Bangkok J435 Thaïlande

La péninsule thaïlandaise

Ecrit le 25 mai 2017 à Bangkok – km 12900 (18900 depuis le départ)

Difficile de réellement savoir d'où me vient cette passion pour le voyage, mais il y a quelques influences qui doivent probablement ressurgir de mon enfance. Je me souviens avoir été époustouflé par les vieux James Bond, qui commençaient le plus souvent par un plan travelling d'un endroit extraordinaire, comme la baie de Rio. Ces premières émotions de baroudeur m'ont peut-être encouragé inconsciemment à aller vérifier moi-même la beauté du monde. Je me devais donc d'aller traîner mes roues dans le sud de la Thaïlande et sa précieuse mer d'Andaman, lieu de tournage du légendaire volet « L'homme au pistolet d'or ». 

 

Bien que je ne me suis pas exactement rendu sur l'île maléfique du film, je n'ai pour dire pas été déçu du détour, et peux vous assurer maintenant que c'est encore plus beau en vrai que sur le grand écran. Des plages de rêve, des bouts de rocher suspendus entre ciel et mer, du sable aussi blanc et fin que du coton, les ennemis du célèbre agent 007 ne plantaient pas leur forteresse diabolique sur n'importe quel lopin de terre. Les îles paradisiaques ne sont pas en reste. Ce qui m'amène à passer du cinéma à la petite lucarne et l'émission cultissime des aventuriers en herbe: Koh Lanta. Marcher sur les traces de feu Roger Moore et de Moundir, ce n'est tout de même pas rien (pour moi en tous cas). 

 

Je quitte la rude sécheresse du nord pour retrouver la verdure, de plus en plus fournie au fur et à mesure que je m'avance vers le sud. Bonjour exploitations d'hévéas, plantations de palmiers, champs de cocotiers, forêts primaires (ou plutôt ce qu'il en reste), dunes et mangroves. Ce vert n'est pas isolé car le bleu des éléments eau et air l'accompagne. Quel panache de couleurs ! Les couchers de soleil étoffent la palette de toutes les nuances du spectre, offrant le soir à mes yeux ébahis un tableau chaque jour inédit. Dans une explosion de formes et de tonalités. La nuit tombée, les orages et éclairs qui passent au loin se savourent comme des feux d'artifice. L'horizon offre un spectacle permanent. Et parfois, on peut même savourer dans l'obscurité de la forêt un gracieux ballet de lucioles, celles-ci s'improvisant alors égayeuses de bivouac. Des moments magiques. 

 

Un spectacle que je partage avec ma nouvelle compagnonne de route. Eh, mon hôte de Chiang Mai, s'est décidée à tenter l'expérience du cyclotourisme. Nous avons passé plus d'un mois ensemble à traverser la péninsule thaïlandaise du nord vers le sud, affrontant en duo l'épreuve physique que représentait l'extrême chaleur du mois d'avril. Les conditions météorologiques sont extrêmes, à la chaleur étouffante s'est rajoutée une moiteur persistante et accablante, et il n'est pas rare de se taper un fort vent de face plusieurs jours de suite (qui paradoxalement devient béni pour faire sécher nos fringues trempées de sueur en fin de journée). 

 

Fort heureusement, son beau pays regorge de ressources pour combattre la canicule. Notre plus grand ami, celui qui nous a souvent sauvé la vie et rafraîchi le cerveau, j'ai dénommé le dieu Smoothie. A la noix de coco, à la mangue, au thé vert ou encore à la fraise, ce cocktail de fruit et de glace passés au mixeur nous permet de faire baisser la température corporelle de quelques degrés dans les moments les plus brûlants de la journée. Cet arrêt au stand divin nous permet le plus souvent de recharger nos gourdes en glaçons, afin d'affronter le bouillant tarmac avec un peu plus de sérénité.

 

L'autre difficulté de rouler dans de telles conditions, c'est la fatigue mentale. Voyager à deux permet justement le soutien mutuel et le partage des souffrances. C'est sûr, il faut faire plus de concessions, essayer de minimiser l'impact de sa mauvaise humeur, mais dans la plupart des situations, rouler groupé, c'est un sacré atout dans le combat quotidien. 

 

Eh m'a aussi entrouvert les portes de la culture thaïlandaise, un univers empreint de spiritualité et de croyances, peuplé des esprits bienfaisants d'illustres ancêtres. C'est sûr que je n'aurais pas eu le même regard sur ce petit monde si j'avais traversé seul cette partie du pays. Nous avons aussi consciencieusement tenté de découvrir chacune des spécialités culinaires régionales (et seul le Dieu Smoothie sait réellement combien il y en a). Un sacrifice de l'estomac toutefois assez agréable à (di)gérer. Avec pour mon plus grand plaisir (ou pour ma plus grande perte), l'omniprésence dans l'assiette de la noix de coco, ma saveur préférée !

 

Bien que maintenant accompagné, les autochtones se montrent toujours aussi curieux à mon égard. Et bien souvent revient cette question : « where are you go ? ». Je l'interprétais au début comme un« Where are you from », mais j'étais dans l'erreur. Ce qui intéresse les thaïs, ce n'est pas d'où je viens, mais où je vais ! … Where are you going ?! … C'est assez atypique comme phrase d'accroche, et dénote le côté indubitablement positif des thaïlandais. Se tourner vers l'avenir plutôt que de s'intéresser au passé.

 

Au début du mois d'avril, j'ai pris le train depuis Chiang Mai jusqu'à Bangkok, où je suis resté 4 jours à découvrir les quartiers les plus touristiques : Kao San Road, le Palais Royal, China Town ou encore le marché de Chatuchak … Bangkok vibre en permanence dans une moiteur omniprésente. C'était un moment un peu spécial de me retrouver là-bas, la capitale thaï ayant été longtemps l'objectif final de mon périple. J'y ai fait une rencontre sympa : Benoît et Alice, que je connaissais indirectement par le biais d'autres cyclocampeurs.

 

Eh m'a ensuite rejoint sur place, puis nous avons pris de nouveau le train pour nous épargner la sortie de Bangkok et commencer le trip en terre non hostile. La station balnéaire de Hua Hin a été notre point de départ sur la côte Est de la péninsule, que nous avons suivie jusqu'à Surathani. Cette portion de périple a été paisible et agréable, avec de magnifiques bivouacs sur la plage et une petite route qui longe le littoral la plupart du temps. Le tout saupoudré de quelques parcs nationaux, ce fut une belle découverte. 

 

Ce fut aussi à ce moment que se célébrait le nouvel an thaï (le Song Khram) : la tradition, c'est de s'asperger allégrement d'eau par tous les moyens possibles : seaux, robinets, jets, pistolets, depuis la route ou depuis les pick-up, tout ce joli monde se retrouve rapidement trempé de la tête aux pieds pendant les jours les plus chauds de l'année. Je pensais que nous allions être des victimes de choix, mais en fait, j'ai été surpris par la politesse et bienveillance des enfants, qui ne nous arrosaient qu'après avoir obtenu notre accord. Nous avons juste eu le malheur de traverser la ville de Bankrut en pleine effervescence, et nous nous sommes pris logiquement une belle misère dans une atmosphère éthylique un peu stressante à expérimenter à vélo.

 

Après Surathani, nous avons quitté le bord de mer avec l'objectif de rejoindre la côte Ouest de la péninsule. Ces 3 jours furent très durs physiquement, nous avons du entre autre emprunter de longs tronçons de grosse route. La transpiration persistante commençait à attaquer notre peau et notre moral. Nous avons toutefois traversé des paysages féeriques avant de rejoindre la baie de Krabi. Entre montagnes karstiques et jungle luxuriante.

 

Notre premier contact avec la côte Ouest a été des plus mitigé. Bien sûr, difficile de rester de marbre devant ce panorama de rêve, mais tout aussi compliqué de l'apprécier dans cet environnement entièrement dédié au tourisme de masse. Ban Ao Nan, c'était Disneyland sans le Space Mountain. Nous fumes ravis de déguerpir vers la ville de Krabi (où j'ai effectué mon extension de visa en 5 minutes chrono) puis encore plus au large, vers Koh Lanta, où l'on commença de nouveau à humer le parfum de l'aventure. 

 

Koh Lanta, comme je le mentionnais plus haut dans l'article, c'est une terre de légende pour pas mal de français. En réalité, on n'a pas vraiment l'impression de se retrouver sur une île. L'accès à la plage est notamment assez compliqué, si on ne veut pas casser sa tirelire pour se loger. A mon humble avis, l'endroit a du devenir trop commercial. Cela reste tout de même une place privilégiée pour zieuter de superbes couchers de soleil et un bon point de départ pour les tours vers les îles avoisinantes. Nous avons craqué pour l'un d'entre eux et passé la journée à faire du snorkeling et bavouiller sur des plages à l'eau cristalline (que peut-être même Moundir a foulé … Quelle émotion !).

 

Notre île, celle qui nous a donné l'impression de fuir la civilisation, ce fut Koh Muk. Nous avons débarqué sur cette île pour nous laisser happer quelques jours par la douceur de vivre et l’absence de choix d'activité. Et effectivement, pas vraiment grand chose d'autre à faire que de profiter de la mer et de parler aux pêcheurs du coin. Nous avons ensuite beaucoup apprécié Trang et ses alentours. Entre bivouacs balnéaires et révélations culinaires, nous avons adoré l'authenticité de la région. 

 

Pour finir en beauté avant de revenir sur Bangkok (en train), retour sur la côte Est et la capitale culturelle du sud : Songkhla et sa ville jumelle Hat Yai. Le moment fort aura été sans conteste ces quelques jours autour du petit bourg de Patthalung et son lac colonisé par des milliers (millions?) de fleurs de lotus rose, des oiseaux migrateurs et des buffles d'eau.  

 

Tout au long de cette aventure, lorsque le bivouac n'était pas possible et que la prochaine guesthouse était trop éloignée, nous avons régulièrement été amenés à demander l'hospitalité dans les temples bouddhistes. Nous avons toujours été accueillis les bras ouverts, et je voudrais remercier du fond du cœur chacun des moines qui n'ont pas hésité à ouvrir leur porte à ces 2 cyclocampeurs dégoulinant de sueur et marqués de fatigue. Nous avons même eu parfois l'impression que nous étions déjà attendus !

 

Mais voilà, il était pour moi venu le temps de changer d'air. Avec cette humidité constante, toutes mes affaires commençaient à pourrir, moi inclus. Et cela n'allait pas s'arranger avec la mousson. J'avais plusieurs possibilités de poursuite d'itinéraire dans les cordes, parmi lesquelles continuer à rouler encore plus au sud en Asie, un possible retour en Europe et une nouvelle aventure en Amérique Sud. La décision n'a pas été facile à prendre bien que j'y pense depuis la Chine. Cependant, il a bien fallu que je tranche. C'est donc … la suite au prochain article !

 

PS : vous remarquerez peut-être lors du visionnage des images, les habituelles photos de canidés ont été remplacées volontairement par des clichés de gentils chats mignons qui ne chassent pas les cyclistes. J'ai décidé de boycotter les chiens jusqu'à nouvel ordre. Ils devront cravacher dur pour se racheter de leur intolérable comportement sur les 2-3 derniers mois. La goutte d'eau, c'est d'avoir retrouvé un beau matin ma belle chemise bleue Columbia par terre, roulée dans la poussière et en partie dévorée par un de ses maudits clebs. Peut-être même que si un jour je retourne au Vietnam, j'irai faire un détour au resto ...

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Chiang Mai J384 Thailande

Le paradis du cyclocampeur ?

Ecrit à Chiang Mai, le 4 avril 2017 – km 11340 (au total 17340 km depuis la France)

C'est avec curiosité et envie que je m'engageais sur les routes du pays qui à la base devait être l'étape finale de ce voyage. Jusqu'à présent, chaque contrée sur ce continent m'a proposé des plaisirs différents et des challenges renouvelés, et je dois avouer que je ne m'imaginais pas en mettant les roues au Japon il y a un an de ça découvrir autant de richesses et de différences entre chacun des pays asiatiques. La Thaïlande va même un cran plus loin dans les sensations de liberté et de bien-être. 

 

Le réseau routier y est pour beaucoup. Du bel asphalte pour de nombreuses petites routes de campagne, à l'instar des voies communales françaises. Il me donne la capacité d'improviser, de flâner au jour le jour sans pour autant me retrouver dans des bourbiers sans nom. Avec souvent au détour d'une de ces chaussées bucoliques, l'apparition soudaine et lointaine, voire mystique d'un pharamineux bouddha en or ou d'un stupa non moins colossal. Cela pose le décor.

 

A cela, j'ajoute la sympathie sans fin des locaux. Mais quand ce dégoulinement de bienveillance et d'amabilité va-t-il s'arrêter ? Même si je retrouve ici un relatif anonymat, ils ne sont jamais avares d'un sourire bien placé ou d'une petite conversation au coin d'une rue. Ils s'assurent aussi régulièrement que je pédale dans la bonne direction ou que je ne manque de rien. D'ailleurs, le voyage pourrait aussi bien se résumer à ça : la récolte aux sourires. Au plaisir simple de saluer et se faire saluer en retour. C'est hautement addictif et toujours amusant de constater dans les yeux des badauds l'incrédulité ou l'enthousiasme. Les Thaïlandais, les gens les plus sympas du monde !

 

Il y a aussi le retour à une cuisine variée et délicieuse. Brochettes, pad thai, kaosai, riz sauté, fruits exotiques au goût extraordinaire ... les nombreuses spécialités locales me comblent papilles et estomac. En fait, je passe mon temps à bouffer. Réchaud et popote se retrouvent progressivement bien cachées tout au fond de mes sacoches, l'accès à cette manne nourricière étant facile et peu chère via les multiples et achalandés marchés de jour et de nuit. Il est tout aussi aisé de se ravitailler en liquide : avec ces petites bornes distributrices d'eau potable, je remplis mes gourdes pour seulement quelques baths !

 

Cela fait de moi de nouveau un cyclo-campeur totalement disposé à recevoir ces petits moments de bonheur intense qui arrivent furtivement, sans prévenir, et qui décuplent l'énergie de continuer. J'irai même jusqu'à affirmer : le voyage pourrait aussi bien se justifier uniquement par la recherche de ces moments fugaces, où les astres semblent converger vers la procuration de cette félicité tant convoitée. J'apprécie aussi beaucoup ce temps en solitaire. Cette solitude que je recherche et qui me permet la méditation en mouvement et une reprise en main de mon destin nomade. 

 

Serais-je arrivé au paradis des cyclo-campeurs ? Peut-être, oui, par intermittence. Car je redescends bien vite sur terre, lorsque je me retrouve à pousser mon vélo sur une pente à 15-20 % dans un petit fumet de champ brûlé le tout sous un cagnard dépassant allégrement les 40°C. Ces instants-là me donnent plutôt un avant-goût de ce que pourrait être l'enfer.

 

J'arrive en Thaïlande pile poil pour le début de l'été et ses températures caniculaires. Le nord du pays qui aurait du être si vert et luxuriant me propose maintenant des paysages arides et un sol dur comme de la pierre. L'horizon est en permanence feutré par les émanations de fumée issues de la culture sur brûlis et les incendies volontaires de forêts (sans pour autant gêner la respiration et l'expérience cycliste). Je retrouve toutefois ce vert chatoyant subsistant sur les rizières encore irriguées, et la nuit le mercure tombe juste assez pour me permettre de respirer et de me régénérer pour le jour suivant. Le répit dure jusqu'à environ 10h du mat, après ça cogne sévère. 

 

J'imagine aussi qu'il doit y avoir un problème dans la formation des ingénieurs de la DDE locale. Ou qu'ils ont suivi leur cursus en Corée du Sud. Depuis ce pays justement je n'ai jamais vu de gradients de côte aussi démesurés ! Il n'y a aucune notion de progression dans les montées, quand on pense avoir fait le plus dur, et bien souvent ils en rajoutent une nouvelle couche. Il vaut mieux regarder ses cartes à deux fois avant de s'engager sur une petite route de montagne. Pour le salut de l'âme et des mollets. 

 

Pour une raison inconnue cette fois-ci, c'est le retour des chiens agressifs. Sans toutefois atteindre le niveau de paranoïa provoqué par les attaques canines grecques, je dois de nouveau faire gaffe à ces poursuites inopportunes de clébards énervés. Une combinaison de chiens stupides et de portails ouverts. Bizarrement, ils se la ramenaient moins dans les pays où ils passaient à la casserole. 

 

Après la frontière avec le Laos, j'ai tout d'abord rejoint Chiang Rai et son magnifique temple blanc. Pour ensuite continuer sur les petites routes pour relier le lac de Phayaho. J'ai ensuite essuyé mes premiers reliefs en me rendant à Nan puis Nanoi, où je fus accueilli les bras ouvert par Nan, sa famille et ses amis. J'ai ensuite découvert Phrae et l'architecture de ses maisons traditionnelles en bois de teck. Pour enfin prendre la direction de Chiang Mai en passant par la paisible et pittoresque Lampang. J'ai choisi cette route pour son éloignement de l'itinéraire touristique habituel et privilégier les rencontres. Un choix que j'estime plus que payant et qui m'aura apporté beaucoup de plaisir et de tranquillité. Il y a eu notamment de beaux et nombreux bivouacs. J'ai même eu le privilège de me faire héberger dans un petit temple où j'ai dormi sous l’œil bienveillant du bouddha.

 

Je suis actuellement à Chiang Mai, seconde ville du pays et capitale du nord, qui regorge de petits trésors de marchés et de temples tout aussi charmants les uns que les autres. Une escapade culinaire et reposante guidée par Eh, locale de l'étape, qui a eu la gentillesse de m'héberger quelques jours et la bonté de me faire découvrir ses restaurants préférés. Prochaine destination : Bangkok !

 

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