Dubrovnik J129 Croatie

Le rythme du cyclocampeur

Écrit à Dubrovnik le 06/11/2015 – km 1768 nouveau compteur (+ 2700 km ancien compteur)

Lorsque j'avais imaginé mon voyage automnal, je m'étais figuré les caprices de la météo et les fluctuations de fréquentation touristique. Cependant, j'avais oublié une notion essentielle : la durée d'ensoleillement. Car c'est elle qui conditionne le rythme de la journée du cyclocampeur. Souhaitant rouler au clair, lorsque le crépuscule pointe le bout de son nez à 17h00, il est préférable de commencer à chercher le bivouac à partir de 16h00. Il n'est même pas rare que je me retrouve dans les bras de Morphée bien avant le début du journal de 20h, alors plongé dans la nuit froide et humide. Le changement à l'heure d'hiver n'arrange rien et me décale d'autant plus du monde civilisé. Avec comme conséquence fâcheuse de raccourcir considérablement le temps de pédalage journalier, et donc le nombre de kilomètres potentiellement accomplis en un tour de soleil. 

 

De jour, le contraste est saisissant. Le soleil s'installe, cognant comme un aoûtien et assurant au voyageur d'air libre une salvatrice assistance morale. Et bien, je dois avouer, cela fait plaisir ces vacances à l'intérieur des vacances. Ne pas avoir à lutter contre la pluie ou le vent apporte réjouissance et matière à enthousiasme. Sourire que semble aussi avoir retrouvé les locaux. Il n'est désormais pas rare de se faire encourager par un coup de klaxon amical (ou pas) ou de répondre à l'aimable salutation d'un badaud. Finalement le soleil est le meilleur remède contre la morosité. 

 

Après Skradin, j'ai ralenti le rythme pour la première fois depuis Vienne. Tout d'abord, un hôte Warmshower (que je n'ai même pas le loisir de rencontrer) a eu la bonté de me laisser un minimaliste appartement pendant 6 jours, à Kastela, tout proche de Split. C'est un petit village de pêcheurs où le tourisme ne semble pas encore avoir eu prise, avec son esprit de quartier et son historique patrimoine architecturale. J'ai adoré me laisser happer par le faux-rythme de la vie locale, sans penser à avancer, à contempler le soleil se coucher où observer les vagues se briser. Et puis j'ai fait ma première rencontre croate, Malo, qui m'a montré quelques coins sympas de Split et quelques tips pour essayer de mieux comprendre les autochtones. 

 

Un autre changement majeur dans mon voyage, je voyage désormais en groupe. Je ne l'ai pas cherché, mais l'opportunité s'est présentée avec des cyclocampeurs que j'ai apprécié dès le premier jour. Et qui aussi, point essentiel, ont un rythme analogue au mien : une cinquante-soixantaine de kilomètres par jour (ou moins). Voyager en solitaire comporte ses avantages, importants à mes yeux, qui m'ont d'ailleurs poussé à penser mon voyage comme un « one-man trip». Mais le groupe me révèle une autre facette de l'aventure, socialement enrichissante car la rencontre se déroule plus sur le long terme que celle d'un local que l'on devra laisser un moment ou un autre sur le bord de la route. Côté matériel, il y a un autre avantage non négligeable : on partage les frais de bouche et de logement, et l'on gagne ainsi en confort tout en faisant des économies. J'imagine que d'une manière ou d'une autre le voyage me préparait à cette éventualité, et que j'étais enfin mûr pour accepter de partager la route. 

 

Nous somme donc 7. Groupe qui a été composé en 2 étapes. J'ai d'abord rejoint le noyau initial composé de Mona (Suisse), Max (France) et Calvin (Nouvelle-Zélande). Et quelques jours plus tard, c'était Tim (Suisse), Antoine (France) et Lydia (Hollande) qui venaient grossir les rangs. Tous partis de France (à l'exception de Lydia), nous traçons dorénavant la route en convoi, et dieu seul sait lorsque nos chemins se sépareront. Une seule certitude comme objectif commun : rejoindre la Grèce dans l'espoir d'un hiver meilleur. 

 

Parcourir la côte croate se présente comme un émerveillement quotidien. Malgré les routes parfois inhospitalières à la pratique du vélo, nos yeux s'écarquillent sur ces beautés de la nature et ces petits bijoux architecturaux. Après Split, nous avons pris le ferry direction l'île de Korcula et son relief accidenté. Au menu routes de bord de falaise somptueuses, passages au beau milieu de vignobles généreux et ma première baignade dans la mer adriatique, par une douce matinée de début de mois de novembre. Je n'ai pas pu résister au plaisir de nager dans cet eau presque chaude, le soleil levant venant me chatouiller gentiment la peau. Enfin, cerise sur le gâteau, Dubrovnik la blanche élégante nous dévoile ses charmes et nous permet de conclure en beauté cette traversée de la Croatie, parfois éprouvante, parfois douloureuse, parfois déroutante, mais surtout sublime et majestueuse.

 

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