissent celles des autres »

Dans un pays réputé pour ses privations de libertés, chacun semble vouloir s'octroyer la sienne sans vraiment se soucier de celles des autres. Les endroits non fumeurs sont donc enfumés, les espaces d'eau interdit à la nage avec de nombreux baigneurs, sans m'étaler sur l'effet que cette mentalité individualiste peut avoir sur le partage d'une chambre en auberge ou le trafic routier. Une petite différence éducationnelle à laquelle il faut savoir s'adapter :)

 


«  Le pays des papilles en émoi »

D'ailleurs, je leur pardonne tout, ce sont tellement d'excellents cuisiniers ! Chacun de leurs mets me procure le réconfort nécessaire pour me remettre de l'un de ces petits chocs culturels. C'est parfois un peu épicé, mais vraiment savoureux (l'un des premiers mots que j'ai d'ailleurs appris à dire c'est « pula », que l'on peut traduire "sans piment"). J'ai également l'impression qu'une vie entière ne suffirait pas à découvrir toute la diversité de la cuisine chinoise. 

 

 

« Le pays du sourire, de la générosité et de l'hospitalité »

Comme je le mentionnais, il est ici très difficile de trouver un bivouac. Même à la campagne, chaque parcelle de terrain est utilisée ou occupée. Je n'ai donc pas d'autre choix que de demander la permission à l'habitant pour planter ma tente. Le plus souvent, je n'aurai même pas à la déplier, je dormirai dans un lit bien chaud avec le ventre bien rempli (un des autres mots que j'ai appris assez rapidement, c'est « shebba », pour dire - je t' ... - ça va j'ai assez mangé ). C'est en plus une formidable occasion de partager le mode de vie local, et représente un réel et appréciable point positif de ce périple en Chine jusqu'à présent. J'aime aussi leur bonne humeur et leur propension à rigoler de tout, cela permet de tout relativiser. 



J'ai tout d'abord passé une semaine à Pékin, où j'ai découvert une capitale vivante et culturelle. J'aurai eu un peu le temps de faire mon touriste « lonely planet » entre les démêlés administratifs pour récupérer mon vélo du train de Oulan-Bator et l'infructueuse pêche à l'information pour remettre mon vélo dans le train pour Chengdu. J'ai tout de même pu aller voir les must-see comme la cité interdite, la place Tien'Anmen, la muraille de Chine, le site olympique et le Lama Temple. Mais ce que j'ai préféré, c'est de déambuler dans les petites ruelles des hutongs dans le vieux Pékin. 

 

A Chendgu, j'ai rejoint les cyclocampeurs « rolling potatoes » (que j'avais rencontré à Séoul) et été hébergé par des supers warmshowers, les « frogs on wheels ». J'y aurai vu les fameux pandas. Ce qui devait être une courte pause de quelques jours s'est transformée en séjour d'une semaine, car le disque dur de mon ordinateur a rendu l'âme et j'ai passé 4 jours (et nuits) à tout remettre en ordre. Finalement, Chengdu, c'était le meilleur endroit pour régler ce genre de tuile matérielle. J'ai pu y retrouver un modèle de disque dur difficile à dénicher et Nico l'un de mes hôtes m'a patiemment aidé à régler mes multiples et irritants problèmes d'installation. Mais c'était aussi surtout l'occasion de passer de chouettes moments en excellente compagnie.

 

Je suis depuis 1 semaine de retour sur la route, en solo, je prends la direction des montagnes du Sichuan et du Yunnan. J'ai visité le site d'un bouddha géant à Leshan, et franchi un 2925 mètres (le mont Meigu) dans la boue et la douleur. C'était la dizaine de kilomètres la plus délicate de mon voyage, une ascension dans un enfer d'humidité. La descente n'a pas été avare en bourbiers non plus. Des cols à 3000, j'en aurai encore beaucoup d'autres sur ma route, mais j'espère que les prochains ne se feront pas dans la gadoue. J'ai du tomber sur une des rares chaussées en cours de construction en Chine, et d'ailleurs, à l'heure actuelle, je suis en train de faire une petite journée de pause (*), recueilli justement et gentiment par les constructeurs de cette maudite route - qui devrait être terminée dans une petite année (!). L'absence d'asphalte m'a fait plonger dans la profonde ruralité chinoise, celle des minorités. C'est d'un contraste saisissant avec la modernité et l’opulence que l'on peut trouver dans les villes … Tout cela me procure cependant de merveilleuses aventures, bien loin de la zone de confort à laquelle je m'étais de nouveau habitué ce dernier mois.

 

(*) Je suis en fait à Xichang, mais il y a toujours un laps de temps entre le moment où j'écris l'article et réussis à trouver du wifi pour mettre à jour le blog.

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