J456 Helsinki Finlande

La thérapie des chocs

Ecrit à Helsinki le 15 juin 2017 - km 13500 (19500 depuis le départ de France)

Inutile de ménager le suspens plus longtemps, j'ai choisi le retour en Europe ! Mais pourquoi donc ? Déjà , je n'en pouvais plus du climat post-apocalyptique de l'Asie du sud-est. Cette chaleur combinée à cette haute humidité, cela va un temps, mais on se lasse assez vite de transpirer continuellement à grosses gouttes. Ensuite, j'aurais pu tenter une nouvelle aventure en Amérique du Sud, et d'ailleurs j'en avais grand envie. C'est un peu mon rêve de retourner là-bas, de visiter les pays que je n'ai pas pu faire en 2010.

 

Mais voilà, depuis le départ, mais surtout depuis l'Asie, je souffre de mal de dos chronique. Cela pourrit le voyage parfois. Je pensais qu'avec la pratique cette douleur allait s'effacer un jour, mais bien au contraire, cela empire. J'ai mis du temps à m'en rendre compte, mais je soupçonne mon vélo d'être trop petit. Je partais sans aucune expérience de cycliste, et maintenant, j'ai quelques idées en tête pour arranger ça. Cependant, cela aurait été difficile d'effectuer ces réglages à la volée. Un retour en France s'imposait. D'autant plus que cela faisait un bail que je n'avais pas vu ma famille.

 

Mais pourquoi avoir atterrit à Helsinki alors me direz-vous. Et bien, peut-être parce que je suis un peu maboul. Mais pas que. L'idée de profiter encore d'un bel été à parcourir les routes d'Europe me plaisait tellement que je ne pouvais pas me résoudre à revenir directement en France. Après tout, j'ai déjà roulé presque 20.000 bornes avec ce vélo, je pouvais bien en rajouter quelques milliers de plus ! La Finlande, c'est un pays que je ne connaissais pas, avec en prime la perspective de rouler dans les pays baltes, par lesquels je voulais commencer mon tour du monde avorté en 2014, l'occasion était trop belle !

 

Helsinki, c'était aussi l'assurance de voler direct depuis Bangkok avec une compagnie d'avion sérieuse et transparente sur le transport de bicyclette : Finnair. Pour m'éviter une grosse et inutile montée d'adrénaline. Finalement, ce qui a achevé de me persuader du bien fondé de ma décision, ce furent les prévisions météo : du froid ! Enfiiin, du froid ! Après un détour au Decathlon de Bangkok pour m’approvisionner en diverses petites laines, j'étais fin prêt et ultra-motivé pour le grand départ vers la Scandinavie.

 

Et effectivement, ce fut un choc. Enfin, plusieurs chocs. Le premier, mais celui qui m'a fait le plus plaisir, le choc de température. Sur la fin en Thaïlande, je tournais à du 35-40°C en journée avec des taux d'humidité dépassant allègrement les 90%, sans même de répit la nuit où le mercure ne descendait que très rarement en dessous des 30°C. Et bien ici, dans ma belle Finlande, quand je suis chanceux, c'est un beau soleil sous 15°C. Mais parfois je me tape des journées pluvieuses et bien venteuses à 8-10°C, et des nuits frisquettes autour de 2-3°C minimum. J'ai sorti la couverture de survie (du Décathlon de Bangkok) mais je suis heureux comme un esquimau sur sa banquise. L'hiver en été, c'est un peu Noël avant l'heure.

 

Le changement d'heure ensuite. Je suis parti de Bangkok au petit matin le 26 mai, et 24 heures plus tard le même jour, quand enfin je me pieutais, le soleil ne s'était pas encore couché, lui. J'avoue que mes pendules ont été largement déréglées la première semaine. Ici le crépuscule, ce n'est pas avant 23h, et l'aube pointe le bout de son nez peu après 4h. Autant dire que je n'ai pas vu beaucoup de lever/coucher de soleil, à mon plus grand regret. Mais cela donne de belles lumières et un autre gros avantage : pas de stress pour trouver un bivouac avant la tombée de la nuit !

 

Troisième choc : le changement d'alimentation. J'ai toujours voulu manger local dans chacun des pays asiatique que j'ai traversé, cela faisait donc un bail que je n'avais pas encore goûté aux délices d'un bon fromage et d'un bon pain (à part à Hanoi où j'avais trouvé du camembert Président). Si si, en Finlande ! Je ne pensais pas l'écrire un jour mais ici, on trouve ça. En attendant d'avoir mieux ... Mon estomac a aussi un peu de mal à s'adapter à la profusion de charcuterie, produits laitiers et céréaliers. Et j'avoue aussi, soit dit en passant, que la street food asiatique me manque déjà. C'est nettement moins funky de faire ses emplettes au supermarché que de s’asseoir tranquillement à la table d'une échoppe, à attendre son riz sauté en sirotant une bière et regardant les passants.

 

Dernier choc et non pas des moindres : le choc culturel. Comment dire, après l'Asie, les relations humaines se sont raréfiées. Les finlandais se définissent eux-même comme « timides ». Et effectivement, difficile d'aborder les gens, le premier contact n'est pas facile. Alors qu'avant, croiser un cyclocampeur était synonyme d'arrêt immédiat et de discussion animée, ici je n'ai le droit qu'à un vulgaire mais très cordial « Hey ». Les maisons sont éloignées de la route, difficile dans ces conditions de croiser quelqu'un. Tout au plus, lorsque je dois aller recharger mes gourdes en eau, j'ai le droit à un petit mais sympathique échange verbal. Ou parfois quelques questions sur ma monture qui provoque toujours autant la curiosité des badauds. Je crois tout simplement que les uns ne sont plus habitués à rencontrer les autres. C'est pour cela que je me suis remis au Warmshower, ce réseau d'hospitalité réservé aux cyclistes. Cela me permet d'aller voir les locaux directement chez eux. Et de pouvoir constater que l'hospitalité et la gentillesse sont des constantes mondiales :) Timides mais super sympas les Finlandais ! (merci infiniment à Anna et Greg de Helsinki, Ville et Paivi de Salo et Panu de Turku)

 

Comme si tout cela ne semblait pas encore assez, j'ai carrément l'impression de sortir du réel quand je traverse un de ces petits bosquets perchés sur une improbable colline rocailleuse. Ils m'amènent tantôt dans des villages perdus composés de petites maisons en bois, avec église ou château finement restauré. Bucolique. La nature est ultra présente en Finlande, c'est vert et vallonné comme en Slovénie. Les Finlandais aime l'Environnement, qui le leur rend bien. Il y a d'ailleurs autant de beaux coins que de propriétés privées. Les bords d'eau et beaucoup de pans de forets sont le plus souvent colonisés par un de ses cottages, maisonnettes en bois typique de la région. Aussi, je suis absolument fasciné par ces nombreux bras de mer, rythmant le paysage et ressemblant à autant de petits lacs parsemés le long du chemin. Le bestiaire est plus classique : moineaux, lièvres et cerfs prennent la place des singes, geckos et autres perruches.

 

Helsinki est une petite capitale maritime très tranquille. A peine 600.000 habitants (et un peu plus d'un million pour sa grande banlieue). Il faut dire qu'après Bangkok la différence est énorme. La plus grande ville finlandaise a beaucoup de charme. Elle mélange sobrement l'architecture moderne, le style art nouveau et la bonne vieille brique rouge. Elle offre également beaucoup d'espaces publics, entre les nombreux parcs, la petite plage et les promenades le long de la riviera, les locaux sont clairement incités à profiter du bon air frais. Il a aussi pléthore de pistes cyclables ! C'est très agréable, malgré les quelques reliefs, de s'y déplacer à vélo.

 

Pour sortir de cette modeste métropole, j'ai fait de nouveau confiance au plus ambitieux des réseaux vélo-routiers, l'Eurovélo. Celle que j'emprunte actuellement est la numéro 10, mais bizarrement il n'y a aucun panneau indicateur ou infrastructure permettant de retrouver son chemin physiquement. Alors que ce projet devrait arriver à son terme en 2020, je mesure là l'ampleur de la tâche à accomplir. Tout porte à croire que le cyclotourisme n'est pas encore très développé en Finlande. Les causes : isolement géographique, rude climat d'hiver ?

 

Je suis donc le tracé GPS de son itinéraire théorique. Et comme d'habitude avec l'Eurovelo, on passe par des petits sentiers, des coins pittoresques qui évitent de subir les grands axes. J'ai adoré sortir d'Helsinki par son littoral, j'y ai déniché de secrètes plages et de somptueuses marinas. Pour rejoindre Turku, je suis passé par Ekenas et Salo, sur parfois des routes non bitumées ! Je ne m'attendais pas à en trouver ici, mais cela donne un petit côté aventureux fort plaisant.

 

Avant de partir visiter les pays baltes, je voulais parcourir un peu la Finlande, j'avais donc demandé quelques conseils d'endroits à visiter dans un rayon d'une à deux semaines d'Helsinki. Unanimement on m'a préconisé de pousser jusqu'à la route de l'archipel de Turku, tout au Sud Ouest du pays. Je ne suis pour ainsi dire pas déçu du détour, j'y ai même trouvé deux petites perles perdues au milieu de la mer baltique, les îles d'Utö et de Jurmo. L'un étant très différentes de l'autre. J'ai particulièrement apprécié Jurmo, pour son côté mystérieux et sa faune et flore originalement fournies. Pas le choix, une fois arrivé sur place, il faut y rester passer la nuit, la liaison ferry étant quotidienne. Ce furent deux grandes et belles nuits de bivouac, à observer les oiseaux et le soleil couchant (enfin), isolé du monde. Ce printemps est l'un des plus froid de mémoire de finlandais, alors le touriste ne se presse pas encore et j'ai encore l'impression de tout avoir pour moi tout seul. J'en profite !

 

Pour compléter la boucle jusqu'à Helsinki, j'ai passé quelques nuits de bivouac dans le parc naturel de Nuuksio, expérimentant le camping en forêt dense et atmosphère humide. Les installations du parc sont impeccables, et bon nombre d'habitants d'Helsinki y viennent passer la journée pour se promener puis se griller une petite saucisse au feu de bois.

 

Bref, j'ai adoré la Finlande, pour sa nature, sa tranquillité, sa fraîcheur, et pour ce qu'elle représente : le début d'une nouvelle étape de mon voyage, celle qui me mènera jusqu'à mon chez-moi.

 

Lire la suite »

Retour en haut